AUDI A8: QUAND LA CONDUITE AUTONOME PREND LE RELAIS

La nouvelle Audi A8 est la première voiture de série à s’équiper d’un mode autonome de niveau 3. Jusqu’à 60 km/h, le dispositif prend la place du conducteur, sans requérir la surveillance de ce dernier.

Non, n’ayez pas peur: les voitures de série sont encore et toujours équipées d’un volant et de pédales et ce, même si elles n’ont été commercialisées que tout récemment. C’est donc toujours le conducteur, ou la conductrice, qui continue de donner les ordres et décide quand accélérer, freiner ou s’arrêter. Et pour cause, il n’y a pas encore de voiture de production capable d’assumer toute seule toutes ces fonctions.

Il n’y avait pas, est-on tenté de rectifier. Effectivement, à l’IAA, l’Internationale Automobil Ausstellung, qui se tenait à Francfort le mois dernier, Audi a présenté le «AI-Staupilot» (l’autopilote d’embouteillage en francais). Installé sur l’Audi A8, le Staupilot (Traffic Jam Pilot en anglais) est le premier dispositif au monde à autoriser la conduite automatisée de niveau 3, qu’on pourrait décrire comme partiellement automatisée selon la dialectique suisse. Concrètement, l’option — oui, le dispositif n’est pas installé de série sur la voiture — de la marque aux quatre anneaux se charge de la conduite dans les embouteillages sur autoroute ou dans les bouchons où l’on roule à moins de 60 km/h.

Se faire conduire

Bien sûr, il y a depuis un certain temps déjà, en particulier chez Mercedes par exemple, des assistances capables de reprendre partiellement le rôle du conducteur. Mais, avec le Staupilot Audi de niveau 3, le conducteur n’a plus besoin de surveiller la route en permanence. Lorsqu’il active le dispositif, sa seule tâche consiste à rester prêt à intervenir et à reprendre les choses en mains si l’interface lui en donne l’ordre. Il est donc exclu de s’asseoir à l’arrière de la voiture et de se faire conduire. Tout comme il est totalement hors de question de faire un petit somme.

«Une fois que le Staupilot a été activé via la touche AI de la console centrale et que le système a pris le contrôle, une caméra surveille en permanence l’état du conducteur et sa capacité à récupérer le volant lorsque cela s’avère nécessaire», nous a expliqué Daniel Lepczyk, employé Audi spécialisé dans les dispositifs embarqués. Selon l’ingénieur, ce système analyse par exemple la position et les mouvements de la tête ainsi que le clignement des yeux. Ainsi, si le conducteur garde les yeux fermés pendant un certain temps, le système lui intime l’ordre de reprendre les commandes. Idem lorsque toutes les conditions pour rester en conduite pilotée ne sont plus réunies, quand la vitesse de la file de voitures dépasse 60 km/h par exemple.

Au besoin, la voiture s’arrête

Cet ordre se fait via des alertes visuelles et acoustiques. La phase d’avertissement dure une dizaine de secondes et si l’on n’en tient pas compte, un arrêt d’urgence est alors déclenché. Celui-ci est annoncé automatiquement aux autres usagers à l’aide des feux de détresse et le système émet en toute autonomie un appel de secours.

La Revue Automobile a pu se convaincre elle-même de la fonctionnalité et de l’efficacité de ce pilotage automatique dans les embouteillages. Pour des considérations juridiques, les journalistes n’ont le droit de tester la voiture que sur une piste de l’aéroport de Düsseldorf, spécialement réservée à cet effet. Le trajet dans des conditions vraiment réelles sur une autoroute allemande, et donc la mise à l’épreuve du système, a été effectué, pour des motifs de responsabilité, par l’ingénieur Daniel Lepczyk.

Une philosophie défensive

Une fois le système activé, la voiture s’émancipe. Elle se glisse dans la peau du conducteur. Quant à l’humain derrière le volant, il peut vaquer à ses occupations: travailler, regarder la télévision ou encore consulter ses emails. Oui, le Staupilot s’occupe de tout, de démarrer, de tourner et de freiner. Il maîtrise même des situations aussi complexes qu’un véhicule s’insérant de près dans la file devant vous.

«Le système est programmé pour être courtois et coopératif» souligne Daniel Lepczyk. Dans la pratique, cela se traduit de plusieurs manières. Par exemple, si la vitesse de la file de voitures diminue sur l’autoroute ou sur les voies rapides, l’A8 s’oriente automatiquement sur le marquage au sol du côté gauche. Et ce, afin de favoriser la création d’un bande de secours «virtuelle».

Lors de notre court essai, la philosophie défensive du système nous a surpris: au moment de dépasser une série de camions se suivant de près, les capteurs de l’A8 n’ont en effet pas été en mesure d’analyser la situation. Résultat: par mesure préventive, le dispositif a actionné assez brutalement les freins.

L’AI-Staupilot scanne l’environnement grâce à une armada de capteurs et de caméras: il y a douze détecteurs à ultrasons à l’avant, sur les côtés et à l’arrière, quatre caméras d’environnement à l’avant, à l’arrière et dans les rétroviseurs extérieurs, une caméra frontale tout en haut du pare-brise, un radar moyenne portée à chaque angle du véhicule, un radar longue portée à l’avant ainsi qu’un scanner à laser dans la proue. Toutes ces informations, l’autopilote d’embouteillage les regroupe et les analyse dans un boîtier central dénommé zFAS. Précisons que, à tout moment, le conducteur a la possibilité de reprendre le contrôle, en donnant un coup de frein ou d’accélérateur par exemple. C’était d’ailleurs l’une des conditions sine qua non à l’homologation d’une telle technologie.

Accident: qui conduisait?

Comme c’est le cas sur bon nombre de systèmes électroniques, le risque de dysfonctionnement et de panne est bien réel. Le Staupilot ne fait pas exception à la règle. D’autant plus qu’il est particulièrement complexe. Ainsi, selon Audi, le boîtier de commande est, à lui seul, plus puissant que l’ensemble des systèmes électroniques installés dans l’A8 de précédente génération. Cela n’est pas étonnant: cet ordinateur qui a sensiblement la taille d’une tablette, réalise, sur base des données reçues en flux continu, une reproduction de l’envirronnement du véhicule. La sécurité du système ayant une importance particulièrement grande, Audi a conçu un système redondant. Et s’il devait malgré tout y avoir une défaillance dans le dispositif, un deuxième système de freinage permettrait d’éviter le pire. Si un incident se produit malgré tout — on pense notamment à une collision —, se posera alors la question de savoir qui du conducteur ou de l’autopilote était aux commandes. Une mémoire de données dédiée permet de le déterminer. Lorsque l’autopilote est activé, cet enregistrement prescrit par la loi recense le partage des tâches entre le conducteur et la voiture ainsi que les ordres donnés au conducteur de reprendre le volant. Ces données sont sauvegardées anonymement dans la mémoire pendant six mois. Pour le moment, on ignore encore quand l’autopilote – en particulier sur les autoroutes suisses – pourra être utilisé. En Allemagne, les préalables légaux n’ont été réunis par le gouvernement fédéral que vers la fin juin 2017. Il faut pour cela des réglementations aussi bien sur le plan du droit de l’homologation que sur celui du droit du comportement. Un tel système ne pourra de toute façon être utilisable en Suisse que lorsqu’il aura été homologué et que les preuves techniques nécessaires auront été apportées. Or, ce n’est pas encore le cas. Pour l’heure, les voitures à volant et à pédales ont donc encore de beaux jours devant elles.

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