L’arrivée d’Herbert Diess à la tête du groupe Volkswagen en remplacement de Matthias Müller a globalement été bien accueilli par les observateurs. Nombre d’analystes financiers applaudissent des deux mains ce changement. Quand bien même la décision de se séparer de Müller paraît incongrue d’un point de vue économique, elle démontre toutefois plusieurs volontés claires: on referme la parenthèse du Dieselgate puisque Diess n’est arrivé chez VW que deux mois avant l’éclatement du scandale; il n’est donc pas dans le viseur de la justice. Le même Diess n’est pas du sérail, il n’est pas pollué par la culture si particulière du groupe. Enfin, cette nomination consacre celui qui, à la tête de la marque VW, aura fait doubler la profitabilité de celle-ci entre 2016 et 2017.
Il reste cette satanée «loi VW» qui, de facto, conduit le grand patron à plus s’occuper de politique que de rentabilité. Pas certain que les exploits de Diess soient reproductibles à plus grande échelle, qui plus est en détenant un pouvoir omnipotent sur l’ensemble du groupe. Matthias Müller a d’ailleurs lutté contre cet état d’esprit, en donnant plus de latitude à ses collaborateurs, leur demandant de suivre leur instinct, dans une conjoncture difficile pour l’automobile où les options les plus variées méritent d’être explorées dans tous les domaines.
En réalité, la nomination d’Herbert Diess balaye nombre de réformes et remises en question, entamées par Müller, d’un revers de la main. Que restera-t-il du virage à 180° inattendu opéré sur le véhicule électrique et les nouvelles formes de mobilité ou encore la rupture du front commun de défense du diesel avec BMW et Daimler? Certes, le plan stratégique 2025 serait maintenu dans son intégralité par la nouvelle direction. Mais tant d’audace n’aurait-elle par trop ébranlé la gouvernance sommitale du groupe, IG Metall compris? Très probablement.
Revenir à la structure pré-Dieselgate, avec un management ultracentralisé qui exploite à 150% les synergies intermarques, apparaît étrangement comme une nécessité. Le mot «diesel» est banni du vocabulaire, les propulsions alternatives sont abordées avec circonspection. J’en veux pour preuve qu’aucun document de la communication VW faisant suite au changement de direction ne mentionne le mot «diesel» ou «propulsion alternative». Alors qu’il y a quelques semaines, Diess lui-même clamait haut et fort: «Nous avons besoin du diesel, le diesel a un avenir.» On a déjà vu plus clair comme présentation de stratégie ou exposé de vision.
Enfin, la réputation de tueur de coûts précède Diess. Il y a donc fort à parier que l’objectif premier de VW sera désormais d’optimiser l’existant à son maximum, quitte à laisser aux autres l’audace d’innover. Dommage.