Courses d’équipe, courses truquées?

Formule 1 Dans la foulée de la polémique suscitée par le déroulement du dernier GP de Russie, l’histoire de la F1 vient au secours de la tactique utilisée par Mercedes. 

©ARC, MSPB

Rien de nouveau sous le soleil. Le petit monde de la F1 – à commencer par ses fans qui se répandent doctement sur les «incontournables» réseaux sociaux à la moindre occasion – a décidément la mémoire courte. Les courses d’équipe ont toujours existé, même lorsque la pression de l’opinion publique avait poussé les organes dirigeants du sport à les interdire. Certes, l’avance de Lewis Hamilton sur son dernier contradicteur, Sebastian Vettel, est plus que confortable, du haut de ses 67 points. C’est bien plus que deux victoires. Mais nul n’est à l’abri d’un mauvais concours de circonstances, pas même l’Anglais et sa Flèche d’Argent. Un accrochage parci, une défaillance mécanique par-là, deux succès du pilote Ferrari entretemps, et voilà les compteurs remis à zéro. Utopique? Probablement. Possible? Pourquoi pas…

Wolff défendu
Il faut donc comprendre la prudence frileuse de Mercedes demandant à Valterri Bottas de s’effacer au profit de son incontestable leader à Sotchi. Cette saison, le Finlandais a rarement été à la hauteur du très probable futur quintuple champion du monde, et son sacrifice – même douloureux, car l’occasion était rare – apparaît tout simplement logique. Tellement logique que le paddock était quasiment unanime à prendre la défense de Toto Wolff, le patron, qui a courageusement assumé sa décision. Même, ironie du sort, la principale victime – après Bottas – de la manipulation, soit Vettel en personne! Evidemment pas sans arrière-pensée, car l’Allemand n’a pas bénéficié, chez Ferrari, des mêmes appuis de la part de son pourtant «copain» Kimi Räikkönen. Et pourtant, les épisodes les plus fameux de courses d’équipes manipulées concernent précisément la Scuderia. Le dernier, qui avait fait couler beaucoup d’encre et asséché pas mal de salive, date du GP d’Allemagne 2010. Le fameux message-radio «Fernando is faster than you», indiquant à mots couverts (ou presque) à Felipe Massa qu’il devait laisser passer son nouvel équipier Alonso, plus rapide que lui en cette phase de l’épreuve, avait été aussi mal accueilli que l’épisode Bottas-Hamilton de Sotchi. La différence, c’est que ce genre de tactique était alors interdit par le règlement, et qu’elle coûta à Maranello une amende de 100 000 dollars.

Consignes d’équipe Avant Hamilton et Bottas, Ferrari avait ému le paddock en 2002 (à droite) en Autriche, puis en 2010 en Allemagne (à gauche). ©ARC, MSPB

Le scandale de Zeltweg
Mais, si le règlement en était arrivé à cette extrémité, Ferrari ne pouvait s’en prendre qu’à elle-même et au scandale déclenché, huit ans plus tôt (2002), au GP d’Autriche. Jean Todt était alors aux commandes de Maranello, main de fer dans un gant… d’acier, et lorsqu’il demanda à Rubens Barrichello de s’effacer devant Michael Schumacher, le tollé fut aussi général que violent. La domination du grand «Schumi» sur la F1 était telle qu’elle commençait à lasser; en plus, il venait de remporter quatre des cinq GP disputés depuis le début de la saison, et il en restait 11 à courir. Au contraire, le brave «Rubinho» avait accumulé les déboires et, pour une fois qu’il était devant à la régulière, voilà que la politique interne venait se mettre en travers de sa trajectoire victorieuse. Cela semblait aussi déplacé qu’inutile pour tout le monde – même Schumacher ne savait plus où se mettre sur le podium, poussant son équipier sur la plus haute marche qui aurait dû lui revenir – mais pas pour Todt et sa calculette. L’histoire, cette année-là, acheva d’ailleurs de ridiculiser cet excès de précaution, Schumi coiffant son 3e titre consécutif en rouge (le 5e de sa prodigieuse carrière) dès le GP de France, deux mois plus tard déjà (21 juillet), à six courses de la fin du championnat! Un nouveau record de précocité à mettre à l’actif de ce dévoreur de statistiques. Le doute subsiste sur le paiement effectif de l’énorme amende infligée à Ferrari par la FIA, alors dirigée par l’«ami» de Jean Todt, Max Mosley: un million de dollars – dont la moitié exigée immédiatement – pour le tort causé à l’image de la F1! Un autre record…

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