Le Conseil national adoptait lundi une hausse maximale du prix des carburants de huit centimes par litre, dans le cadre de la révision de la loi sur le CO2. Le but, permettre à la Suisse de respecter ses engagements pris à Paris sur le climat. La loi dans son ensemble sera finalement rejetée mardi par la Chambre du peuple, faisant capoter dans le même temps l’augmentation de huit centimes sur l’essence adoptée la veille. Il ne s’agit là que d’un sursis gagné par les automobilistes, l’objet repartant à la Chambre haute. La question que l’on se pose est de savoir où se situe le seuil où l’augmentation devient trop douloureuse? En France, la réponse est connue, comme nous l’a démontré le vaste mouvement des «gilets jaunes». En effet, la hausse de six centimes répartis jusqu’en 2022 sur chaque litre de gazole – une mesure entretemps gelée par le gouvernement français suite aux violentes protestations – a été la goutte qui a fait déborder la citerne. Il faut savoir, en effet, que cette élévation de la taxe carbone intervenait dans un contexte où les carburants avaient déjà augmenté (à cause de l’envolée du prix de baril) d’environ 20% en un an. Ainsi, le litre de sans plomb et de gazole coûte environ 1,45 euro à la pompe aujourd’hui dans l’Hexagone. Cela représente environ 0,08% du salaire médian français, de 1710 euros. Une pression équivalente sur les revenus d’un Suisse – le salaire médian étant de 6500 francs bruts chez nous – signifierait un litre à 5,50 francs! Malheureusement, pour les plus défavorisés, souvent contraints de vivre hors des centres villes à cause des loyers élevés pratiqués, ce serait la double peine: en plus d’être assommés à la pompe, il seraient obligés de se déplacer en transports publics (souvent plus lents) pour se rendre au travail. Certes, les pouvoirs publics, en France comme en Suisse, ont compris qu’il n’existe pas plus puissant levier que celui du portemonnaie pour opérer une transition d’une telle ampleur. Ils abordent hélas la chose par la négative, via l’instauration de taxes, plutôt que de subventionner réellement la transition (installation de bornes de recharge, etc.). Sûr, les gouvernements avancent que l’argent récolté servira à _ nancer la transition; dommage qu’on doive pour cela créer une nouvelle taxe. En effet, certains impôts sur les carburants, en Suisse du moins, ont été instaurés au motif de compenser les dégâts sur la santé et sur l’environnement occasionnés par la pollution. En partant du principe que les véhicules propres consommeront moins (voire pas du tout) et, dès lors, pollueront moins, ne peut-on pas simplement rediriger une partie de ces fonds – initialement destinés à réparer les effets de la pollution – vers le _ nancement de la transition? Voire à vers le subventionnement massif des véhicules propres? Car le jour où rouler en voiture «verte» coûtera nettement moins cher qu’en voiture essence, des vagues d’«écolos convaincus» verront le jour, on vous le dit…