Après Pikes Peak, c’est au tour du Nürburgring d’accueillir Romain Dumas et son ID.R, le prototype électrique de VW, pour écraser le record de la catégorie des voitures électriques. L’objectif porte bien au-delà d’une lutte de prestige: il en va de démontrer le potentiel de l’électrique, à en prouver son attrait et à occuper le rôle de leader dans cette révolution. De façon étonnante, la réponse des concurrents est absente alors que l’image de marque reste encore à construire autour de cette technologie naissante. La voie semble libre pour Volkswagen, qui ne se prive pas pour prendre de l’avance et transformer ses essais sur ses plus gros marchés.
Une aérodynamique entièrement revue
Depuis le record «explosé» à Pikes Peak
l’année dernière, l’ID.R a subi de nombreuses modifications, en vue de
l’adapter au Nürburgring. Un passage dans la soufflerie Porsche a notamment
abouti sur plusieurs modifications aérodynamiques. L’altitude et la densité de l’air constantes ont notamment
consenti une réduction des appuis aérodynamiques. Il a fallu cependant se
passer de l’effet de sol, car non-maîtrisable sur ce circuit: les vallonnements
et les bosselages de la piste empêchent le maintien d’une hauteur constante
entre la jupe et le bitume. La dépression sous l’auto serait alors instable, un
risque inenvisageable à ses vitesses. La seule solution était donc de
travailler sur les appuis extérieurs, en reprenant l’aileron rétractable DRS
inspiré de la formule 1. Enfin, dernière contrainte aérodynamique de taille
pour les ingénieurs: il faut suffisamment d’ouïes pour refroidir les batteries.
Car, pour en tirer l’efficacité maximale, leur température doit rester autour
de 30°. Châssis et suspensions ont également été adaptées aux caractéristiques
du circuit, avec des renforts et un tarage ad hoc. En dépit de ces modifications,
le pilote a tout de même été obligé de soulager l’accélérateur afin de ne pas
écraser la coque carbone de l’ID.R sur le bitume.
La légèreté plutôt que la puissance
Pour faire la différence avec la NIO EP9,
jusqu’ici détentrice du record pour les prototypes électriques, les efforts
ont également porté sur le poids. L’objectif a été de le maintenir au-dessous
de 1100 kg, pilote inclus, contre les 1735 affichés par sa concurrente chinoise.
Toutefois, grâce à ses deux moteurs électriques supplémentaires et ses 1360 ch,
la NIO présente un ratio poids/puissance plus avantageux que l’ID.R, soit 0,62
kg/ch contre 0,77. Malgré cet handicap de puissance, VW revendique un 0 à 100
km/h en 2,25 s pour son ID.R, contre 2,7 s pour la NIO; l’allemande serait même
capable d’encaisser 3G, dans le virage du Karussel. La finesse de
développement expliquerait ce retournement de situation.
Des marges de progression
A Pikes Peak, l’ID.R bénéficiait de son
insensibilité à la raréfaction de l’air en altitude, contrairement aux autos
avec moteur thermique. Les deux types de propulsion faisaient, à cet égard, jeu
égal, au Nürburgring. Les protos à moteur thermique peuvent cependant faire
valoir dans l’Enfer vert une vitesse de pointe plus élevée – environ 350 km/h –
contre 270 km/h «seulement» pour l’ID.R. Des progrès sont attendus au niveau du
convertisseur pour combler ce déficit, mais cela ne suffira pas: il faudra
aussi adapter les batteries, afin qu’elles soient capables de délivrer cette
puissance. Les batteries représentent, en effet, le maillon faible de toute la
chaîne de traction. Celles qui ont été utilisées pour l’assaut au record du
Nürburgring sont identiques à celles employées à Pikes Peak. Sauf qu’elles ont
été, ici, soumises à plus rude épreuve qu’au Colorado, en raison de la vitesse
moyenne de 206 km/h contre 150 km/h à Pikes Peak. Romain Dumas n’a, d’ailleurs,
pas caché la difficulté que représentait la dernière ligne droite (Döttinger
Höhe) du Nürburgring, à cause du risque de la «panne sèche» d’électrons. C’est
aussi ce qu’il se passera lors du second essai, obligeant le pilote français à
lever le pied; il bouclera, malgré cet incident, le tour en 6’12’’. L’enseignement,
c’est que la récupération de l’énergie du freinage – qui s’élève à 20% – ne
suffit pas à parcourir un tour sans arrière-pensée: le pilote doit garder un
oeil sur la consommation.
Un pilote d’exception
Pour Romain Dumas, qui prendra le départ
des 24 Heures du Mans 2019, le Nürburgring représente «le plus beau circuit au
monde, et le plus difficile aussi». Le pilote français n’a pas économisé son talent
pour améliorer le chronomètre, tour après tour. Il finira par exploser les
6’20’’ qu’il avait pronostiqués, avec un mirobolant temps de 6’05’’336 au bout
du quatrième et dernier essai de la journée. L’objectif est atteint, largement
même, puisque le record détenu par la NIO EP9 (6’45’’9) a été pulverisé, tout
comme celui de la Porsche GT2 RS MR (6’40’’33). En revanche, les 5’19’’ signé
par la 919 Hybrid Evo sont hors de portée; aujourd’hui, du moins. Car le
prototype de Porsche représente le fruit d’une longue évolution, tandis que la
propulsion électrique débute tout juste sa carrière. En attendant, l’ID.R
continuera sa moisson de records sur le continent asiatique, avec le circuit de
Tianmen en septembre de cette année.