La prudence, le principe prioritaire

PRIORITÉ FORCÉE Un automobiliste a usé de son droit de priorité de façon musclée, «de bonne guerre», comme il s’est justifi é. Ce n’est pas l’avis du Tribunal pénal genevois, qui a sanctionné le conducteur.

Un homme et une femme circulent en parallèle sur une route à deux voies dans le même sens, en zone urbaine. Une dizaine de mètres plus loin, la voie de gauche se rabat sur celle de droite: c’est là que commencent les problèmes pour les deux automobilistes de cette affaire. Arrivés à cette intersection, les deux conducteurs forcent le passage, chacun essayant à tout prix de passer avant l’autre. L’accident est évité de justesse, ou «par chance uniquement», pour reprendre les mots du Tribunal. Convaincue – à tort – qu’elle était prioritaire, la conductrice circulant sur la voie de gauche (celle qui se rabattait sur l’autre) dépose alors plainte à l’encontre de l’autre automobiliste. Ce dernier se voit alors notifier une contravention pour violation de la priorité. Saisi de cette affaire, le Tribunal pénal de Genève rappelle d’emblée que le débiteur de la priorité était la conductrice: c’était sa voie qui se rabattait sur l’autre. La plaignante était en réalité coupable d’une violation de priorité, la sanction prononcée à l’encontre de l’autre automobiliste est annulée. Toutefois, de façon intéressante, le Tribunal a relevé que l’automobiliste prioritaire avait, lui aussi, commis une faute: il n’aurait pas dû forcer le respect de son droit de priorité. En le faisant, au point de risquer l’accident, il avait participé intentionnellement à la création d’un danger et violé ainsi son devoir de prudence. Il a ainsi écopé d’une contravention de 500 fr. (+400 fr. d’émoluments). Quant à la conductrice, le Tribunal a notifi é son infraction au service des contraventions.

La règle fondamentale de la prudence
En sus des règles bien connues de tous les automobilistes, telles que les priorités, l’obligation de s’arrêter à un stop et de céder le passage, la loi prévoit également une règle plus générale, le devoir de prudence. Cette règle générale, consacrée par l’art. 26 LCR et intitulée «règle fondamentale», est subsidiaire aux autres et trouve application lorsqu’un comportement est néanmoins considéré comme dangereux, même si aucune règle spécifique n’est enfreinte. Elle prévoit, en effet, que chacun doit se comporter sur la route de manière à ne pas gêner ni mettre en danger les autres usagers. De ce devoir général découle que celui qui respecte les règles est autorisé à considérer, a priori, que les autres en feront de même. C’est ce qu’on nomme le principe de la confiance. Cette confiance ne doit cependant pas être aveugle ou sans limite. Si des circonstances particulières viennent l’altérer, le «principe de la confiance» cède alors la place à son corollaire, le «principe de la méfiance».

Alors, confi ance ou méfi ance?
Comme le rappelle le Tribunal pénal dans cette affaire, une prudence particulière s’impose dès qu’un usager de la route se comportera visiblement de manière incorrecte ou dès que les circonstances sont peu claires ou confuses. Cette même prudence est requise face à un usager qui, par nature, peut s’avérer dangereux ou imprévisible. Pour ne citer que quelques exemples, on pourrait ainsi penser aux cyclistes, parfois connus pour leur témérité, aux enfants, souvent imprévisibles, aux personnes âgées, dont les réactions sont plus lentes, et ainsi de suite. Dans toutes ces situations, une prudence accrue, ici synonyme de méfiance, est de rigueur. L’automobiliste peut donc s’en remettre à la confiance, aussi longtemps que les apparences ne permettent d’anticiper un danger. Mais, dès qu’une situation particulière survient, il ne peut plus se contenter d’être dans son bon droit: il doit avant tout être prudent.

Une négligence condamnable
On n’attend évidemment pas des automobilistes qu’ils puissent, en toutes circonstances, parer à tous les dangers de la route. Lorsqu’aucune autre règle n’a été violée, une violation du devoir de la prudence ne pourra être retenue que lorsqu’un danger était perceptible mais que l’automobiliste n’en a pas tenu compte, alors qu’il aurait pu et dû le faire. Il doit donc avoir fait preuve de négligence ou d’un manque d’effort blâmable. Dans cette affaire, l’automobiliste prioritaire avait, en toute bonne foi, admis qu’il avait vu que la conductrice allait lui refuser la priorité et qu’il s’était ainsi sciemment imposé. Il avait, de même, reconnu qu’un accident avait été évité de justesse. Il avait donc admis avoir fait primer le respect de son droit de la priorité au dépens de la prudence. C’est ce qui a motivé le Tribunal pénal de Genève à sanctionner aussi l’automobiliste prioritaire; un jugement qui n’apparaît pas excessif au regard de ce principe.

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