Propriété du groupe malais Proton depuis 1996, Lotus était en pleine léthargie depuis plusieurs années; si l’on fait fi des incalculables séries limitées lancées ces derniers temps, il faut remonter à 2012 et au lancement de la troisième génération d’Exige pour tomber sur une réelle nouveauté. Racheté en 2017 par l’un des géants chinois de l’industrie automobile, Geely (qui possède également Volvo), Lotus semblait alors n’avoir qu’un seul objectif en tête: être capable de rivaliser à nouveau avec Porsche, voire même McLaren ou Ferrari. Bref, revenir au premier plan de la scène automobile internationale. Moins de deux ans plus tard, cet objectif semble déjà partiellement atteint. Voire même davantage si l’on se réfère à la seule fiche technique de l’Evija, la nouvelle hypercar présentée par Hethel le 16 juillet dernier à Londres, lors d’une soirée rassemblant journalistes, investisseurs et autres potentiels acheteurs. Un événement auquel la Revue Automobile a pris part, et ce en exclusivité suisse.
«E-vi-ya»
A bien des égards, la nouvelle Lotus Evija (prononcez «E-vi-ya») symbolise le
renouveau de la marque anglaise. C’est d’ailleurs pour cette raison que sa désignation (dérivée du nom
propre Eve) signifie «le premier dans l’existence». Une appellation tout a fait
appropriée selon Lotus: l’Evija est non seulement la première hypercar
assemblée par le constructeur, mais elle est aussi le premier modèle électrique
de l’entreprise, voire la première à se pourvoir d’une quelconque
électrification. En outre, elle est aussi la première auto de l’ère
Geely.
Un design d’avion de
chasse
Influencée par l’industrie aéronautique — et plus particulièrement par l’avion
de reconnaissance Lockheed SR-71 Blackbird —, la Lotus Evija se serait
également inspirée de la nature à l’heure de scuplter ses courbes: «Pendant la
phase initiale de conception, nous avons passé de nombreuses heures à étudier
des images de formes géologiques, des roches qui avaient été sculptées par la
nature au fil des siècles. Nous pensons avoir capturé ces belles et intrigantes
lignes élémentaires dans l’Evija», nous a expliqué Russell Carr, le directeur
du design chez Lotus.
Assemblée en fibre de carbone, la carrosserie se veut fidèle aux préceptes du fondateur de Lotus, Colin Chapman: chaque composant doit servir de multiples fins. Ainsi, le design extérieur se veut non seulement léché, mais aussi efficace à tous les niveaux, et ce compris sur le plan aérodynamique. Exemple le plus évident de cette politique: les deux tunnels Venturi qui percent la face arrière du véhicule. Inspirés des voitures de course du Mans, ils optimisent le flux d’air en le dirigeant au travers de la carrosserie, contrebalançant la faible pression à l’arrière de la voiture pour réduire la traînée. Cette dernière est également limitée grâce à la présence dans les ailes avant de caméras extractibles. Sur le toit, une troisième caméra permet de voir ce qui se passe derrière le bolide.
Vu de l’arrière, chaque tunnel Venturi est bordé d’un bandeau lumineux rouge. Composé d’un ruban de LED, il crée un effet visuel qui n’est pas sans rappeler des réacteurs à postcombustion. Là encore, l’aviation n’est pas loin. Détail supplémentaire, une LED cachée dans chaque tunnel illumine l’intérieur de ses derniers. Pour le reste, les indicateurs de direction sont intégrés dans les coins du ruban, tandis que le feu de recul est assuré par le «T» lumineux du logo Lotus situé au-dessus de la trappe à chargement.
Personnalisable à souhait
Lotus offrira aux
clients de l’Evija un niveau de personnalisation avancé, leur permettant par
exemple de choisir la finition de l’insigne du capot avant, lequel pourra par
exemple être en carbone, en titane ou même en or. En outre, la firme
britannique a développé la possibilité d’incruster des éléments métalliques
directement dans la carrosserie en fibre de carbone.
Si l’exemplaire de démonstration affichait fièrement une partie de l’Union Jack sur ses flancs, Lotus précise qu’il peut s’agir d’un autre drapeau, d’armoirie familiale ou d’un logo personnel: «Cet insigne de style marqueterie est similaire à celui de l’ébénisterie traditionnelle, où l’on incruste sur le même panneau différentes couleurs de bois», développe Russell Carr. Et de continuer: «Sur l’Evija, c’est vraiment au client de choisir les matériaux et les designs qui lui conviennent.»
Type 130
Au moment de son développement, l’hypercar électrique était dénommée en interne
«Type 130», une désignation qui est une allusion directe aux précédentes
créations du constructeur d’Hethel comme la Type 14, la première voiture
monocoque composite de série au monde (Elite, 1957) ou encore la Type 92, la
première F1 à suspension active au monde (1983). Bien entendu, comme ces
dernières, l’Evija entend, elle aussi, révolutionner l’industrie auto. Ainsi,
l’hypercar s’équipe-t-elle d’un châssis assemblé entièrement en fibre de
carbone. Moulé d’une seule pièce afin d’être tout à la fois rigide et
résistant, ses dessous comprennent un diffuseur d’air intégré qui s’étend des
montants B jusqu’à la face arrière. Mais ce n’est sans doute pas là l’atout le
plus impressionnant étrenné par l’Evija. Non, ce que le public retiendra sans
aucun doute de l’Evija, c’est sa puissance phénoménale.
2000 ch
Au cœur de l’hypercar se trouve un groupe motopropulseur tout électrique
dernier-cri. Composé de quatre machines électriques pour le moins puissantes
(chacune d’entre elles développe la bagatelle de 500 ch), il développe une
puissance et un couple combinés de pas moins de 2000 ch et 1700 Nm selon les
informations communiquées par Lotus. Cette ingénierie de pointe est le fruit
d’une joint venture avec le partenaire technique Williams Advanced Engineering,
une entreprise connue pour ses succès dans le sport automobile, que cela soit
en formule 1 ou même en formule E.
Les quatre machines (moteurs et générateurs) sont alimentés par une batterie de 70 kWh, laquelle est positionnée au centre, soit juste derrière les deux sièges. Autrement dit, en lieu et place du moteur thermique. Inhabituel, ce positionnement offre de nombreux avantages selon les dires de Lotus. En matière de style notamment, mais aussi d’aérodynamique, de répartition du poids, ou même de comportement dynamique. En outre, cette configuration a été retenue car elle permettait également de changer les batteries lorsque ces dernières seront obsolètes. Mais, pour l’heure, lesdits accus sont le fruit de l’entreprise coréenne Samsung. Pourtant «plus légère et plus dense en énergie» qu’aucune autre batterie installée sur une voiture de production, elle leste tout de même l’Evija d’un poids non négligeable: 1680 kg contre 1080 kg sans les batteries. Oui, elle est bien loin l’époque du «Light is right», autre précepte — pourtant très cher! — de ce brave Chapman.
Des performances
interstellaires
Coté autonomie, Lotus parle de 400 km en conduite coulée, et 80 sur
circuit. Mais cela a finalement peu d’importance, car l’Evija sera capable de
supporter des charges ultra rapides qui ne dureront pas plus de 10 min. De quoi
profiter au mieux des performances stellaires de l’engin: moins de 3 s pour le
0 à 100 et, surtout, moins de 9 s pour le 0 à 300 km/h. Autant dire qu’avec
pareille accélération, même le Faucon Millenium est largué!
A performances extraordinaires, tarif extraordinaire: la Lotus Evija ne se négocie pas à moins de 1,7 million de livres sterling (hors taxes). En francs suisse, cela fait plus de 2 millions. Pour ce tarif-là, Lotus vous offre un programme complet d’activités comme des sorties circuit en VIP. Une coquetterie réservée à quelques nantis, qui devront d’ailleurs se battre pour avoir le privilège de signer un bon de commande, seuls 130 exemplaires d’Evija étant appelés à voir le jour. A noter que l’assemblage de la Lotus Evija commencera dès 2020 sur le site historique d’Hethel, au Royaume-Uni. A cette occasion, une nouvelle ligne d’assemblage sera mise sur pied.