Ferdinand Piëch, s’est éteint ce dimanche 25 août, dans un hôpital de Bavière, après avoir fait un malaise dans un restaurant. L’établissement, situé en Bavière, appartenait à son ami, Heinz Winkler. Le cuisinier raconte que le drame s’est produit après que Piëch eut pris place à table et qu’il consultait le menu. Dans un message au sujet de la mort de son mari, Ursula Piëch (63 ans) écrit que celui-ci était décédé «de façon aussi soudaine qu’inattendue». L’inhumation aura lieu dans la plus stricte intimité. Retour sur la carrière d’un génie comme seule l’industrie automobile sait en produire. Ingénieur de formation, Ferdinand Piëch «a faconné l’ensemble de l’industrie automobile», a déclaré un jour l’ex-chancelier allemand Gerhard Schröder. Il n’en reste pas moins qu’extérieurement, Piëch était avant tout un personnage intraitable. «Préserver ses distances dans son milieu professionnel n’a, pour moi, rien à voir avec la hiérarchie», expliqua-t-il un jour. Mais cette main de fer, Piëch ne la portait pas seulement au bureau; ses treize enfants, eux aussi, furent élevés à la dure. Une politique qui semble toujours avoir réussi au clan Porsche/Piëch et qui continue de porter ses fruits: fils de Ferdinand, Anton Piëch (surnommé Toni Piëch) a fait sensation lors de la dernière édition du Salon de Genève, en dévoilant la Piëch Mark Zero, un prototype de voiture de sport électrique. «Je serais heureux que mon père soit fier de moi», racontait-il sur le stand Piëch du Salon de Genève; malheureusement, ledit père était tout sauf élogieux au sujet du projet dévoilé par le fiston, allant même jusqu’à mépriser le nouveau venu en public!
Naissance d’un groupe planétaire
Diplômé de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich, il entame sa carrière en 1963 chez Porsche, au sein de la maison mère de Zuffenhausen. Mais c’est chez Audi, à Ingolstadt, que ce petit-fils de Ferdinand Porsche acquiert sa réputation d’inventeur de génie. En 1988, le Viennois intègre la direction de la filiale de VW, qu’il ne tarde pas à transformer en marque premium, et ce en cimentant le slogan «l’avance par la technologie». Ainsi, contribue-t-il grandement au développement de la transmission intégrale quattro, des moteurs TDI et des voitures en aluminium. En 1993, Piëch rejoint en sauveteur le siège de Wolfsburg, ville dont il deviendra par la suite citoyen d’honneur. Le groupe VW traversait alors une crise d’envergure. De nombreux emplois étaient menacés, avant d’être finalement sauvés par l’introduction de la semaine à quatre jours. Moins de dix ans plus tard, en 2002, Piëch reprend le fauteuil de président du Comité de surveillance. Entretemps, l’Autrichien fait de Volkswagen un groupe planétaire. Sous son égide, VW englobe Porsche après que le constructeur de voitures de sport ait lui-même subi un échec cinglant dans sa tentative d’absorber VW. Ferdinand Piëch était un patriarche omnipotent qui faisait ressentir son pouvoir à chacun de ceux qui ont un jour croisé sa route. Le travail au prix de la peur et de l’intimidation, jusqu’à la brutalité: telle était la philosophie des hommes de Piëch. «Je crains de ne pas être capable de faire des compromis. C’est sans doute pour cette raison que je n’ai pas beaucoup d’amis», déclara-t-il un jour. Il n’en reste pas moins que le pouvoir de Piëch semblait quasi illimité. On en veut pour preuve la nomination, en 2012, de son épouse Ursula au sein du Comité de surveillance de VW.
Rivalités au sein du Groupe
En 2015, Piëch déclare avoir «pris ses distances» vis-à-vis de son ancien protégé et désormais président du Directoire, Martin Winterkorn. Par après, il s’éloignera aussi de son cousin Wolfgang Porsche, patriarche et porte-parole de la famille éponyme. De concert avec d’autres membres du Directoire, Porsche empêche alors Ferdinand Piëch de mettre Martin Winterkorn à la porte, à la suite de quoi lui et son épouse démissionnent du Conseil de surveillance du Groupe. Après l’ère Piëch et Winterkorn – et surtout le scandaleux Dieselgate – le successeur de Winterkorn, Matthias Müller, instaure une «mutation culturelle»: moins de centralisme, plus de responsabilités pour les différents managers, plus de critiques internes. Bref, les collaborateurs devaient cesser de trembler en présence d’un patriarche comme Piëch, surnommé «le Vieux» à Wolfsburg, ou «Dieu le père» parmi les actionnaires. Quoiqu’il en soit, aujourd’hui, VW rend honneur à son ancien chef; à Wolfsburg, les drapeaux sont en berne. Et son patron, Herbert Diess, de vanter les mérites de celui qu’il considérait comme un brillant technicien: «Ferdinand Piëch a poussé la qualité et la perfection de VW jusque dans les moindres détails. » Président du comité central de VW, Bernd Osterloh insiste bien sur le fait que jamais, au grand jamais, quelqu’un n’aurait osé mettre en doute l’amour et la passion de Piëch pour le produit. D’ailleurs, c’est aussi ce que dit sa femme: «La vie de Ferdinand Piëch a été caractérisée par sa passion de l’automobile (…). Il était au premier chef un ingénieur enthousiaste et amoureux de l’automobile.» Ferdinand Piëch laisse derrière lui une famille de treize enfants et de deux fois autant de petits-enfants.