Bernd Schips, professeur émérite d’économie nationale à l’EPF, envisage trois solutions d’avenir pour l’automobile: la propulsion électrique à batterie (BEV), la pile à combustible (FCEV) et le moteur à combustion interne alimenté par des carburants de synthèse (Synfuels/ICE). Mais, «pour faire de la mobilité un secteur entièrement décarboné, il faudra encore de nombreuses décennies», expliquait-il lors d’un symposium SSM/SAE intitulé «Hydrogen mobility – hype or reality?», sur le campus de Sursee. Pour appuyer ses propos, ce spécialiste de l’hydrogène expliquait que la production de véhicules et la construction de centrales électriques continueront pendant encore longtemps à émettre du CO2.
Avantage pile à combustible
«L’utilisation directe d’hydrogène (H2) en tant que carburant de véhicules animés par un moteur à combustion interne est techniquement possible, mais le rendement d’un tel moteur est inférieur à celui d’une pile à combustible fonctionnant au H2.» Etant donné que l’hydrogène ne contient pas de carbone, un moteur thermique à hydrogène émet des oxydes d’azote (NOx), mais pratiquement pas de CO2, de CO et de HC. En fait, les faibles traces de ces polluants dans les gaz d’échappement proviennent du carbone contenu dans l’huile utilisée pour la lubrification du moteur.
L’hydrogène, un vecteur d’énergie
Reste que la technologie de l’hydrogène implique plusieurs contraintes; pour être propre, le H2 doit nécessairement être produit par électrolyse à partir d’énergies renouvelables. D’autre part, la compression du gaz en vue de son conditionnement à la pompe engendre des pertes considérables.
Egalement envisageable, le stockage de l’hydrogène sous forme liquide, dans des réservoirs cryogéniques (à -253°C) embarqués, implique, pour l’heure, des inconvénients majeurs, comme le développe Bernd Schips: «Les liquides organiques porteurs d’hydrogène (LOHC) constituent un mode de stockage de l’hydrogène qui n’en est encore qu’à un stade expérimental». Concrètement, un catalyseur permet de lier chimiquement le gaz à un liquide porteur, lequel peut être stocké à pression et température ambiantes.
Les utilitaires montrent la voie
Bien que les infrastructures d’approvisionnement en H2 n’en soit encore qu’à un stade embryonnaire et que les véhicules à pile à combustible pâtissent d’un coût d’achat élevé, l’ex-professeur de l’EPF croit au succès du véhicule à hydrogène: «Le problème de l’approvisionnement en H2 pourrait être résolu grâce au développement du réseau de stations-service mis en place pour alimenter les camions et autres autobus à pile à combustible. A terme, les voitures pourraient bénéficier du même réseau.»
Hyundai Motor est l’un des principaux promoteurs de la technologie de propulsion à hydrogène. En plus de commercialiser plusieurs modèles de camions et d’autobus sur les marchés asiatiques, le constructeur sud-coréen produit et distribue des voitures à hydrogène dans le monde entier. Le dernier modèle en date est la Nexo Fuell Cell, révélée l’année passée lors du CES de Las Vegas.
Ce sont toutefois les poids lourds qui décideront de la poursuite du développement de l’électromobilité à l’hydrogène. Pour 2020, Hyundai prévoit la livraison en Suisse de 50 premiers véhicules électriques à hydrogène. Et, à l’horizon 2025, le coréen a prévu de produire 1600 poids lourds Xcient. Essentiellemment destinés au marché suisse, ils ont été spécialement développé pour répondre à la réglementation européenne. Caractéristique principale de leur chaîne cinématique, elle est dotée de deux piles à combustible de 95 kW assemblées en parallèle, ce qui représente une puissante totale de 190 kW. Stockés dans sept réservoirs, les 35 kilos d’hydrogène embarqués devraient assurer une autonomie théorique de plus de 400 km. Les 50 premiers camions électriques à pile à combustible seront livrés en Suisse dès l’an prochain.
Une installation de 2 MW
Hyundai Hydrogen Mobility (HHM) coopèrera avec Hydrospider afin d’assurer la production d’hydrogène. Ces derniers ont présenté récemment un nouveau modèle économique «pour une mobilité sans émissions» à la centrale hydroélectrique de Gösgen, exploitée par Alpiq. Ce modèle englobe les camions à pile à combustible, la production d’hydrogène «vert», ainsi qu’un plan de mise en place de l’infrastructure de ravitaillement.
Ce qui se dessine aujourd’hui en Suisse fera sans doute école ailleurs en Europe, où les réglementations strictes en matière d’émissions de CO2 génèrent, là aussi, une forte demande de solutions pour une mobilité sans émissions. Les marchés allemand, néerlandais, autrichien et norvégien devraient logiquement être les premiers servis.
De nouvelles stations à hydrogène
Jusqu’à présent, il n’existe qu’une seule station-service pour l’hydrogène véritablement publique en Suisse. Mais il est prévu d’en construire beaucoup d’autres. Après celle de Coop à Hunzenschwil (Argovie), on en trouvera bientôt une à Crissier, une à Zofingue, une à Dietlikon et enfin une à Saint-Gall. l