Les Nordiques semblent l’avoir dans le sang, à en croire les multiples virtuoses de la neige que la région a enfanté. Le pilotage sur route enneigée a en effet davantage à avoir avec du funambulisme qu’avec de la conduite automobile, tant les pièges tendus par cette surface sont nombreux. Aujourd’hui, à l’occasion de l’événement FCA Snow Drive organisé sur la piste enneigée de Samedan (Grisons), nous n’aurons pas la prétention d’atteindre l’excellence des Stig Blomqvist ou Ari Vatanen, ni même de nous en approcher. Tout au plus chercherons-nous à améliorer notre technique de conduite rapide sur neige. Pour cela, les instructeurs du Driving Center de Samedan nous prodiguerons de précieux conseils pour faire danser les Alfa Romeo Giulia et Stelvio Model Year 2020 autour des cônes placés sur cette portion d’aérodrome enneigée. Nous aurons droit, en sus, aux préceptes de l’ancien pilote légendaire du Biscione, Arturo Merzario. Oui, celui-là même qui a mené l’Alfa Tipo 33/12 à la gloire à de multiples reprises.
Mouvements rapides, pas violents
Pour ce premier tour, nous grimperons à l’arrière d’un Stelvio pendant qu’un confrère prendra le volant. Le Maître Merzario surveille depuis la place du passager. L’instructeur du Driving Center de Samedan nous donne le feu vert via le talkie-walkie et nous nous élançons sur la neige encore fraîchement tassée.
«Maintenant, c’est facile, parce que la surface est lisse, avertit l’homme à l’indévissable Stetson blanc. Mais dans deux heure, la surface sera pleine de trous à cause du passage de toutes les voitures. Ce sera beaucoup plus délicat de rattraper l’auto.» Le confrère derrière nous commence à jongler avec le volant, en faisant de grands aller-retours de gauche à droite pour provoquer et contrôler les dérives du SUV milanais. «Tes mouvements sont trop amples! Tu n’es pas en train de conduire une moto où tu dois jeter la bécane de gauche à droite», lance Merzario, avec son franc-parler rafraîchissant. «Le secret est de faire des mouvements rapides, mais pas violents. Autrement, on déstabilise trop l’auto sur une telle surface et on la met de travers, entraînant des mouvements de balancier.» Plus précisément, la séquence à appliquer est la suivante: coup de freins pour délester l’arrière et charger les roues avant, coup de volant – non violent, on l’aura retenu – et réaccélération dès que l’auto pointe dans la bonne direction.
Les remontrances du chrono
Le moment est venu de prendre le volant à notre tour. Devant nous, un autre Stelvio enchaîne de fortes dérives, avec beaucoup d’angles, autour des cônes. «Wahou, celui-là sait s’y prendre», remarquons-nous. «Pas du tout! C’est certes spectaculaire, mais ce n’est pas rapide! tanne le maître Merzario. Quand tu conduis comme ça, le chronomètre ne fera que te répéter ‹espèce d’idiot›!» Toutefois, nous ne sommes pas ici pour «taper un temps», mais pour affiner la technique de conduite sur neige et nous faire plaisir. A ce jeu-là, les deux italiennes ne déçoivent pas, grâce à leur comportement très équilibré, fruit de leur répartition idéale des masses, avec 50% du poids sur l’avant et 50% sur l’arrière. Malheureusement, elles se révèlent presque autant frustrantes, en raison de leur contrôle de trajectoire non désactivable qui coupera les gaz dès que les calculateurs prédiront une perte d’adhérence. «Tu ne dois de toute façon pas accélérer si fort quand tu as les roues braquées», me rappelle mon instructeur de luxe, qui exhorte à passer toujours plus près des cônes. «Coupe ta trajectoire! Sois moins violent avec le volant, moins violent, m…!» Peu à peu, heureusement, les leçons d’Arturo Merzario commencent à s’encastrer dans la tête; la séquence freinage-braquage-réaccélération est imprimée avec le juste tempo et l’Alfa enchaîne de subtils déhanchements sur le parcours.
La démonstration finale
Arturo ne résiste pas à l’envie de faire une démonstration lui-même. D’une seule main, tel un pianiste, il imprime les impulsions sur volant au millimètre près. La Giulia Veloce – nous avons entre temps changé de monture – lui obéit au doigt et à l’œil, comme s’ils s’étaient toujours connus. «C’est moi qui conduis la voiture, pas l’inverse!» tonne-t-il. Un sourire vient alors emplir de sérénité ce visage travaillé par les années. «Le jour où je n’ai plus de plaisir à conduire, j’arrête tout», dit-il encore. Alors oui, continuez de vous amuser et de nous régaler, M. Merzario, le plus longtemps possible!