Lorsqu’il rachète la marque Bugatti en 1997, Ferdinand Karl Piëch, ingénieur de génie et metteur au point de la légendaire Porsche 917, une voiture capable de filer à plus de 400 km/h dans les Hunaudières, sait qu’il doit marquer le coup. Aussi, à l’heure d’imaginer le premier modèle de l’entreprise assemblé sous l’ère VW, l’homme fort ne tarde pas a établir un cahier des charges d’envergure: la future hypercar (un termes inédit à l’époque puisque c’est plus ou moins la Veyron qui l’a inventé) développera plus de 1000 ch et accélèrera de 0 à 100 km/h en à peine 3 secondes. Mais le véritable objectif de l’auto, c’est de franchir la barre des 400 km/h. Une vitesse qu’aucune autre voiture de série n’avait atteint jusqu’à alors.
Châssis Dallara
Mais Ferdinand Piëch a de la ressource. Ainsi, ordonne-t-il le développement d’un nouveau moteur, qui sera le joyau de la nouvelle machine. Véritable cathédrale mécanique, le W16 8.0 litres est gavé par quatre turbocompresseurs. De quoi développer une puissance de 1001 ch et un couple de 1250 Nm, lesquels sont transmis aux quatre roues via une boîte de vitesses à double embrayage spécialement développée pour le modèle. Départ arrêté, la Veyron 16.4 accélère de 0 à 100 km/h en 2,5 secondes. En 2005, aucun autre véhicule de série n’avait une telle puissance d’accélération. L’hypersportive atteint les 200 km/h en 7,3 secondes et les 300 km/h en 16,7 secondes. Pour enrober ce joyau, les ingénieurs développent en collaboration avec l’italien Dallara un châssis en carbone sur lequel ils viennent greffer une carrosserie profitant d’une aérodynamique active. Comme sur les avions, un système hydraulique central règle le diffuseur, l’aileron arrière et l’arête déflectrice. En outre, la hauteur de caisse est réglable, sans quoi l’auto ne pourrait dépasser les 380 km/h.
Date à jamais gravée dans l’histoire automobile
Lorsque le pilote d’essai, Uwe Novacki, monte dans la Veyron 16.4 le 19 avril 2005, il est détendu. En tant que pilote d’usine Volkswagen et développeur technique, l’homme sait ce qu’il doit faire. La piste d’essai de Volkswagen d’Ehra-Lessien, un anneau de vitesse à trois voies de neuf kilomètres de long lui est parfaitement connue: « Avant le départ, je n’étais pas nerveux, je n’avais pas peur, mais j’avais un grand respect pour le véhicule. Bien que j’aie déjà souvent roulé très rapidement, cette vitesse était tout de même une dimension entièrement nouvelle pour moi. Personne ne l’avait expérimenté jusqu’à ce jour», raconte M. Novacki, aujourd’hui âgé de 71 ans. Il est vrai que très peu de pilotes avaient jusque-là roulé à plus de 400 km/h et personne ne les avait atteints sur un véhicule de série.
Speed Key
Pour dépasser l’incroyable vitesse de 400 km/h, Uwe Novacki insère la seconde clé dans la Veyron. Désignée «Speed Key», elle permet au pilote de passer en mode Topspeed (vitesse maximale): la Veyron s’abaisse, l’aileron arrière est ajusté de deux degrés et les clapets de ventilation se ferment pour réduire la résistance à l’air. Au premier essai, Novacki n’atteint «que» 380 km/h. Ce n’est que partie remise: quelques jours plus tard, alors que les conditions météorologiques sont meilleures (avec un air sans doute moins dense), il enfile à nouveau sa combinaison de course ignifugée: «Le véhicule était très silencieux, très bien réglé. J’ai tout de suite senti que le moteur pouvait libérer une incroyable puissance», affirme Uwe Novacki.
230 km/h en virage
Pour atteindre la vitesse maximale sur la lignes droites d’Ehra-Lessien, le pilote est contraint de se lancer très rapidement dans le virage relevé. Problème: la force centrifuge enfonce trop profondément le véhicule sur ses ressorts: «J’ai testé peu à peu quelle était la bonne plage de vitesse. Au premier tour, j’ai roulé à 230 km/h dans le virage relevé, ce qui était trop rapide et le véhicule est devenu nerveux. J’ai pris la deuxième courbe à 220 km/h et le véhicule était plus stable», explique-t-il. Après être sortie du virage, le pilote met le pied au plancher, jusqu’à atteindre la vitesse de 411 km/h. Un affichage numérique du terrain d’essai indique même 427 km/h – ce qui par la suite s’est révélé être une erreur, le compteur n’affichant qu’une vitesse précise que jusqu’à 300 km/h. Plus vite, il surestime la vitesse.
407 km/h
«À cette allure, il faut être aussi concentré sur la route que le véhicule. La plus petite irrégularité ou le plus petit écart avec le volant peut avoir des conséquences dramatiques», explique Uwe Novacki. Mesurée dans les deux sens par le système de mesure de précision de «TÜV Süd», la Veyron 16.4 atteint les 408 km/h à plusieurs reprises mais c’est finalement la vitesse de 407 km/h qui est retenue pour le certificat de conformité. Ainsi, la Veyron est, au début de sa fabrication en 2005, la voiture de sport de série la plus rapide au monde.