A la recherche d’une mobilité équilibrée

TRAFIC URBAIN La crise du coronavirus influence la mobilité. Voitures comprises.

La communication de plusieurs villes en ces temps de pandémie évoque surtout les transports publics, peu fréquentés, car peu compatibles aux heures de pointe avec le respect de la nécessaire distanciation physique, ainsi que le vélo comme solution de repli. A tel point que demander des infos sur les mesures prévues pour le trafic automobile en ville, c’est, invariablement, se voir répondre que les pistes cyclables seront élargies.  

Les voitures ne sont, dans la plupart des cas, évoquées, que comme sources d’ennuis potentiels en cas de retour aux habitudes. Mais, concernées, elles le sont. Les quelques actions – temporaires pour la plupart – imposées  lors du semi-confinement, ou depuis le 11 mai, ou lancées comme pistes de réflexion à plus long terme, le prouvent.

Plus de place pour les vélos
Négativement, surtout. Genève, pionnière en matière de projets pour les vélos, a, dès le 30 avril, clairement annoncé vouloir «limiter le risque d’engorgement du trafic induit par une utilisation accrue de la voiture afin, également, d’éviter une augmentation excessive de la pollution atmosphérique et sonore induite par la reprise du trafic automobile». Cela signifie que des voies de circulation habituellement dédiées au trafic individuel motorisé sont supprimées lorsqu’il y a plusieurs voies dans le même sens, et que des places de stationnement passeront à la trappe. Ces différentes adaptations du réseau cyclable, prévues pour une durée maximale de 60 jours en principe, conduisent, notamment, à la suppression de cinquante places de stationnement pour les voitures.

La droite réagit
L’annonce de ces mesures a immédiatement fait bondir. Christian Lüscher a notamment écrit sur Facebook: «Profitant du coronavirus, ce qui est odieux, les autorités ont construit un gigantesque foutoir.» L’avocat et conseiller national a expliqué que toute la ville est bloquée, qu’il faut évidemment des pistes cyclables, mais de tailles proportionnées et dans les bonnes rues, ajoutant: «Ce qui a été fait à Genève vise à punir les automobilistes et l’économie déjà durement frappée par la pandémie.»

Bertrand Reich, président du PLR genevois, explique, pour sa part, que son parti «regrette le procédé consistant à supprimer, sans consultation préalable, abruptement et de nuit, notamment une voie destinée jusque là aux véhicules motorisés sur les quais de la rive droite, pour la remplacer pendant 60 jours par une très large piste cyclable, créant ainsi inutilement des embouteillages sur un axe majeur.»

La Chambre de commerce, d’industrie et des services de Genève (CCIG), «pourtant acquise à la cause de la mobilité douce», s’insurge, quant à elle, contre des mesures que les autorités ont prises sans aucune concertation avec les associations économiques et les représentants de la mobilité individuelle. Son directeur général, Vincent Subilia, dénonce la paralysie du centre-ville.

Stationnement élargi
D’autres mesures, provisoires, ont cependant été favorables aux automobilistes. Pendant la période de confinement, Neuchâtel a émis des vignettes temporaires destinées aux services et acteurs prioritaires (soins et sécurité, notamment), afin de leur permettre de stationner sans limite de temps. Cela dit, la même ville vient d’annoncer qu’elle va donner 50 francs aux cyclistes pour la révision de leur vélo.

Berne avait également créé plusieurs centaines de places de stationnement à proximité de l’hôpital de l’Île. La conversion des places de parking existantes a été évitée et l’offre dans les quartiers a été maintenue. La crise du coronavirus a donc conduit à la création de places de parking. Par ailleurs, la capitale n’a imposé aucune restriction significative au transport privé motorisé. Seule une voie est fermée pour le marché du samedi.

Petit bémol, cependant: Berne a décidé de modifier 56 des 80 feux de circulation de la ville afin que les piétons soient enregistrés en permanence. Cela signifie que même si personne n’appuie sur le bouton rouge, le feu passera toujours au vert afin que les piétons n’aient pas à toucher le bouton. Pour la circulation routière, en revanche, ces feux sont rouges. La section locale du TCS considère que cette mesure est arbitraire et disproportionnée: «Le flux de circulation est perturbé, la circulation est ralentie et accélérée et les embouteillages sont plus susceptibles de se former, ce qui augmente l’émission de polluants.»

La ville de Zurich n’a, pour sa part, procédé à aucun ajustement du réseau routier, ni pour les vélos, ni pour les voitures. 

En outre, plusieurs villes ont – généralement jusqu’au 10 mai – renoncé aux frais de stationnement dans les villes, et réservé des places aux employés de professions considérées d’importance systémique.

«Il faut séparer les flux de trafic»

Comment concilier distanciation physique et trajets quotidiens? «Ce qui était jusqu’à présent de la théorie a maintenant été testé en pratique», affirme l’Association des villes. Elle estime que l’expérience du semi-confinement montre qu’il y a une chance que l’encombrement du réseau de transport pendant les périodes de pointe puisse être lissé. Et parle de vélo…

Comme tous les experts et études consultés, d’ailleurs. «On sait que les transports publics n’auront plus les mêmes capacités, que le télétravail a ses limites et que la voiture est consommatrice d’espace, alors il faudra se tourner vers d’autres solutions», lance Patrick Rérat, de l’Institut de géographie et durabilité de l’Université de Lausanne.

Il rappelle que la moitié des déplacements en voiture font moins de cinq kilomètres, et insiste sur un nécessaire changement de comportement, citant à plusieurs reprises des villes étrangères, notamment aux Pays-Bas, qui ont fait de la petite reine une habitude. 

Et les personnes âgées ou ne pratiquant pas le vélo? «Elles sont peu nombreuses dans le trafic automobile aux heures de pointe», rétorque Patrick Rérat, qui en appelle vraiment au changement de comportement. «Lorsque j’étais petit, on m’a appris à attendre que la voiture passe pour traverser la route, et maintenant, c’est le piéton qui a la priorité», dit-il.

Au-delà de la théorie du « tout vélo» (rappelons que seuls 7% des trajets se font à bicyclette à Genève et 15% à Berne), comment faire cohabiter les différents types de transports? «On ne peut pas les mélanger, il y a des différences de vitesse, de tailles, de poids; pour que la cohabitation se passe bien, pour davantage de sécurité, il faut séparer les flux, et revoir l’infrastructure, comme les ronds-points, un des endroits les plus dangereux pour les cyclistes», explique Patrick Rérat.

Guillaume Drevon, collaborateur scientifique au Laboratoire de sociologie urbaine de l’EPFL, pense qu’il y a actuellement une tendance à une forte politique de retrait de la voiture des centres urbains. Mais que «dans les espaces périphériques, où il n’y a pas d’alternatives, l’usage de la voiture va augmenter», intensifiant le clivage. Dans l’attente des résultats de l’étude qu’il mène, Guillaume Drevon a l’impression que la crise du coronavirus a amené des changements que l’on imaginait impensables…

L’autopartage en voie de reprise

MOBILITY L’activité de la société d’autopartage a fortement fléchi. Mais une reprise s’esquisse déjà.

Patrick Eigenmann, porte-parole de Mobility.

Est-ce une impression, ou les célèbres voitures rouges avec l’inscription Mobility se sont-elles faites rares dans le paysage urbain ces derniers temps? Plus de 3100 véhicules sont pourtant à la disposition des 220 000 clients sur plus de 1500 sites de Suisse, essentiellement en ville. Selon Patrick Eigenmann, porte-parole de Mobility, il ne s’agit pas que d’une impression.

Le confinement, une véritable césure 
Louer et conduire les voitures de Mobility est resté possible, malgré le confinement. L’offre était donc là, mais pas la demande, et ce pour plusieurs raisons. Beaucoup d’entreprises sont passées au télétravail, ce qui a rendu superflus de nombreux trajets professionnels. Les particuliers, de leur côté, ont fait preuve de réticence. Seul avantage de cette situation, les véhicules ont pu être nettoyés et désinfectés plus fréquemment que d’habitude. 

Mais le chiffre d’affaires a bel et bien diminué: en 2010, il avait frôlé les 79 millions de francs. «Dès le début du confinement, la demande a chuté de 35 à 50%, que ce soit pour les particuliers ou la clientèle professionnelle», explique Patrick Eigenmann.

La crise a par conséquent touché les plus de 220 employés que compte l’entreprise. 43 d’entre eux ont été inscrits au chômage partiel, mais continuent de percevoir l’intégralité de leur salaire. Pour limiter les dégâts pendant la fermeture, Mobility a aussi remis une quarantaine de voitures à prix coûtant à des particuliers et des entreprises sur la base d’une location mensuelle, notamment dans le secteur de la santé.

 Selon le porte-parole de Mobility, il n’est pas logique, commercialement, d’exploiter des voitures qui ne roulent pas. «Maintenant, cependant, l’assouplissement du confinement semble avoir déclenché un renversement de tendance chez les clients privés: on dénote une reprise sensible dans ce segment, alors que ce n’est pas encore autant le cas pour la clientèle professionnelle», précise Patrick Eigenmann.

Services de mobilité encore disponibles
Les divers services de mobilité comme Mobility-Return, Mobility-Go et Mobility-One-Way sont et restent disponibles. 

De plus, les responsables de Mobility ont décidé de poursuivre la coopération avec l’Union professionnelle suisse de l’automobile (UPSA). Elle consiste à proposer à l’avenir des véhicules de courtoisie par le biais des garages car les deux partenaires en profitent.

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