Les nuisances sonores routières sont un sujet brûlant que la commission du Conseil des Etats pour l’environnement, la planification du territoire et l’énergie (EPTE)traitera lors de sa session de novembre. Elle aura sur la table deux initiatives parlementaires émanant de Gabriela Suter (PS). L’une des initiatives exige que l’on réunisse les préalables juridiques au déploiement de radars acoustiques.
La seconde initiative exige de frapper d’une «interdiction de circuler les motos au niveau sonore à l’arrêt supérieur à 95 décibels». Si ce sont surtout les motards qui sont visés, les automobilistes suisses risquent éventuellement d’être, eux aussi, les victimes collatérales de ce texte parlementaire. Les bases légales pour la mise en œuvre de ces deux mesures radicales font encore défaut pour l’instant, ce qui explique pourquoi aucun canton dirigé par une majorité gauche-verte n’a pu aller jusqu’au bout de sa démarche. A l’échelon européen, l’homologation des motos est réglementée dans le cadre de directives.
Le soutien de la Confédération
La Confédération et des entreprises privées travaillent simultanément sur l’élaboration de solutions techniques. Ainsi Müller-BBM Schweiz AG a réalisé sur ordre de l’Office fédéral de l’environnement une étude de faisabilité sur les radars antibruit. Et l’EPF de Lausanne planche, elle aussi, sur un tel appareil en coopération avec la start-up Securaxis. Mais les impondérables techniques sont encore trop nombreux. Surtout, il n’existe pas une méthode de mesure utilisable partout. «Par exemple on ne sait pas encore comment viser le véhicule le plus bruyant circulant dans un groupe», déclare Wolter Wobmann (UDC), qui combat les initiatives de Gabriela Suter. Le conseiller national de Soleure est le président de la Fédération Moto Suisse (FMS), la plus grande association de motards de Suisse.
Sous cette prémisse, cette iniative a peu de chances d’aboutir. Walter Wobmann juge par contre «très dangereuse» l’interdiction, exigée par la gauche, des motos émettant un bruit à l’arrêt supérieur à 95 dB. Cette doléance pourrait fort bien recueillir une majorité au sein de la commission compétente du Conseil national.
Roland Müntener, président de Motosuisse, se dit prêt à monter au front si cela devait arriver. Il considère comme absurde un régime spécial avec interdiction de circuler valide uniquement en Suisse. Aucun constructeur ne fabriquera des motos pour le seul marché suisse. Roland Müntener souligne que le comportement de 98% des motards ne pose aucun problème et dit haut et fort que les importateurs «ne sont absolument pas dans le camp de ceux qui causent un bruit inutile».
Avec un effet rétroactif
Retour à l’initiative de Gabriela Suter. Juridiquement, l’interdiction qu’elle demande est extrêmement contestable, puisqu’elle aurait un effet rétroactif. De facto, tout propriétaire d’une moto plus bruyante que la nouvelle valeur-plafond se verrait confisquer sa moto ou imposer d’onéreuses conversions et remises à niveau.
Les motards ont raison d’avoir peur, car il y a sept ans, l’EPTE avait déjà adopté une «mise en œuvre rétroactive en Suisse des limitations européennes d’émissions» ainsi qu’un «durcissement des normes de bruits». A cette époque-là, le Conseil fédéral n’avait pas mâché ses mots dans sa prise de position du 29 novembre 2013: «L’obligation de conversions et de remises à niveau exigée dans la motion serait, pour beaucoup de motos, soit techniquement impossible soit uniquement à un prix exorbitant.» Tout en ajoutant: «S’il devait se révéler impossible à l’avenir de continuer à utiliser des motos non converties ou non remises à niveau, cela affecterait des consommateurs qui ont respecté la loi en ayant acheté une moto conforme à la réglementation et pouvant être homologuée dans toute l’Union Européenne.» Les faire payer pour cela serait une injustice. De plus, l’effet rétroactif d’un droit nouveau est, en règle générale, inapproprié.
Juridiquement, ces arguments sont toujours valables en 2020. Ce qui a changé, par contre, ce sont les rapports de majorité au Parlement. La vague verte a fait déferler au Conseil national et au Conseil des Etats une légion de représentants du peuple qui peuvent se laisser convaincre, au détriment des motards.
Les adversaires du bruit sont, en outre, soutenus, dans les médias et au sein de la population, par un état d’esprit résolument hostile aux véhicules motorisés ressentis comme trop bruyants. Le semi-confinement du printemps a encore exacerbé ce sentiment et de nombreuses personnes se sont exprimées dans les médias à ce sujet. Elles mettaient notamment en avant le silence et le calme retrouvé dans certaines villes, d’ordinaire toujours plongées dans un niveau sonore désagréable.
Les pneus, plus bruyants que les moteurs
Mais dans les faits, les bruits de moteur ont-ils vraiment augmenté? Absolument pas. Ce constat vient du Ministère de la protection de l’environnement du Land de Rhénanie du Nord-Westphalie, en Allemagne. Subjectivement, on ressent souvent le bruit d’un moteur comme la source sonore la plus forte dans la circulation routière, peut-on lire dans sa brochure rassemblant des conseils de conduite. Or, cette impression est trompeuse: «Ces dernières années, les moteurs à combustion sont devenus nettement plus silencieux», écrit-il dans son texte pour promouvoir une conduite plus douce..
Le Ministère de la Protection de l’environnement mentionne un autre fait: «Aujourd’hui, le bruit de la circulation est imputable majoritairement aux pneus.» Ce sont, en effet, les ondes sonores inhérentes au frottement des roues sur l’asphalte et aux turbulences aérodynamiques qui causent les plus importantes émissions sonores.
Une autre étude faite par l’Office pour l’Environnement, Mesures et Protection de la nature du Land du Bade-Wurtemberg a, en outre, prouvé que les nuisances sonores causées par les motos et les autos sont sensiblement identiques à vitesse égale. En fait, bien des motos seraient même nettement plus silencieuses que les autos, sauf que l’on a ponctuellement mesuré des deux-roues particulièrement bruyants – des deux-roues que les riverains perçoivent sans doute plus fortement.
Les enseignements de la «psycho-acoustique»
La psychologie joue un rôle dans la question du bruit. C’est ce que prouve aussi une étude réalisée par l’Université de Vienne. A niveau sonore identique, des bruits de moto ont été perçus comme plus bruyants et plus gênants, par les testeurs, que ceux de voitures.
Les scientifiques ont deux explications à cela: primo, une explication «psycho-acoustique», à cause d’une «forte intensité sonore avec une teneur en énergie importante sur une plage de deux à quatre kilohertz, une tonalité aiguë et une rugosité caractérisée». Secundo, la perception subjective du bruit dépendrait aussi fortement de l’état d’esprit de la personne: quelqu’un qui n’aime ni les motos ni les autos réagira de façon particulièrement forte.
Cet enseignement concorde assurément avec ce que beaucoup ressentent au quotidien. Ce n’est pas le bruit des véhicules qui a augmenté, mais l’intolérance vis-à-vis de la sonorité des moteurs. Ce qui ne gênait jadis pratiquement personne est aujourd’hui devenu un sujet politique. A une époque pas si lointaine, il n’était pas rare de voir des enfants s’agglutiner sur le bord des routes pour voir et entendre passer autos et motos; ils se réjouissaient d’entendre leur vrombissement. Aujourd’hui, beaucoup vivent ces bandes sonores comme une nuisance.
Rester raisonnable avec les interdictions
Le droit, dans sa mouture actuelle, prévoit déjà de des sanctions contre ceux qui se rendent coupables d’engendrer trop de bruit. En ce sens, déclencher la machine législative en raison de quelques cas isolés paraît demesuré. Surtout à la lumière des recherches évoquées plus haut, qui affirment que les voitures seraient en réalité de plus en plus silencieuses.
Votre article est intéressant ! Néanmoins je dois admettre que certaines motos ( Harley Davidson) au pots probablement non confirmés font un bruit tout à fait inacceptable, de même beaucoup de jeunes « Kekes » s’amusent à faire pétarader leur voiture en alternant les phases d’accélérations-décélération afin d’obtenir le fameux « pop » a l’échappement. Étant moi même un amateur de voiture performante (golf R 360) , je sais qu’il est tout à fait possible de conjuguer performance et respect des autres, aussi j’avoue avoir une certaine sympathie à toute initiative visant à réfréner le bruit gratuit et inutile
Je ne suis pas du tout d’accord avec la théorie des pneus plus bruyants que le moteur. Un pneu, ça ne vrombit pas ni ça ne pète en saccade. Et les moteurs efficaces et peu bruyants, c’est seulement dans les voitures non sportives. Tout le monde sait que les motards aiment faire du bruit, ainsi que les conducteurs sportifs. Il faut arrêter de se voiler la face. Ce sont les conducteurs, tant moto qu’auto sportive, les premiers responsables vu que c’est intentionnel. Si vraiment le bruit les dérangeait, ils rouleraient en électrique. Mais aucun n’en veut, ni ne veut même en entendre parler. Toute l’affaire est un conflit d’intérêt entre le plaisir de certains et la santé de tous les autres. La question est vite répondue, dirait un certain arnaqueur de jeunes entrepreneurs. Il faut imposer les moteurs non thermiques le plus vite possible. Ce sont les seuls qui n’explosent pas pour avancer.