Pour une fois, oublions nos soucis quotidiens et plongeons-nous dans un univers rempli d’argent. Imaginons le luxe, le train de vie sans contraintes, les plaisirs et la liberté de faire ce que l’on veut. En deux mots: la dolce vita! La Ferrari Roma vient parfaire le tableau, pour en mettre plein la vue aux gentes dames et gentilshommes des beaux quartiers, à ce point subjugués qu’ils en lâcheraient leur tasse d’arabica. Comme dans le spot publicitaire officiel. C’est certes un cliché mais force est d’admettre qu’on ne reste pas insensible face à une telle voiture. Avant même d’évoquer les impressions de conduite, les Ferraristi sont d’ores et déjà conquis. Nous aussi.
Mais revenons à la froide réalité: la Roma coûte – forcément – cher. Pourtant, elle est étonnamment «accessible» pour une Ferrari: 220 000 francs, et quelques dizaines de milliers en plus pour les options. Pour le coup, la concurrence de Woking ou de Zuffenhausen n’est pas moins chère. Il convient toutefois de souligner que ce morceau de choix est une entrée de gamme chez Ferrari, et certainement pas un bas morceau, preuve de la virtuosité des designers de Maranello. Alors certes, la Roma n’a pas de hayon électrique, mais qui s’en plaindra?
Finition de qualité
A l’évocation de tels gadgets, le Commendatore risquerait même de se retourner dans sa tombe. Et puis, il y a tant d’autres détails envoûtants. A commencer par cette plaque dans le coffre qui recense les équipements installés dans l’auto, ou le fameux Manettino au volant. La qualité de la finition, avec une abondance de carbone dedans comme dehors, ferait définitivement taire toute critique. La Roma n’est pas la voiture la plus représentative de ce que demande le marché aujourd’hui, mais qu’importe! C’est l’exclusivité qui fait de chaque Ferrari quelque chose de spécial, qui ravive la passion et qui crée la légende. A chaque nouveau modèle, le mythe se renforce, et 2020 est une année merveilleuse pour cela: F8 Tributo, F8 Spider, 812 GTS, SF90 Stradale et cette Roma qui joue habilement de sa différence.
Pas comme la SF90 hybride, dont personne ne pourra réellement exploiter les 1000 chevaux sur route ouverte. Non, la Roma vise la polyvalence et crée une sorte de niche dans la gamme actuelle. Sans rien renier de son pedigree.
Entre tradition et modernité
La Ferrari Roma révèle des réminiscences du passé, comme cette calandre inspirée de l’éternelle 250 GT Lusso. La poupe et les quatre sorties d’échappement, les feux arrière et les phares avant étroits font penser à une ré-interprétation de la 612 Scaglietti. A l’intérieur, la Roma ressemble à la biplace découverte Monza SP2, qui arborait deux cockpits en parallèle. Cependant, dans la Roma, c’est bien le conducteur qui reste au centre de l’attention, tout semble tourner autour de lui.
Mais cette 2+2 de Maranello est aussi un témoin de l’ère moderne, avec l’ajout d’écrans numériques (l’infodivertissement est en position verticale dans la console centrale) et des commandes miniaturisées (sélecteur de vitesses). Sur le plan stylistique, Ferrari trace une frontière marquée entre les pur-sang sportifs et les modèles de grand tourisme. Les GT n’étant pas soumises qu’aux seules exigences de performance, elles peuvent arborer des lignes fluides leur conférant beaucoup d’élégance et dynamisme. La Roma en est l’exemple flagrant. Parfaitement proportionnée, la Grand Tourisme italienne semble avoir été coulée d’un seul tenant. Les designers ont travaillé avec beaucoup d’acharnement sur le volume intérieur afin de rendre la voiture visuellement plus mince.
Le long capot, la cabine compacte, et l’arrière court, typiques d’une GT, dégagent beaucoup de puissance.La Ferrari Roma incarne le concept de grand tourisme et sait l’honorer: que ce soit dans les rues de Rome, sur les traces de la Targa Florio, mais aussi sur la boucle nord du Nürburgring, en bouclant plusieurs tours rapides avant de reprendre le chemin du retour, comme si de rien n’était. En d’autres termes, la voiture gère facilement le programme complet.
Disons les choses telles qu’elles sont: la Roma est une furie qui enchante son pilote, l’inspire, le met au défi, tout en jouant ses notes avec justesse, de la plus douce à la plus brutale. Le moteur est un poème, même s’il ne compte pas 12 cylindres. Les huit présents suffisent amplement. Un vrai moteur Ferrari, captivant. Celui-ci est logé à l’avant mais, en retrait de l’essieu antérieur. La Roma reste, sinon, une pure propulsion, capable de tout, y compris de vous couper le souffle.
Une machine à rêves
Le démarrage du V8 s’opère via un bouton au volant, qui réveille des sonorités rugissantes dès les premières secondes. Afin d’obtenir les plus belles vocalises, les ingénieurs, après d’âpres études, ont choisi de monter un filtre à particules tout en renonçant au silencieux. Il en résulte une sonorité très pure, qui remonte le long de la colonne vertébrale avant de charmer l’ouïe. Chaque cylindre semble raconter sa propre histoire, certains très portés sur la course, d’autres plus orientés vers la souplesse… Une vraie machine à rêves.
En ville ou à la campagne, la Roma sait aussi se faire onctueuse. La boîte de vitesses à huit rapports et double embrayage, empruntée à la SF90 avec quelques adaptations – elle est située sur l’essieu arrière – engage volontiers les rapports supérieurs. En vraie GT, la Roma fait alors apprécier son couple confortable. Grâce à la gestion variable du boost, la valeur maximale passe à 760 Nm sur les deux rapports supérieurs, autorisant une démultiplication d’autant plus longue et une consommation de carburant réduite.
Cette grande douceur de marche ferait presque oublier qu’un fauve sommeille sous l’élégante silhouette. Le V8 biturbo 3,9 litres provient de la Portofino, avec le même niveau de puissance. Les 620 chevaux propulsent la Roma de 1,6 tonne de 0 à 100 km/h en 3,4 secondes, puis cavalent à 200 km/h compteur après 9,3 secondes, jusqu’à atteindre une vitesse maximale au galop de 320 km/h.
Nuova Dolce Vita
La force de ces chiffres ne fait qu’accroître le potentiel de séduction de la sensuelle Roma, qui s’exprime déjà pleinement à l’arrêt. On s’attarde, sous le capot ouvert, à imaginer l’air de suralimentation cheminer à travers les deux énormes collecteurs d’admission avant d’atteindre les deux turbos, les refroidisseurs intermédiaires et, enfin, les huit cylindres coiffés de couvre-culasses rouges.
Et tout cela dans la joyeuse anticipation de ce qui pourrait arriver si ce V8 virtuose – élu plusieurs fois «Moteur de l’année» – avait réellement envie de respirer. Ce n’est qu’ensuite, avec la bonne pression de suralimentation, que les hostilités peuvent vraiment démarrer. Lorsque le compte-tour approche les 7500 tr/min – un tour de force avec deux turbocompresseurs – c’est encore mieux: les diodes de changement de vitesse s’allument en chapelet dans le volant pour donner le signal de celui-ci, servi par les énormes palettes en carbone. Un truc à rendre à accro, sans rémission possible. Et si c’était ça, la nuova Dolce Vita dont parle Ferrari?
Ma toute première fois… en Ferrari!
Vous vous souvenez de votre première voiture? Evidemment! La mienne – ou plutôt celle de mes parents – c’était une Opel Zafira B OPC. «La meilleure voiture du monde», et de loin! A son volant, j’étais enfin libre, le roi de la route, le successeur de Schumi. C’est, du moins, le souvenir que je garde en mémoire. Avec le recul, j’ai peut-être enjolivé les choses. Tant pour la voiture que pour moi. Et pourtant, j’aime m’accrocher à ce ressenti d’autrefois. Toutes les expériences, positives comme négatives, se rejoignent pour forger le caractère. C’est le cas dans la vie et dans ce qui nous lie avec l’automobile. Un lien émotionnel et des (re)sentiments.
On est vite impressionné les premières fois. Du moment qu’on se balade, tout est cool. Mais, avec l’âge et l’expérience, les exigences augmentent. On ne s’enthousiasme plus pour un rien, les priorités changent et, surtout, l’expérience rend plus apte à la comparaison.
Récemment, nous avons testé la Porsche 911 Turbo S. Une voiture fantastique qu’on peut mettre face à la Ferrari Roma. Je n’avais jamais pris le volant d’une Ferrari auparavant, mais je dois admettre, en tant que fan de Porsche, que le mythe de Ferrari n’a rien de galvaudé. En termes d’émotions, la Roma joue dans un registre unique, loin de la pseudo-perfection numérique (et forcée) et de la trop grande facilité. Sa sonorité seule file la chair de poule. Et puis, il y a cet équilibre des masses parfait qui, conjugué à la propulsion arrière, procure des émotions d’une rare authenticité, savant dosage de grip et de frissons. A quelques jours d’intervalle, le 911 me paraît déjà trop clinique, trop polie… un peu fade. Chacun choisira l’élue de son cœur, mais tout le monde peut se réjouir, car il existe encore, à ce niveau de gamme, des différences importantes. Quand bien même la Porsche et la Ferrari partagent quelques points communs: elles sont extrêmement rapides, elles ont le don d’émerveiller petits et grands et elles portent, en elles, l’amour du détail.
Mais à ce petit jeu, la Ferrari en donne sans doute un peu plus parce que, si elle rend votre première fois inoubliable, les fois suivantes seront tout aussi mémorables.
Fiche technique Ferrari Roma
Carrosserie Coupé 2+, 2+2 places, poids dès 1570 kg, empattement 2670 mm, voies AV/AR 1562 mm/1679 mm, longeur 4656 mm, largeur 1974 mm, hauteur 1301 mm, coffre 272/345 l.
Moteur Longitudinal AV, injection directe, biturbo, 8 cylindres en V (90°), alésage × course 86,5 × 82 mm, cylindrée 3855 cm3, taux de compression 9,45:1, 456 kW (620 ch) à 5750–7500 tr/min, couple 760 Nm à 3000–5750, puissance spécifique 160,8 ch/l, rapport poids-puissance 2,5 kg/ch, réservoir 80 l.
Transmission et trains roulants RWD, BDE 8 vit., disques de freins (ventilés) AV/AR 390 × 34 mm/360 × 32 mm, pneus AV/AR 245/35 ZR20 / 285/35 ZR20, jantes 8 J/10 J.
Performances 0–100 km/h 3,4 s, 0–200 km/h 9,3 s, vitesse max >320 km/h, conso mixte WLTP 11.2 l/100 km.