Des abysses vers la lumière

La Maserati MC20 est plus qu’une supercar de 630 ch, elle sonne le retour du Trident sous les feux des projecteurs. Première rencontre exclusive.

La Maserati MC20 en action sur le circuit de Modène.

Et soudain Neptune s’est réveillé. Pas juste le V6 biturbo de 630 ch – dénommé Nettuno – qui anime la MC20, mais bien l’esprit de Maserati. La marque au trident entame en 2020 une remontée vers la lumière, après avoir touché le fond en 2019: elle n’a, en effet, vendu que 26 000 voitures en 2019, loin des 75 000 unités prévues par le plan de 2014 de FCA; heureusement, ces mauvais résultats n’ont pas entaché la confiance du groupe envers Maserati: le géant italo-américain a décidé en 2019 d’investir 5 milliards dans les infrastructures et les nouveaux produits du constructeur de Modène (lire l’encadré). 

Nec plus ultra

Ainsi, après les Ghibli Hybrid, la gamme Trofeo, l’année 2020 a vu l’arrivée d’une nouvelle pointe pour le Trident: la MC20. Si l’on met de côté la très exclusive MC12 (2005), il faut remonter à la Merak SS de 1979 pour trouver une Maserati à moteur central. La MC20 verse toutefois dans l’univers des supercars, en raison de son châssis monocoque en carbone. Il est nécessaire de piocher du côté de McLaren pour trouver ce genre de raffinement, même le cousin de Maranello s’arrête à des structures en aluminium. La liste des subtilités comporte aussi un inédit V6 biturbo de 630 ch, qui se pare du summum de la technique, comme une préchambre de combustion. 

Assez de conjectures, l’heure est de se mettre au volant. Nous avons pour cela rendez-vous ce matin à Modène, sur le site historique de l’usine, viale Ciro Menotti. Nous trépignons d’impatience en attendant notre carrosse. Un bruit sourd déchire l’air, et une fraction de seconde plus tard, la MC20 apparaît devant nous. Malgré les camouflages, la présence scénique de l’auto est ravageuse. La longue ligne de toit accentue son aspect filant, tandis qu’on est charmé par le style épuré, à contre-courant de la surenchère de détails typique du segment. La porte en élytre côté conducteur s’ouvre et Federico Landini, responsable de la gamme de véhicules pour Maserati, s’extrait de l’habitacle. La MC20, c’est l’un de ses bébés. Il nous embarque pour un tour dans la ville, en direction de l’Autodromo di Modena. 

Cahier des charges «effrayant»

La MC20 déjoue avec décontraction les pièges d’un centre urbain, entre chicanes, asphalte irrégulier, gendarmes couchés: nous ne sommes pas secoués dans tous les sens, et l’on ne regrette pas d’être assis si bas. Puis, le 3-litres se montre étonnamment civilisé, pas de soubresauts et pas besoin d’élever la voix pour converser avec Federico Landini. «Le cahier des charges pour cette voiture était assez effrayant, confesse l’ingénieur italien. On nous a demandé de concevoir une auto utilisable au quotidien, mais que l’on peut aussi pousser sur circuit.» Pour son côté «Dr. Jekyll», l’objectif semble atteint, du moins depuis le siège passager. Reste maintenant à vérifier le versant «Mr. Hyde» de la MC20 sur le circuit modénais, sur lequel nous arrivons tout juste.

L’intérieur du MC20.

Une fois harnachés avec la ceinture 4 points, nous partons à la découverte du circuit et de l’auto: nous adoptons à cette fin le conservateur programme de conduite «Sport». Dans les sections sinueuses de l’Autodromo, le volant extrêmement direct, à la juste lourdeur, séduit; malheureusement, le train avant peine à suivre les ordres de la direction, du sous-virage venant jouer les trouble-fête: la température des pneus, encore basse, explique en partie le phénomène. Une ligne droite apparaît, c’est le moment de subir pour la première fois la colère de Nettuno. La déferlante des 630 ch est surnaturelle, le propulseur escaladant les régimes de façon implacable. Son couple maximal de 730 Nm, disponible entre 3000 et 5500 tr/min, pardonnera quelques erreurs de pilotage, la poigne à disposition vous tirant hors de chaque virage avec fébrilité. Et la bande sonore, aux notes sourdes et rauques, participe au bonheur. 

Facilité plutôt qu’explosivité

S’il est fougueux, le moteur n’a pas le caractère tempétueux que l’on présumait, la faute à une certaine linéarité dans l’expression de la puissance. Oh, ça va vite, extrêmement vite, n’en doutez pas une seconde, mais Maserati a préféré un développement plus souple et prédictible de la cavalerie, au profit de la facilité de conduite. Nous sommes loin des retards du turbo et l’explosion qui s’en suit, typique des McLaren. Facilité est aussi le mot qui convient le mieux pour définir le comportement routier. Nous sommes, entre-temps, passés en mode Corsa, qui désactive les aides à la conduite. Là, la MC20 devient une ballerine, se déhanche très volontiers, vous provoque avec quelques dandinements du train arrière, mais reste prévisible: nul besoin d’être un pilote chevronné et chercher des vitesses folles pour se faire plaisir. Toutes proportions gardées, le comportement routier évoque celui d’une Alpine A110 S, à savoir plus joueur qu’efficace, mais avec un gros baril de poudre là-derrière.

S’il faut formuler quelques réserves, nous pointerons un subtil manque d’assise du train avant, qui paraît un brin trop léger. A cela s’ajoute une pédale des freins carbone-céramique avare en retours, ce qui rend leur dosage plus complexe. Des points que nous vérifierons et confirmerons à l’occasion d’une plus longue prise en main. De façon générale, la MC20 donne l’impression d’en garder sous la pédale, il y a une marge de progression vers le haut; peut-être qu’il faut s’attendre à l’arrivée de versions plus méchantes encore. Toutefois, déjà dans sa mouture actuelle, la MC20 se pose comme une arme redoutable entre les mains de Maserati, capable d’enfourcher les cœurs de clients à la recherche d’une supercar grisante, mais bienveillante au quotidien et sur circuit. Le chemin vers la lumière a bien débuté.

Kommentieren Sie den Artikel

Bitte geben Sie Ihren Kommentar ein!
Bitte geben Sie hier Ihren Namen ein

Diese Website verwendet Akismet, um Spam zu reduzieren. Erfahre mehr darüber, wie deine Kommentardaten verarbeitet werden.