Une percée imminente

Il reste quelques obstacles à surmonter avant que l’électromobilité ne s’impose. Les batteries solides devraient permettre de résoudre définitivement les problèmes liés à l’autonomie.

L'électromobilité gagne de plus en plus d'influence et de valeur.

Pour beaucoup, faire le plein de carburant rapidement, que cela soit en été, en pleine canicule, ou en hiver, par des températures négatives, le tout à un tarif relativement abordable, paraît somme toute naturel. Mais, avec la transition vers une mobilité sans émissions, cette façon de procéder est appelée à devenir un luxe dans un futur plus ou moins proche, en raison de la transition vers la mobilité électrique. 

S’il est légitime d’attendre de notre véhicule qu’il soit constamment prêt à toute éventualité, force est de constater qu’il ne sera plus possible de disposer d’une auto dont l’autonomie avoisine le millier de kilomètres à l’avenir; qu’on le veuille ou non, les voitures des prochaines décennies seront vraisemblablement électriques, comme en témoignent les différentes politiques gouvernementales européennes, les nombreuses nouveautés «écoresponsables» présentées par les constructeurs ou encore… le cours de la bourse américaine. Explications.

Valeur colossale pour Tesla

A la bourse, Tesla est actuellement évalué à 728 milliards de dollars. Pour mettre les choses en perspective, il faut savoir que ce montant est plus important que le PIB de la Suisse (±700 milliards de  dollars). Surtout, ce montant représente davantage que la valeur réunie de Toyota (215 milliards), VW (105 milliards), GM (62 milliards), Daimler (60 milliards), Stellantis (54 milliards), BMW (46 milliards), Ford (35 milliards), Hyundai-Kia (35 milliards) et Renault-Nissan (27 milliards). Autrement dit, le «petit» fabricant, qui a produit une partie de ses Model 3 sous une tente, profite donc d’une valeur boursière supérieure à celle de l’industrie automobile dans sa quasi-totalité.

Mais il y a encore plus intéressant. La start-up américaine QuantumScape, qui ressemble davantage à un institut de recherche qu’à un fabricant de batteries, jouit d’une valeur boursière évaluée à 50 milliards de dollars. Mais qu’est-ce qu’une entreprise qui n’a pas encore produit une seule batterie a de si particulier pour être mieux cotée en bourse que BMW ou Ford? Eh bien, la réponse est simple: ce genre d’entreprises représente une promesse, celle de prendre une avance gigantesque sur la concurrence grâce à d’inédites technologies. Brevetées, ces dernières ont plus de valeur qu’une éventuelle capacité de production.

VW derrière QuantumScape

Il est intéressant de constater que la hausse du cours de l’action QuantumScape est due pour l’essentiel à une vieille connaissance de l’industrie automobile, Volkswagen. Après avoir injecté 100 millions de dollars dans l’entreprise américaine, le constructeur allemand a porté son investissement à près de 300 millions l’année dernière. Ce n’est pas la hausse du cours de l’action qui importe pour Volkswagen, mais le fait de bénéficier d’une exclusivité aux résultats des recherches. Grâce à son investissement gigantesque, la firme de Wolfsburg s’est assurée le droit de préachat de la batterie solide de QuantumScape.

La jeune équipe de la Silicon Valley promet beaucoup. Notamment des autonomies considérables, aisément comparables à celles des véhicules thermiques. De plus, la batterie solide peut être rechargée en un quart d’heure. En outre, ses performances diminuent à peine lorsque les températures passent en-dessous de zéro. Elle est par ailleurs à l’abri de l’emballement thermique, autrement dit d’une surchauffe. Enfin, elle devrait être durable, en plus d’être produite à des prix concurrentiels.

Rappel des fondamentaux

Mais cette technologie a-t-elle des chances de voir le jour? Dans la théorie, oui. Dans la pratique, la réponse est plus nuancée; le problème des batteries actuelles provient de l’échange d’ions entre les électrodes. Pour que le courant puisse alimenter une machine électrique, les atomes de lithium doivent migrer d’une électrode à l’autre de la batterie au sein d’un électrolyte liquide. Aujourd’hui, l’industrie automobile a recours à un électrolyte liquide, car c’est ce type d’état qui offre la plus faible résistance à la migration du lithium. Autrement dit,  pour l’heure, c’est à l’état liquide qu’une batterie est la plus performante. Les séparateurs sont constitués de polymères microporeux garantissant le passage des ions, bien que leur tâche principale réside dans la séparation spatiale et électrique des pôles positifs et négatifs.

Tant que l’échange des ions se déroule de manière ordonnée, une batterie lithium-ions moderne peut être contrôlée sans problème. Chaque ion de lithium trouve son chemin au travers de l’électrolyte et se dépose dans un endroit libre de l’électrode opposée. Cela devient plus difficile à l’approche des limites, par exemple si la puissance de recharge est extrêmement élevée. Lorsque de nombreux ions de lithium migrent simultanément au travers de l’électrolyte, il arrive qu’ils ne trouvent pas la bonne place dans l’électrode opposée. Au lieu de cela, ils s’attachent à un atome de lithium déjà bloqué. Il en résulte des accumulations en forme d’aiguilles, les dendrites, sur l’électrode. Ce ne serait pas un gros problème en soi, mais le résultat est catastrophique dans l’espace limité d’une batterie. Les dendrites percent le séparateur, se développent jusqu’à l’autre électrode et y provoquent un court-circuit. Débute alors l’emballement thermique. Le courant de court-circuit génère une chaleur intense qui, à son tour, provoque l’inflammation de l’électrolyte.

Le principe de la batterie solide

C’est exactement ce que la batterie solide empêche. Comme son nom l’indique, son électrolyte est solide et forme donc une sorte de blindage entre les électrodes. Cela permet d’éviter les courts-circuits et l’emballement thermique, mais ouvre aussi des perspectives totalement nouvelles en matière de chimie des électrodes. Alors que les batteries lithium-ions utilisées jusqu’ici sont basées principalement sur des anodes en graphite poreux dans lesquelles le lithium peut être stocké, les batteries solides ouvrent la porte à des électrodes en lithium pur. Autrement dit, ce qui était auparavant impensable en raison de la formation de dendrites est désormais à portée de main. A l’augmentation de la teneur en lithium correspond une augmentation générale de la capacité de stockage de la batterie, ce qui est un avantage majeur. Ainsi, selon les informations communiquées par les constructeurs automobiles, les batteries solides seraient capables de doubler la capacité (autrement dit l’autonomie), tout en réduisant davantage leur encombrement. La batterie solide, on en parle déjà chez Toyota. Les Japonais réservent peut-être la plus grande surprise dans le domaine de la voiture électrique à batterie. S’ils sont restés attachés à leur technologie hybride, c’est précisément parce qu’ils considèrent que les performances actuelles des véhicules électriques à batteries lithium-ion ne sont pas suffisamment élevées. Mais, selon plusieurs rumeurs, les  batteries solides seraient en train de changer la perspective que les Japonais ont du véhicule électrique.

Le principal avantage de la nouvelle technologie des piles est qu’elle permet de stocker plus d’énergie dans un boîtier plus petit.

Toyota, leader de la course

En fait, malgré le brouhaha fait autour de QuantumScape, Toyota semble être l’entreprise la plus avancée dans le secteur de la batterie solide. En effet, alors que la firme californienne détient près de 200 brevets dans le domaine et que sa petite équipe d’ingénieurs en est encore au stade de la recherche fondamentale en laboratoire, le constructeur nippon a annoncé fin de l’année dernière posséder plus de 1000 brevets autour de la technologie. Quant à la production en série, elle n’est plus si éloignée, le constructeur ayant annoncé que le premier prototype équipé de la nouvelle batterie miracle sera dévoilé dans le courant de cette année.

Et ce n’est pas tout. Les Japonais ont déjà mis en place leur propre réseau national d’équipementiers. Ainsi, trois géants industriels (Mitsui Kinzoku, Idemitsu Kosan et Sumitomo Chemical) construisent déjà leurs propres usines de production d’électrolytes solides. A cela s’ajoute le fait que Toyota s’est d’ores et déjà assuré la production à grande échelle des nouvelles batteries dans le cadre d’un accord de partenariat exclusif avec Panasonic. Ces efforts sont encouragés par des investissements publics. Près de 20 milliards de dollars ont été alloués au programme de «décarbonisation», dont une grande partie est consacrée à la technologie des nouvelles batteries. Une autre mesure qui témoigne du sérieux du projet de batterie solide est le soutien du gouvernement aux entreprises pour l’achat de lithium. Cette matière première rare et litigieuse est donc susceptible de constituer une monnaie d’échange dans les accords bilatéraux avec les Japonais, afin qu’il soit possible d’approvisionner l’industrie en quantités suffisantes. Car, contrairement aux plans antérieurs, qui ne prévoyaient une mise sur le marché qu’en 2025, la production à large échelle devrait commencer en 2023.

Toyota a surpris l’industrie en annonçant ces projets, et surtout les capacités de fabrication prévues. Ainsi, il y a fort à parier que Toyota, jusqu’ici  absent en matière de véhicule entièrement électrique, produise en série d’ici quelques années l’un des produits les plus aboutis du marché. D’ailleurs, ce n’est pas pour rien si le cours de l’action de QuantumScape a chuté de plus de la moitié lorsque Toyota a communiqué sur son avance.

Bientôt le prochain grand acteur sur le marché de l’électricité ? La gamme de Toyota pour le marché électrique semble prête.

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