La légende est de retour

Après un vide de 17 ans, Toyota donne à la lignée des Supra un nouveau re­jeton. Qui fait honneur à la prestigieuse réputation!

L’arrière de la nouvelle Toyota GR Supra est frappant, le capot est long, la carrure imposante. Le style se raccroche à celui de la 2000GT, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur. Des citations à la Supra de quatrième génération et à la GT86 apparaissent aussi.

Elle est devenue «culte», même si elle n’a pas vraiment connu le succès en Europe. La Supra, aujourd’hui une lignée incontournable parmi les sportives, a, en réalité, débuté sa carrière comme version «belliqueuse» de la Celica. Les Celica Supra (génération A40 en 1978, et A60 en 1981) ont néanmoins fait sensation au Japon et aux Etats-Unis. Si le succès initial n’a pas duré, l’histoire de la japonaise connaîtra un rebondissement en 1986 avec le lancement de l’A70, appelée Supra tout court. Cette première génération en tant que modèle à part représente la majorité des plus de 600 000 exemplaires de Supra écoulés à ce jour. Cependant, la sportive japonaise a atteint le statut de star mondiale avec le quatrième opus (A80), commercialisé à partir de 1993. Portée par des blockbusters hollywoodiens comme «Fast and Furious» et des jeux vidéo comme «Need for Speed», la Toyota Supra Mk4 a laissé de côté toute contenance: elle est devenue très puissante, voire brutale. Dans le milieu du tuning, certains préparateurs poussaient le six-cylindres à 700 ch et plus grâce à un énorme turbocompresseur. L’énorme aileron de série a nourri bien des fantasmes chez les millennials amateurs de kits carrosserie et de couleurs flashy. Même sans tuning, la Supra se mesurait à Godzilla (le surnom de la Nissan Skyline GT-R), mais aussi à l’élite des sportives occidentales. Cette avant-dernière génération de Supra, vendue jusqu’en 2002 uniquement au Japon, a toutefois souffert d’un prix élevé. Affichée à 110 000 DM de l’époque en Allemagne, elle coûtait 50% de plus que le modèle précédent. 

17 années sont passées avant que Toyota ne décide de ressusciter le nom mythique. Sans doute pour contenir le prix de sa nouvelle Supra dans les frontières du raisonnable, le constructeur a choisi de collaborer avec BMW. Cette Supra Mk5, disponible à partir de 79 900 francs, est ainsi dérivée du roadster Z4. Apparue en 2015, la plateforme CLAR servait déjà de base à de nombreux modèles du constructeur allemand, du SUV X3 à la GT M8 Competition, avec ou sans électrification. La seule exigence? Un moteur avant et une transmission aux roues arrière ou intégrale. Les Z4 et Supra restent pour leur part d’authentiques propulsions. Recourir à l’offre de Munich permettait aussi de respecter la tradition du six-cylindres en ligne, en l’absence d’un tel moteur estampillé Toyota. Cette architecture emblématique remonte à l’époque de la légendaire GT 2000 des années 60. Ce modèle a été la première voiture japonaise officielle de James Bond, dans une configuration découvrable.

Le nombre d’or

La nouvelle Supra – portant le nom de A90 – entend transposer à l’ère moderne le style des voitures de sport classiques, avec quelques traits caricaturaux. On pense principalement au long capot qui tranche avec la compacité de la voiture, ou à ses voies larges. Le diffuseur arrière et l’inclinaison du pavillon sont tout aussi sensationnels. Quant aux nombreuses «prises d’air» disséminées tout autour de la voiture, elles sont le plus souvent factices, comme celles aménagées dans les passages de roues postérieurs, largement évasés.

Néanmoins, l’aérodynamique répond bel et bien à des pré-requis pour la course, la Supra bénéficiant ici de l’expérience de Gazoo Racing, le département compétition de Toyota. Le toit à double bossage réduit la traînée, l’aileron arrière incurvé accroît la déportance et les ailettes de régulation du flux d’air sous la caisse apportent de l’appui à haute vitesse. A noter la présence d’un cadre de liaison composite en acier et aluminium, léger et rigide, qui contribue à la précision de conduite dans les virages. Les masses non suspendues ont aussi fait l’objet d’un allègement avec des bras de suspension (et des paliers) en alu.

Le bon équilibre entre agilité et stabilité exigeait un empattement court de 2470 mm – soit 10 bons centimètres de moins que la petite GT86 – et des voies larges (1602 mm à l’avant, 1605 mm à l’arrière). Il en ressort un rapport de 1,54, considéré comme idéal pour réussir ce compromis. S’y ajoutent un centre de gravité bas et une répartition du poids entre essieux optimale selon Toyota, vérifiée à 52:48 durant nos mesures. Il n’empêche que le poids à vide de 1530 kilos n’est pas à proprement parler réduit. Les concurrentes d’Audi, de Porsche ou d’Alpine pèsent moins, même si la différence n’est pas toujours significative.

Une voix de ténor

A vrai dire, cela n’a pas vraiment d’importance. Avec 340 ch et 500 Nm sous les fesses, on peut difficilement se plaindre des quelques kilos en trop. Le fait que le moteur provienne de BMW n’est certainement pas un inconvénient, et tant pis pour l’originalité. Si Toyota a retrouvé un regain d’intérêt pour le sport, comme en atteste aussi la surprenante Yaris GR, le cheval de bataille du plus grand constructeur mondial reste la propulsion hybride. Quant à BMW, il démontre une fois encore toute sa compétence de motoriste avec ce six-cylindres suralimenté de trois litres, qui développe beaucoup de puissance, mais se montre surtout parfaitement exploitable. Plus il y a de cylindres, plus un moteur fonctionne harmonieusement. Dans le «6 en ligne» B58, les pistons fonctionnent en parallèle par paire, mais en alternant leur temps de travail. Grâce au parfait équilibre des masses, ce moteur se passe de tout arbre d’équilibrage. Il en résulte un fonctionnement régulier, silencieux et presque exempt de vibrations. Cette onctuosité se ressent aussi dans la Supra, surtout à faible charge. 

Très bien apprivoisé, le 6-cylindres se plie de bonne grâce aux usages du quotidien. Mais il peut se montrer sauvage quand on le cravache. L’excellente boîte automatique à 8 vitesses (autre transfuge de BMW) sélectionne le rapport approprié en un clin d’œil, le B58 changeant aussitôt de registre. Une tonalité plus prononcée et grisante accompagne alors chaque montée en régime. Une empreinte acoustique qui trahit une fois de plus la filiation mécanique de la Supra avec la «Bayerische Motoren Werke».

Le mérite d’exister

En matière de comportement routier, la Supra n’opte pas pour la retenue «à la japonaise». C’est dans ce domaine qu’elle se distingue de la concurrence, à commencer par la Porsche Cayman S. Alors que la native de Zuffenhausen, avec son moteur placé au centre, doit être provoquée pour bouger du train arrière, la Toyota Supra ne demande qu’à danser. Avec pour conséquence une intervention précoce et décidée de l’électronique, qui semble trop zélée de prime abord. En revanche, si les aides à la conduite sont réglées sur Sport, l’arrière devient alors manifestement plus léger et l’accélérateur doit être finement dosé. La désactivation complète des balises électroniques n’est recommandée qu’après une bonne période d’acclimatation, car les limites d’adhérence sont difficiles à cerner. La Supra garde longtemps sa motricité, mais lorsque le train arrière avec différentiel actif à glissement limité décroche, c’est soudain et brutal. Les pilotes apprécieront! 

Evidemment, vous pouvez toujours mener le Supra tambour battant sur une route de col, mais il faut du doigté pour maintenir dans les lignes ce monstre de la dérive. Même sur le sec. Sur route humide et froide, la Supra rechigne aussi à rouler tout droit. Dans ces conditions, impossible aussi de reproduire le temps d’accélération de l’usine, de 4,3 s de 0 à 100 km/h.

Coffre accessible

Bien sûr, la voiture n’est pas obligatoirement piégeuse; le caractère de la Supra change au gré des mode de conduite. La direction, l’amortissement, le moteur et la transmission s’ajustent individuellement, sur deux niveaux. En tous les cas, la direction reste légère. Elle n’est pas très directe non plus, et renvoie trop peu d’informations. Malgré les faibles débattements de suspension, la Supra roule dans un relatif confort. 

Les bosses ne sont pas sa tasse de thé, mais la conduite est agréable au quotidien et les besoins en carburant sont modiques si l’on roule avec retenue (7,0 l/100 km sur le parcours standard RA). Les récriminations concernent surtout la visibilité et l’accès à bord. En revanche, malgré des dimensions restreintes, ce coupé biplace propose de bonnes cotes habitables, y compris pour les personnes de grande taille qui peuvent prendre leurs aises dans des sièges sport bien rembourrés. A l’arrière, le coffre à bagages reste ouvert sur l’habitacle. Son volume varie de 290 à 435 litres et il n’est délimité que par la barre anti-rapprochement et le box horizontal des haut-parleurs, qui forme une bordure suffisamment haute pour retenir le chargement.

Elle va à l’essentiel

D’après la rumeur, le développeur en chef de la Supra aurait refusé de conduire une BMW Z4 pour ne pas fausser ses impressions lors des réglages. Les deux modèles ont donc suivi un développement totalement distinct. Outre le comportement dynamique, la plus grande différence avec la BMW tient au fait que la Supra n’est disponible qu’en coupé, alors que la BMW est un roadster. Et si l’aspect extérieur diffère fortement, l’intérieur transpire, en revanche, les habitudes bavaroises. Le sélecteur de vitesses, le gros volant, les interrupteurs rotatifs ou encore le moniteur central de 8,8 pouces – avec son logiciel – proviennent de BMW. L’info-divertissement est notamment relié au célèbre système de commande iDrive. Il s’agit cependant d’une version déjà ancienne, pendant que la BMW Z4 bénéficie du système d’exploitation de dernière génération. En conséquence, les commandes de la Supra ne sont que partiellement tactiles, les icônes paraissent petites et les menus alambiqués. Toyota n’a mis sa «patte» que dans l’instrumentation, en positionnant le tachymètre au centre,  en évidence.

Sans nier la bonne réputation de Toyota en matière de qualité, l’influence allemande apporte une touche de raffinement bienvenue, avec des matériaux qui n’ont donc rien à envier aux meilleurs blasons premium. En partant sur de tels acquis – à commencer par la brillante mécanique – Toyota a pu concentrer ses efforts sur le style et la dynamique de conduite. Plutôt réussie et bourrée de caractère, la Supra est bel et bien de retour.

RÉSULTATS

Note de la rédaction 85,5/100

moteur-boîte

En matière de moteur, BMW a fait un excellent travail. Le six-cylindres affiche une belle assurance grâce à sa grande réserve de puissance. Il est également agréable à l’oreille et sobre. Que désirer de plus?

trains roulants

La patte du Gazoo Racing se note en matière de trains roulants. La suspension, aidée par l’aérodynamique, confère à la Supra un caractère routier très attachant.

Habitacle

Ici, c’est BMW qu’il faut féliciter. La qualité des matériaux et des assemblages est bonne, mais l’infodivertissement pourrait être plus moderne. Toutefois, il reste meilleur que le système «maison» de Toyota. 

Sécurité

Bon travail de Toyota dans le domaine : les nombreuses assistances de la japonaise fonctionnent de manière fiable.

Budget

Le fait de porter un badge Toyota, et non BMW, permet à la japonaise de s’afficher beaucoup moins chère que sa cousine germaine. Le partage des composants explique aussi ce prix relativement attractif.

Verdict 

La Supra ne vise pas la perfection mécanique, elle laisse les temps au tour aux autres. Les ingénieurs de Toyota ont mis au sommet de leurs priorités le plaisir de conduite. La Supra s’autorise quelques travers dans les virages. Cela ne sera du goût de tout le monde, mais elle respecte en cela la tradition de la vénérable sportive japonaise!

Vous trouverez la fiche technique de ce modèle et les mesures effectuées par la RA dans la version imprimée du journal.

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