Il n’y a plus de milieu de peloton, il y a juste un plus gros peloton»: cette constatation de Marcin Budkovski, un des deux directeurs d’Alpine-Renault, résume, à elle seule, ce qui semble être la principale leçon des trois jours d’essais d’avant-saison de la F1 sur le circuit de Sakhir, de vendredi à dimanche dernier. Le GP de Bahreïn donnera le coup d’envoi du championnat du monde en fin de semaine prochaine. Tant Fernando Alonso, le revenant, qu’Esteban Ocon ont évolué dans le premier tiers du classement, confirmant que les progrès allaient de pair avec les nouvelles couleurs – du jaune au bleu – de l’équipe française. «Parce que chaque team suit son propre programme, nos stratèges, à l’usine, sont très occupés à interpoler toutes les données – poids de carburant, types de pneus, modes moteur, etc – pour nous situer par rapport à la concurrence», poursuit Budkovski.
Une pratique commune à toutes les équipes, évidemment, mais le fait est que, derrière le quatuor-surprise de tête (Verstappen, Tsunoda, Sainz et Räikkönen), on trouve pas moins de dix pilotes, au volant de huit voitures différentes, groupés en une demi-seconde! Voilà qui est prometteur… en attendant la première minute de vérité, les qualifications du GP, samedi 27 mars. Là où plus personne ne pourra cacher son jeu.
Red Bull et Honda devant?
Honda a mis les bouchées doubles pour ce qui sera leur dernière saison «officielle», en anticipant les débuts du moteur prévu pour 2022, et Red Bull s’est inspiré de la suspension arrière de la Mercedes championnes du monde pour revoir le train propulseur de la RB16B et régler son problème d’instabilité. Le résultat? Max Verstappen s’est montré le plus rapide et, à la surprise générale, il n’a devancé que d’une fraction de seconde la «petite sœur» Alpha Tauri AT02-Honda de l’impressionnant «rookie» Yuki Tsunoda, il est vrai chaussé de pneus un cran plus tendre, les C5 (super-softs) contre les C4 (soft). L’Alpha Tauri AT02 est aussi celle qui a bouclé le plus de tours (422, à égalité avec l’Alfa/Sauber C41), soit 53 de plus que l’équipe mère. «Nous avons tous perdu de l’appui avec les limitations réglementaires touchant le fond plat mais, pour l’instant, la nouvelle voiture est beaucoup plus stable», résumait Verstappen. Satisfaction partagée par Pierre Gasly: «Nous sommes en bien meilleure position que l’an dernier, nous savons comment faire marcher la voiture, et le moteur Honda est en nette progression.»
Mercedes sur la défensive?
Lewis Hamilton «seulement» 5e, Valterri Bottas 9e, et l’équipe championne du monde carrément dernière au nombre de tours parcourus (304 contre 422 à Alpha Tauri et Alfa/Sauber), ces trois jours de Bahreïn ont donné une image inhabituelle de Mercedes. Plus révélatrices encore, la rarissime sortie de piste du septuple champion du monde – ainsi que quelques «figures » diverses tant pour lui que pour Bottas – ont trahi la difficulté de trouver les bons réglages sur la W12, «pointue et sans pardon» résumait Bottas, qui a, en plus, perdu un tiers de son temps de roulage suite à une rupture de boîte de vitesses. Simple coïncidence? La même défaillance a cloué Sebastian Vettel dans le garage Aston Martin le vendredi, avant qu’un turbo cassé le lendemain vienne contrecarrer les débuts de l’Allemand dans sa nouvelle équipe.
Avec seulement 117 tours, Vettel ferme la marche de la distance parcourue, à l’opposé de Gasly et ses 237 tours. Son équipier Lance Stroll a donné une meilleure impression de la «Mercedes verte», mais finir 12e avec les pneus les plus tendres (C5) est certainement en-dessous des attentes. Au final, c’est bien la nouvelle venue dans le camp de Stuttgart, la McLaren MCL35M, qui a fait la plus forte impression, Ricciardo (deux fois le plus rapide) et Norris, pointant régulièrement, séance après séance, et avec tous les types de pneus, aux avant-postes. Lundi, Mercedes a mis à profit un des ses deux «filming day» pour boucler 100 km supplémentaires. Et Hamilton n’a pas paru vraiment inquiet.
Alfa/Sauber devant Ferrari?
2e surprise du quatuor de tête, Carlos Sainz et la Ferrari SF21 sont talonnés par l’Alfa Romeo Sauber de Kimi Räikkönen. Tant le vétéran Finlandais que son équipier Antonio Giovinazzi (5e samedi) ont, à chaque fois, fait jeu égal avec la monoplace de Maranello en vitesse pure, et même – plus étonnant – légèrement mieux sur le rythme de course en simulation de GP, et particulièrement en fin de relais, ce qui pourrait indiquer une moindre dégradation des pneus. Est-ce la Ferrari qui n’est pas à sa place, ou l’italienne de Hinwil qui a réussi un bond en avant? Le fait que Räikkönen, rarement motivé par les essais, ait bouclé le 2e plus grand nombre de tours (229, dont 166 le dernier jour, soit trois GP!) semble indiquer qu’il était plutôt content de sa monoplace. Comme Charles Leclerc chez Ferrari, le Finlandais admettait que le nouveau moteur était en nette amélioration, ce que confirmaient les vitesses de pointe de la SF21 (292 km/h pour Sainz sur la ligne d’arrivée, contre 296 à Tsunoda, 293 à Ricciardo et 292 à Norris et Russell): «Nous ne sommes plus handicapés en ligne droite», assurait Mattia Binotto, le patron de la Scuderia. Où cela situera-t-il les deux «cousines»? «Nous sommes déjà plus rapides que notre meilleur niveau de l’an dernier, tant en moteur qu’en châssis», avançaient Giovinazzi et Räikkönen. Rejoints par le directeur technique de Hinwil, Jan Monchaux: «Nous nous sentons mieux préparés, la voiture est fiable et nous avons travaillé sur ses faiblesses».