Tous deux peuvent se targuer de débuts météoriques en sport auto. Vainqueur du Young Driver Challenge en 2018 avant un passage en ADAC TCR en 2019 et la troisième marche du podium en GT4 Germany l’an dernier, Julien Apothéloz rejoint le GT World Challenge (GT3) en 2021. Engagé en championnat d’endurance 24H Series avec l’écurie zurichoise Autorama, Miklas Born a remporté bon nombre de victoires l’année dernière. Un succès qui l’a lui aussi amené à pousser la porte du GT World Challenge, et ce seulement un an après ses débuts en sport automobile. Si Apothéloz pilote une Porsche 911 GT3 R pour le compte de l’écurie allemande «Allied», Born, lui, chevauchera une Mercedes-AMG GT3 Evo appartenant au team germanique SPS Automotive Performance.
Autorama nourrit de grandes ambitions pour son pilote fétiche, Miklas Born. D’ailleurs, ce n’est pas pour rien si l’écurie suisse avait dans l’idée de s’engager dans la catégorie GT3 des 24H Series, en plus du championnat TCR. Mais, pour des raisons financières, aggravées par le coronavirus, le projet a tourné court. Au grand dam de Stefan Tanner, du team principal d’Autorama, qui voyait déjà Miklas Born remporter le titre: «De la première course à Dubaï jusqu’à aujourd’hui, il n’a pratiquement pas commis d’erreurs, en sachant toujours garder la tête froide, même dans des situations extrêmes. C’est un grand plaisir de se battre pour le titre avec un pilote aussi jeune et talentueux que lui.» Miklas Born peut compter sur l’appui et les conseils d’un pilote de renom: Yannick Mettler. L’homme qui avait déjà partagé le cockpit de Born, ne s’est pas laissé décourager par l’abandon d’Autorama, même si les recherches de sponsoring sont très difficiles comme l’explique Born: «J’ai continué de démarcher les sponsors. Ce qui n’est jamais simple, car le sport automobile coûte cher, très cher. En outre, la catégorie TCR est clairement moins ‹vendeur› auprès des sponsors que le GT3».
Julien Apothéloz mérite, lui aussi, tous les éloges. Pour que la légende allemande et actuel recordman du nombre de titres en DTM (voir ici) Bernd Schneider s’y intéresse, c’est que le Zurichois est à la hauteur, vraiment, de l’intérêt porté en lui. «Le développement de Julien Apothéloz a été incroyablement rapide. J’ai rarement vu un jeune homme travailler avec une telle ardeur et réaliser autant de progrès en si peu de temps. Lors des premiers tests, il était encore un peu en deçà de mes attentes, mais il a, depuis lors, analysé ses performance afin de s’améliorer. Avec succès: à la fin de l’année dernière, il était l’un des concurrents les plus rapides de l’ADAC GT4 Germany. En général, les jeunes loups n’ont pas beaucoup de patience; ils essaient d’atteindre leurs objectifs en passant en force, mais, la plupart du temps, cela ne fonctionne pas. Julien a un esprit très ouvert, car la course automobile est totalement différente de ce qu’elle était lors de ma jeunesse. Avant de se rendre au circuit, il faut travailler sur le simulateur, analyser les données; sans oublier les réseaux sociaux, qui ont une énorme importance en raison du sponsoring qu’ils permettent. De ce point de vue, Julien est incroyable! Il regarde autour de lui et parle à tout le monde», raconte Bernd Schneider en évoquant les qualités de son protégé suisse.
Changement de cap réussi
Ni Julien Apothéloz ni Miklas Born ne veulent se reposer sur leurs lauriers. Forts de leur cockpit respectif en GT World Challenge, les deux Suisses ont franchi une nouvelle étape. Une nouvelle aventure qui semble leur réussir à tous deux. La semaine dernière, lors des journées d’essais officielles du Castellet, ils ont eu l’opportunité de se familiariser avec leurs nouveaux bolides, même si les deux comparses avaient déjà eu l’occasion de s’asseoir dans leur baquet, Apothéloz ayant couvert ses premiers kilomètres d’essais une semaine plus tôt, à Monza (I).
Quant à Born, il a fait ses débuts en janvier dernier, l’adolescent ayant été invité à piloter une Lamborghini Huracán à Vallelunga, en Italie. Prêtée par Vincenzo Sospiri, un ancien pilote italien aujourd’hui patron d’écurie, la voiture avait réalisé un temps incoyable entre les mains de Born: «Personne ne m’a cru quand j’ai raconté que Miklas n’avait jamais piloté de GT3 auparavant», raconte le patron du team Autorama Stefan Tanner.
Si Miklas Born a pu se faire une première impression au volant de l’Huracán, son nouveau bolide, la Mercedes-AMG GT3, se pilote très différemment, comme il a pu le constater au Castellet. «La Lamborghini ayant un moteur central arrière, et la Mercedes, un moteur central avant, j’ai été forcé de revoir complètement mon style de conduite, mais aussi et surtout le travail avec les freins.» Après les ultimes essais précédant l’ouverture du championnat, le week-end dans 15 jours à Monza, Born pense que lui et l’équipe ont une chance: «Ces gens-là sont de vrais pros. C’est sans aucun doute pour cette raison que les essais se sont déroulés sans anicroche. Naturellement, ce n’était qu’un test, raison pour laquelle nous ne savons pas quelle quantité d’essence nos concurrents avaient embarqué. Nous nous sommes gardés une belle marge de progression pour les qualification. Qui sait, peut-être parviendront-nous à décrocher un podium.»
Un défi, l’aérodynamique
Ni Julien Apothéloz ni le team Allied n’ont l’intention de faire de la figuration lors de leur première participation en GT World Challenge. Même si sa première année en GT4 a été couronnée de succès avec la Mercedes-AMG, le Zurichois va d’abord devoir apprendre à dompter sa Porsche. «La répartition du poids de la voiture est totalement différente. Avec son moteur central avant, la Mercedes était équilibrée et se pilotait agréablement et calmement. La Porsche, avec son moteur arrière, est le top en matière de motricité, mais le train avant est relativement léger et tend un peu plus à sous-virer. D’autres pilotes m’ont dit que la Porsche 911 GT3 R est incontestablement la voiture de course la plus difficile à piloter de sa catégorie. Mais c’est avec plaisir que je relève ce défi», dit Apothéloz, avec un sourire. Selon lui, la grande inconnue est – ce que confirme aussi Born – l’aérodynamique. «Quand tu conduis pour la première fois une telle voiture, tu es d’abord impressionné par la puissance. Si tu parviens à maîtriser cette puissance, alors, tu t’amuses comme un fou! Certes, j’ai tout d’abord dû m’habituer aux vitesses de passage en courbe, mais j’avoue que je me suis habitué beaucoup plus vite que prévu aux voitures de cette nouvelle catégorie», explique Apothéloz.
Le calendrier du GT World Challenge 2021 est plutôt dense – et bien entendu rempli d’incertitudes dues à la crise sanitaire actuelle. L’ouverture de la saison à Monza (16–18 avril) sera suivie par les manches du Castellet (28–30 mai), de Spa-Francorchamps (29 juillet – 1er août), du Nürburgring (3–5 septembre) et de Barcelone (8–10 octobre). Aussi bien Apothéloz que Born projettent de participer avec leur écurie à d’autres courses, notamment les célèbres et redoutables 24 Heures du Nürburgring, le premier week-end de juin. «Mais je dois encore passer le permis pour la Nordschleife», précise Apothéloz en rigolant un peu.
De l’obligation d’un plan B
Malgré des débuts fulminants, les deux pros ne sous-estiment pas l’importance d’un plan B. Ainsi, si Julien Apothéloz a dû reporter le début de ses études à cause d’un calendrier mondial de compétitions extrêmement dense, il espère les entamer «en septembre prochain, en économie sans doute. Même si je donne actuellement la priorité à la compétition, j’estime important d’avoir un plan B», déclare le jeune Apothéloz. Du haut de ses 20 ans, le jeune homme vient de décrocher son diplôme de maturité. Plus jeune de deux ans, Miklas Born fréquente encore l’école de commerce cantonale, «qui durera encore un an et sera suivie d’un stage en entreprise d’un an et demi», développe-t-il. Un emploi du temps tout à fait compatible avec son calendrier sportif.»
Même si leur carrière de futurs pilotes professionnels s’est considérablement accélérée, les deux espoirs suisses ne se laissent pas éblouir par le miroir aux alouettes. Garder les pieds sur terre est leur devise. «Le niveau en Silbercup du GT World Challenge est très élevé, puisqu’il voit concourir des pilotes pros», dit Born, empreint de respect envers ses concurrents. «Mon but, cette année, est d’apprendre le plus possible, en plus de me faire connaître dans le monde du GT.»
Ce qui est également valable pour Apothéloz: «Il est impératif de garder les pieds sur terre tout en donnant la priorité à une carrière de professionnel. Assurément, la première année, on veut apprendre. Mais pas seulement, non? J’ai bien l’intention de me montrer dans la catégorie Pro-Am.» Ce n’est pas de l’impertinence! Etre sûr de soi est indispensable si l’on veut faire carrière en sport auto.