Double ration pour le Cavallino aux deux visages

A la fois coupé et cabriolet, la Ferrari Portofino devient encore plus méchante sous le matricule M. Plus qu’un pur-sang, Maranello nous livre une recette du bonheur.

Le cheval n’est-il pas la plus noble conquête de l’homme? Sa force, sa vitesse, sa grâce, son attachement à son cavalier et sa capacité à sauter les obstacles en font un animal très aimé et admiré par beaucoup de monde. Ce qui est vrai pour le coursier de chair et de sang l’est aussi pour les créations mécaniques de Maranello, frappées du célèbre Cavalino Rampante. Le pur-sang dont il est question ici a comme patronyme Portofino M, cette dernière lettre signifiant «Modificato». Et quand Ferrari modifie quelque chose, c’est toujours dans un seul but: davantage de performances. Comme pour les F512 M, 456 M GT ou 575 M par le passé.

Sonorité déchirante

La Bavière, une belle journée de printemps finissant. Le temps semble suspendu dans ce coin d’Allemagne. Sur la route de Tegelberg qui mène au château féérique de Neuschwanstein, les prairies et forêts mêlent leurs couleurs, comme une ode à la nature. Dans ce décor idyllique, les vaches broutent paisiblement, les gens s’affairent à leur jardin, les oiseaux gazouillent et de petits groupes d’épicéas rapprochent leurs pointes comme s’ils tendaient l’oreille pour entendre les nouvelles du jour. Quand soudain gronde le tonnerre; la rugissante Portofino M déboule d’un virage comme l’annonciatrice de la fin des temps. Bien qu’équipée d’un filtre à particules, sa sonorité est formidable, de même que la légèreté que l’on ressent au volant. La refonte du système d’échappement et la nouvelle géométrie des soupapes de dérivation permettent de réduire la contre-pression à l’échappement. Le timbre authentique de la mécanique est donc bien au rendez-vous; qui s’en plaindra? La symphonie Ferrari donne toute sa mesure lorsqu’on rentre le toit, une procédure de 15 secondes qui transforme le coupé en spider. La chorégraphie du mécanisme d’ouverture du pavillon rigide justifie, à elle seule, le prix de ce Janus à quatre roues, dont ce n’est pas la seule prouesse technique.  

Contrairement à Porsche, qui tempère les démonstrations de puissance primitive, Ferrari ne nourrit aucun complexe à offrir une sauvagerie mécanique permanente. Le train arrière semble toujours sous tension, pour faire le cas échéant une bella figura. Quand on chevauche autant de canassons, la prudence reste de mise: le cheval a l’instinct de fuite, lorsqu’il fleure le danger. Sous le ca pot de la Portofino, l’attelage réagit tout aussi subitement aux éperons et le contrôle de traction clignote facilement en sortie du rond-point. Mamma mia, va davvero veloce! Une si puissante propulsion à moteur V8 avant, même central, part très vite au triple galop.  

Le système de suralimentation à gestion variable est coordonné à la transmission à double embrayage à huit rapports, issue de la SF90 Stradale. Le couple est ainsi dosé en fonction du rapport sélectionné, de manière à offrir l’accélération la plus efficace notamment sur les rapports inférieurs, plus courts. Une 8e vitesse fait son apparition en guise d’overdrive, dans le but de réduire les émissions, la consommation de carburant et prodiguer un certain confort. Une fois à l’intérieur, l’ambiance est plutôt calme et donne un avant-goût de ce qui pourrait être la première Ferrari évoluant aux électrons, prévue pour 2025 d’après les dernières déclarations du président de la marque, John Elkann. La Portofino M répond évidemment à la norme Euro 6d, mais cette monture est plutôt du genre à réveiller les vieux démons… On peut certes tenter de rouler sur un filet de gaz en huitième, mais l’exercice tient du sevrage contre-nature. On peut penser la même chose du bleu Celeste, mais tout le monde ne voit pas les Ferrari en rouge, en particulier les jeunes admirateurs.

Cinq modes de conduite sous la main 

D’une cylindrée de 3,9 litres et suralimenté par deux turbocompresseurs, le V8 endiablé bénéficie de nouveaux arbres à cames et voit sa puissance grimper de 20 chevaux, à 620 ch au régime de 7500 tr/min. Outre le nouveau profil de cames qui accroît la levée des soupapes, la nouvelle gestion moteur participe aussi au relèvement des performances. Enfin, un capteur de rotation du turbocompresseur permet d’accélérer sa turbine dès le passage des 5000 tr/min, le rapport poids/puissance tombant alors 2,49 kg/ch! Le couple maximal, disponible dès 3000 tr/min, reste inchangé à 760 Nm et bien qu’anecdotique, la vitesse maximale de 320 km/h flatte l’ego. Quasiment dépourvu de temps de réponse, ce moteur réagit de manière dévastatrice à l’accélérateur, le plus léger enfoncement de la pédale se soldant par une réaction immédiate des roues arrière, largement chaussées en 285/35 (la Portofino monte des gommes de 245/35 à l’avant). Même topo pour la direction sensible et directe.

Marque de fabrique des Ferrari modernes, le Manettino servant à la sélection des modes de conduite propose désormais cinq positions, à savoir Wet, Comfort, Sport, ESC off et le mode Race inédit sur la Portofino, une auto pas réellement destinée aux circuits. Sur route ouverte, difficile de cerner la différence avec le mode Sport. En revanche, le mode Race prend toute sa mesure sur piste grâce au tarage encore plus ferme des amortisseurs adaptatifs et au réglage spécifique du système Side Slip Angle Control 6.0 avec fonction FDE (Ferrari Dynamic Enhancer). 

Cette dernière fait intervenir un différentiel arrière à répartition pilotée de 3e génération, qui assure une motricité optimale tout en autorisant, sur les modes dédiés, des dérives contrôlées.

Sportswear haute couture

En bonne Ferrari, la Portofino M a bénéficié de toutes les attentions sur le plan stylistique. Emanuele Carando, responsable du marketing produit, explique la démarche: «L’objectif n’était pas de changer l’apparence de la voiture, mais de la faire évoluer de pair avec l’augmentation des performances.» On note par exemple la nouvelle forme du bouclier avant avec des prises d’air redessinées en vue d’améliorer le refroidissement. 

Même mission pour les sorties d’air latérales remodelées. Parallèlement, l’aérodynamique progresse, comme en témoigne le diffuseur arrière désormais séparé du tablier et proposé sur demande en fibre de carbone. Pas de changements fondamentaux dans l’habitacle, hormis quelques nouveaux systèmes d’assistance tels que le régulateur de vitesse adaptatif avec freinage d’urgence, l’alerte de franchissement de ligne, la reconnaissance des panneaux de circulation, le contrôle des angles morts, la surveillance du trafic transversal ou les caméras périphériques. Tout n’est cependant pas compris dans le prix de base de 236 950 francs. En option, le passager peut disposer de son propre écran pour consulter la vitesse tout en serrant les dents. Passons sur cela car la Portofino M est avant tout une ambassadrice de la performance, de la musicalité et de la dynamique de conduite, sans compter sa capacité à enlever le haut pour un plaisir total. Elle lève le cliché de la «Ferrari de tous les jours», pour séduire une clientèle plus captivée par les chevaux de course.

Vous trouverez la fiche technique de ce modèle et les mesures effectuées par la RA dans la version imprimée et dans le e-paper.

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