Avec la Polestar 2, le nouveau blason de Geely s’affranchit de ses racines suédoises et devient indépendante. Hormis les feux de jour en forme de T, qui doivent rappeler selon Volvo le légendaire marteau de Thor, les références aux bateaux viking ne sont pas légion. L’électrique chinoise peut-elle tout de même faire honneur aux anciens dieux nordiques? Souvenons-nous: Polestar incarnait la bonne étoile de la marque suédoise et cet emblème n’ornait que les modèles les plus sportifs de Volvo. Mais suite au rachat du constructeur suédois par le géant chinois Geely, le destin de Polestar a pris une autre direction et elle est devenue l’égérie de la propulsion électrique. Avec comme premier jet la Polestar 1, coupé puissant bardé de carbone et synthèse de tout ce que Volvo avait de mieux à offrir. Ce premier modèle à technologie PHEV recevait une batterie plus grande que certaines électriques et coûtait une somme exorbitante. Les choses changent avec la Polestar 2, beaucoup plus métissée. Si le style est encore une fois signé Thomas Ingenlath, chef du design de Volvo depuis longtemps, il s’éloigne assez nettement des classiques de la marque suédoise. Les bords nets et les grandes surfaces tranchent avec l’élégance des modèles scandinaves.
La marche en avant
La Polestar 2 est bâtie sur l’architecture modulaire compacte développée par Volvo pour différents formats de véhicules et variantes de motorisations. Introduite sur le Volvo XC40 en 2017, cette «Compact Modular Architecture» (abrégé CMA) a essaimé depuis dans tout le groupe Geely. On la retrouve en effet dans tous les modèles Lynk & Co, tous les modèles Geely ainsi que chez Volvo et Polestar. Comme il ne s’agit pas d’une plateforme électrique dédiée, elle n’a pas une apparence de type «skateboard», les batteries de la Polestar 2 étant réparties dans le soubassement, le tunnel central ainsi que sous les sièges arrière.
Les deux moteurs situés sur les essieux avant et arrière délivrent une puissance maximale de 300 kW (418 ch), pour un couple de 660 Nm. Autant dire que la jonque chinoise ne manque de souffle pour animer ses 2,2 tonnes au combat. Elle abat officiellement le 0 à 100 km/h en 4,7 secondes et confirme cette belle santé en signant, durant notre séance de mesure, un temps juste inférieur à la valeur officielle: la Polestar 2 a, en effet, arrêté le chronomètre sur 5 secondes pour l’exercice du 0 à 100 km/h. Une preuve de plus qu’à l’ère de la propulsion électrique, les berlines foncent désormais comme des sportives invétérées. Toutefois, le comportement en virage peine à suivre cette fougue, la faute au poids élevé. E bien qu’elle soit clairement orientée vers le confort, la Polestar 2 se montre plutôt sereine en conduite dynamique. Dommage seulement que la direction, au rendu synthétique, ne donne pas suffisamment de retour. Les différents modes de conduite n’y changeant rien, on sollicitera donc plus volontiers la puissance lors de dépassements sur l’autoroute que pour dévorer les virages à la montée d’un col. A l’instar de la plupart des voitures électriques, la Polestar 2 peut se conduire sans toucher aux freins, de manière assez naturelle. Reste qu’à faible allure, la transition entre l’accélération et la décélération procurée par la récupération d’énergie pourrait être un peu plus douce.
La capacité de batterie de 78 kWh place la Polestar 2 en milieu de peloton dans son segment, ce qui vaut aussi pour la consommation de 23,2 kWh/110 km réalisée sur le parcours normalisé RA. Sur les longs trajets, l’heure du ravitaillement sonne après 300 km environ. Et pendant que le marteau de Thor se charge en électrons, le conducteur a le temps de déguster un verre d’hydromel ou un thé vert. La puissance de charge maximale de 150 kW n’impose pas de trop longues pauses, à la condition toutefois que la voiture accepte de se connecter à la station de charge rapide. Or, à cette occasion, notre monture d’essai nous a régulièrement gratifié d’un message d’erreur, entamant quelque peu nos espoirs en matière de recharge rapide. Ramper d’une station à l’autre sur une pincée de pourcents d’autonomie avant de trouver, au paroxysme du stress, celle qui convient, nous fait regretter les bonnes vieilles voitures à essence.
De la place mais peu de cachet
Dès l’ouverture des portes, au déverrouillage bruyant, l’impression de qualité est plutôt décevante. La Polestar 2 n’est définitivement pas une Volvo. Ce qui ne veut pas dire qu’elle soit sans intérêt. On commence par chercher le bouton de démarrage, en vain. Et pour cause, le véhicule est toujours prêt à démarrer une fois la position D engagée, il suffit d’accélérer. Les commutateurs en général se font rares et l’ensemble de l’infotainment est échafaudé autour d’un système Google, plutôt rapide à domestiquer. La navigation s’appuie ainsi sur Google Maps et prend en considération toutes les données en temps réel. Des paramètres du véhicule aux réglages de la radio, toutes les fonctions sont présentées sous forme d’applications, comme sur un smartphone, et peuvent être installées à partir du Google Play, le catalogue «d’app’» en ligne du plus célèbre des moteurs de recherche.
Avec l’avènement de la numérisation, nos voitures deviennent bel et bien des smartphones roulants, a fortiori lorsque l’ensemble du système repose sur Android. Le manque d’efforts consentis par Polestar pour étoffer le reste de l’habitacle est en revanche plus malheureux. Complètement Oubliées, la froide rigueur et la noblesse des matériaux d’une Volvo – ou de la Polestar 1. Le regard se fixe sur des plastiques très communs, certes joliment texturés voire partiellement recouverts de tissu, mais pas très engageants tout de même. Quant au similicuir des sièges, Polestar a beau le vendre comme un «cuir végétalien», il ne fait pas illusion longtemps.
Malgré sa silhouette «liftback», la Polestar 2 propose de bonnes conditions habitables à l’arrière. Le pavillon n’amorce sa descente qu’à partir du montant C, sans réduire ainsi la garde au toit pour les passagers arrière. En revanche, le tunnel central truffé d’accus ressort nettement et entame l’espace réservé au passager central. La place du conducteur n’est pas optimale non plus sur le plan du confort: petits ou grands, tous les testeurs ont jugé le pédalier trop proche du siège, et les deux pédales insuffisamment espacées.
Déficit identitaire
Pour le prix de base fixé à 43 900 francs, la Polestar 2 n’est pas une mauvaise voiture électrique chinoise, et le supplément de 6000 francs pour la transmission intégrale et la grosse batterie est lui aussi justifié.
Mais ni le nom de la marque, ni la rune nordique dans l’écusson, pas plus que le «Mjölnir» dans les phares ne font illusion: cette voiture n’est pas taillée dans le fer suédois. Il faut voir en elle une berline électrique de plus, qui tente le lien de parenté avec la formidable Polestar 1 sans en avoir le pedigree premium. En ce sens, la Polestar 2 n’est pas à la hauteur des attentes. Certains diront qu’elle a vendu son âme nordique à la production de masse chinoise, et qu’elle ne rejoindra certainement pas le Valhalla de l’automobile scandinave.
RÉSULTATS
Note de la rédaction 74.5/100
moteur-boîte
Avec la transmission intégrale et 300 kW (418 ch), la Polestar 2 a de l’allant. L’autonomie pratique est d’environ 300 km, mais la recharge pose parfois problème ou se révèle impossible.
trains roulants
Très fréquentable, le châssis réalise un bon compromis entre confort et tenue de route. Il convient très bien sur longue distance.
Habitacle
L’habitacle est joliment réalisé, mais la finition souffre de plastiques à l’aspect décevant. L’espace est suffisant alors que la position de conduite laisse à désirer.
Sécurité
Tous les systèmes de sécurité et d’assistance pertinents sont à bord et fonctionnent pour la plupart parfaitement. Seule l’assistance active au maintien de voie tire parfois avec insistance au-delà du marquage.
Budget
Le prix de base de 43 900 francs est raisonnable. Mais pour une autonomie accrue, plus de puissance et une transmission intégrale, il faut débourser pas moins de 66 310 francs, le prix de la voiture d’essai.
Verdict
La Polestar 2 n’est pas une mauvaise voiture, mais elle souffre encore de défauts de jeunesse. Ceux qui attendent une qualité «à la Volvo» seront déçus. Sur ce plan, la Polestar 2 est trop éloignée de la Polestar 1 pour justifier le qualificatif premium. Le positionnement de la marque n’est donc pas encore très clair.
Vous trouverez la fiche technique de ce modèle et les mesures effectuées par la RA dans la version imprimée et dans le e-paper.