Des derniers jours qui auront été décisifs. Alors que les ultimes sondages donnaient une acceptation de la révision de la loi sur le CO2, c’est finalement le camp du non qui l’a emporté dimanche 13 juin, avec 51,59% des voix.
La large coalition de partis en faveur de cette loi – Verts, PS, PDC, PLR – a expliqué le refus du peuple par le rejet de nouvelles taxes. François Launaz, président d’Auto-Suisse, confirme que le portemonnaie a joué un rôle dans ce choix, dans une période marquée par les ravages financiers occasionnés par la pandémie. «Ce n’était pas le moment de faire passer une loi qui allait peser dans le budget des faibles revenus, après les incertitudes économiques liées au Covid, explique le président de la faîtière des importateurs suisses d’automobiles. Les gens hésitent après cette période, ils ont besoin de respirer.» Du côté de l’association des importateurs de pétrole, Avenergy, on pointe du doigt le «monstre bureaucratique» représenté par le texte, «cher» et «n’aidant en rien le climat».
Répartition injuste des recettes
Le milieu de la route dénonçait unanimement la répartition injuste des nouvelles recettes récoltées auprès des automobilistes: l’argent – reversé dans le «Fonds pour le climat» – aurait servi à financer nombre de projets, comme le remplacement de chaudières. «Ce qui n’a pas convaincu le peuple, c’est que cette loi prévoyait de prendre dans la poche des uns pour reverser dans la poche des autres», soutient François Launaz. Un renchérissement de l’essence de 10 à 12 centimes au litre était, en effet, au programme pour alimenter le fonds pour le climat. «Les Suisses ont compris qu’il s’agissait de nouvelles taxes et d’une redistribution de fonds existants, remarque Thomas Hurter, conseiller national UDC et Président central de l’Automobile Club de Suisse (ACS). Ce sont des décisions politiques qui n’encouragent pas l’innovation.» Si tous les acteurs du monde de la route estiment que la loi sur le CO2 permet déjà, dans sa mouture actuelle, de réduire les émissions, ils reconnaissent néanmoins que la promotion de l’innovation doit guider l’élaboration d’un nouveau texte. «Nous avons des universités, des laboratoires, des gens très compétents pour faire de la recherche, tonne François Launaz. Nous pouvons peut-être contribuer à la recherche fondamentale, plutôt que d’instaurer un système de primes.»
De son côté, Urs Wernli, président central de l’UPSA, pense que le soutien aux voitures électriques doit figurer explicitement dans la nouvelle mouture de la loi: «En plus du développement de l’infrastructure publique de recharge, nous demandons des aides pour les stations de recharge privées. C’est seulement de cette façon que les nouveaux véhicules électrifiés qui arriveront sur nos routes ces prochaines années pourront être rechargés.» L’industrie automobile risque, en effet, de rencontrer un immense écueil, lorsqu’il faudra convaincre ceux qui n’ont pas de place de parking privée de passer à la voiture électrique: «Nous avons un grand problème avec les non-propriétaires de leur appartement, qui ne savent pas comment charger leur voiture, admet François Launaz. Il faut que la Confédération nous soutienne pour régler ce problème, en introduisant le droit de charge, en équipant les places de parking publiques de bornes de recharge, peut-être via les lampadaires.»
Pour d’autres, comme Olivier Fantino, directeur de Routesuisse, l’innovation viendra du démantèlement de l’appareil bureaucratique: «Il faudrait envisager aussi bien des contributions d’investissement que l’octroi de droits à bâtir supplémentaires, ou une simplification des procédures. L’Etat doit permettre l’innovation, pas la piloter avec des taxes punitives et encore moins la freiner avec des contraintes bureaucratiques!» Le directeur de l’association défendant les intérêts du trafic routier déplore notamment «l’immense complexité» autour de la construction d’une borne à hydrogène.
Soutien aux carburants synthétiques
Si le soutien à l’innovation trouve de nombreux échos au sein du milieu routier, certains s’empressent de nuancer: «Les aides à l’électromobilité sont acceptables, mais elles doivent être temporaires, avance Thomas Hurter. Cela incitera le passage à l’électrique et encouragera les évolutions sans pour autant trop favoriser une technologie au détriment d’une autre» On ne souhaite effectivement pas que le traitement de faveur réservé à l’électromobilité se fasse au détriment des autres techniques de propulsion. «J’aimerais que la discussion reste ouverte à toutes les technologies», reconnaît Urs Wernli. L’hydrogène, mais aussi le moteur à combustion pourraient, en effet, connaître un deuxième souffle grâce aux carburants synthétiques, neutres en CO2. «Une nouvelle loi sur le CO2 devrait donc promouvoir les stations à hydrogène ou les investissements dans la production de carburants synthétiques», embraye Urs Wernli. Les carburants synthétiques seront de toute façon appelés à se développer, en raison des secteurs qui ne peuvent pas faire autrement: «Dans de nombreux domaines, comme l’aviation, il n’y a aucune autre alternative aux carburants synthétiques», avance Roland Bilang, directeur d’Avenergy. Le refus de dimanche n’était qu’un chapitre, la question du CO2 promet encore quelques rebondissements.