Inoubliable

La Lotus Exige tire sa révérence après 21 ans de bons et loyaux services. Mais, pour qu’on se souvienne d’elle, elle s’en va sur un spectaculaire opus à 426 chevaux.

Beau temps, route de col et une Lotus Exige Sport 420. Que demander de plus?

Certaines marques suscitent de l’envie, d’autres des railleries. D’autres encore attisent les passions, positives ou négatives, en fonction des affinités. Rares sont celles qui font l’unanimité parmi les passionnés, comme Lotus. Comment pourrait-il en être autrement? Le constructeur de Hethel a érigé les préceptes de la sportivité – légèreté extrême, compacité et puissance – au niveau de mantra. 

Contre vents et marées, de quasi-faillites en cessions, la firme britannique a tenu ce cap avec ses Elise (1996) et Exige (2000). Toutefois, l’heure de les envoyer à la retraite a sonné, après une carrière anormalement longue dans une industrie habituée à des cycles de 7 ou 8 ans. Leur remplaçante, l’Emira, est déjà prête à prendre leur place. Toutefois, pas sûr – avec son poids annoncé à 1405 kg au minimum – que la nouvelle venue remplace facilement les Elise et Exige dans le cœur des enthousiastes. D’autant que la firme britannique a offert à son iconique duo une sortie de scène mémorable, avec des Final Edition. 

Fidèle à elle-même

A vrai dire, on ne se souviendra pas de l’Exige Sport 420 Final Edition pour un apparat des grandes occasions: sa plastique est, à un sticker près sur les ailes avant, identique à celle de l’Exige Sport 410. Peu importe, il eût été inutile de rajouter des spoilers, prises d’air ou autre artifice pour signaler 10 chevaux supplémentaires. La Sport 410, qui sert de base à cette Final Edition, a déjà toute la panoplie de la guerrière: aileron réglable, diffuseur arrière surdimensionné, freins rainurés et consorts. 

Lorsqu’elle est lâchée sur la route, la minuscule anglaise – à peine 4,08 m de long – fait office de joujou, perdue au milieu des pachydermiques SUV: culminant à 1,12 m de haut, la puce britannique se retrouve avec les pots d’échappements des crossover en plein dans le pare-brise. Un aspect «David contre Goliath» qui renforce la sympathie suscitée par l’Exige, qui a reçu un torrent de signes d’appréciation lors de notre test. 

C’est à l’intérieur que l’observateur averti reconnaîtra cette Final Edition. Pas seulement par le biais de marques évidentes, comme la plaquette commémorative, mais plutôt grâce à l’écran TFT qui s’est invité – une première sur l’Exige – pour l’instrumentation. Le volant en Alcantara à méplat fait aussi partie de l’apparat de cette déclinaison ultime. Le cockpit est, pour le reste, identique à celui de l’Exige Sport 410… et finalement assez similaire à celui de l’Exige des débuts. Bien sûr, Lotus a fait évoluer l’habitacle, en garnissant la planche de bord avec de l’Alcantara à surpiqûres de couleur contrastante. Une prise USB – totalement inaccessible – a également fait son apparition. L’autoradio semble cependant tout droit arrivé des années 1990 et il faudra se pencher du côté passager pour ouvrir la fenêtre droite. Il sera ensuite nécessaire de passer la main dehors pour régler le rétroviseur extérieur. 

En fait, les tortillements auront commencé avant le réglage des miroirs, au moment de monter à bord: l’accès se fait au prix de nombreuses  contorsions, selon une chorégraphie précise, pour enjamber le large ponton du châssis. De toute évidence, la praticité et une ergonomie intuitive sont passées au second, voire au troisième plan.

L’essentiel, et lui seul

Trêve de jérémiades, une fois à bord, vous ne voudrez plus ressortir. Pas seulement parce que s’extraire de l’Exige est encore plus compliqué que d’y entrer, mais parce que tout, ici, est voué au seul plaisir au volant. Citons la position de conduite, basse et allongée, parfaite pour les petits gabarits, moins pour les grands. Relevons aussi la pièce d’orfèvrerie qu’est le levier de vitesses, au mécanisme apparent: un régal pour les yeux. 

Embrayage enfoncé, clé tournée, doigt sur le bouton Start, nous sommes prêts à animer le V6 3,5 litres à compresseur. En vue de ce grand final, Lotus a ajouté dix fusées d’artifice au propulseur Toyota: il crache désormais 420 bhp, soit 426 de nos chevaux. Le rapport poids-puissance, situé à 2,58 kg/ch, place la puce diabolique face à des monstres tels que la McLaren 600LT (2,26) et la Porsche 911 Turbo S de 650 ch (2,52). Si elle se permet de regarder sans peur ces terreurs droit dans les yeux, c’est grâce à son poids, limité à 1100 kg. Par les temps qui courent, cette valeur relève de l’exception, voire de l’exploit. 

Assez parlé, c’est désormais au V6 compressé de donner de la voix. Le six-cylindres se manifeste dans un grondement sourd, un premier frisson nous parcourt l’échine. Pas de botox acoustique ici, les borborygmes nerveux ne sortent pas des enceintes, via un actuateur audio ou autre diablerie artificielle. Les notes du propulseur, très en évidence dans l’inutile rétroviseur central, sont attribuables entièrement au concerto de pistons et soupapes situé là-derrière.

Plus confortable qu’attendu

La première vitesse rentre grâce à un mouvement court et un effort marqué du bras. Nous sommes prêts à nous immiscer dans le trafic, quand l’absence de direction assistée se rappelle à notre bon souvenir. Il faudra jouer des biscottos dans les manœuvres, mais c’est le prix à payer pour bénéficier d’une direction sans le moindre filtre. Toutefois, à mesure que l’anglaise prend de la vitesse, la direction s’allège et les déplacements en ville se font sans y laisser des litres de sueur. La définition sans compromis de l’Exige laisse présager le pire en matière de confort; nous appréhendons les obstacles routiers devant nous. Et là, surprise: contre toute attente, les amortisseurs réglables Nitron ne nous tassent pas les vertèbres, ils avalent les cassures avec dignité. Parler de confort serait déplacé, mais des sportives nettement moins radicales, comme la Hyundai i30 N, gigotent davantage sur les déformations de l’asphalte.

Marre des tourments de la ville: le terrain de jeu de cette Exige Sport 420 Final Edition, c’est le circuit. Faute de piste dans les alentours, nous nous rabattons sur un col, en empruntant l’autoroute; un régulateur de vitesse, au fonctionnement rudimentaire, vous simplifiera la tâche. La liste des assistants de conduite s’arrête là, et c’est probablement le seul cas où c’est un avantage. En revanche, il faudra peut-être prévoir des boules Quies pour les longs trajets, car le vacarme à allure autoroutière est assourdissant: nous avons relevé 84 db(A) à 120 km/h! La délivrance, la sortie d’autoroute, arrive bien assez vite. La bande d’asphalte se remet à serpenter, de façon toujours plus dense, à mesure que nous nous approchons du col. L’Exige en redemande! La berlinette britannique se rue dans les virages avec fébrilité, répondant aux ordres d’un volant à la précision et au ressenti magistraux. 

A mesure que l’on force le rythme, les effets de la force centrifuge se font toujours plus violents dans la direction, mais pas de panique: tenez le volant fermement, et l’Exige ne vous lâchera pas. La tenue de route prodiguée par les pneus Michelin Pilot Sport Cup 2 est phénoménale, mais les gommes ne sont qu’un des éléments garantissant cette tenue de route hors norme. Il y a certes le poids plume, mais aussi le centre de gravité situé au ras du sol. L’agilité qui en résulte est étourdissante, la puce aux stéroïdes saute d’un appui à un autre avec une ferveur unique. Peut-être que vous prendrez tel ou tel autre virage plus rapidement encore avec une Porsche Cayman GT4. Et alors? La vitesse ressentie à bord de l’anglaise est nettement plus élevée, les sensations décuplées, ce qui est après tout le but de ce genre de joujou. Surtout, quand la Porsche s’emploiera à vous flatter en travaillant beaucoup pour vous, c’est vous – et vous seul – qui êtes aux commandes à bord de l’Exige Sport 420 Final Edition. Un ABS et un ESP, législation européenne oblige, viendront vous rattraper par le col en cas d’excès, mais ce sont bien les seules béquilles dispensées par l’anglaise.

Moteur à la hauteur du reste

Le comportement routier de l’Exige est certainement son atout majeur, mais ne croyez pas que son propulseur joue les seconds rôles. Oh que non. Reprenons le fil. Point de corde avalé, la britannique n’attend que les ordres du pied droit pour dévorer la prochaine courbe. Réactif au moindre effleurement de l’accélérateur, le V6 à compresseur catapulte l’Exige dès les premiers instants grâce aux 420 Nm de couple disponibles dès 2600 tr/min. Mais c’est à environ 4500 tr/min que les choses basculent du grisant au sensationnel: le 3,5-litres change de registre sonore, passant des notes graves à un long cri déchirant jusqu’au rupteur. Chair de poule et effet addictif garantis. Alors, tel un junkie, on s’empresse de passer le rapport suivant, qui rentre en un clin d’œil. Les tours du moteur retombent exactement là où il le faut, le propulseur nous redonne notre dose d’adrénaline. Bien sûr, le 0 à 100 km/h déclaré en 3,4 s est totalement irréaliste, nous relèverons 4,3 s. Pour tempérer les ardeurs et préserver le permis de conduire, l’Exige brille aussi côté décélération: le freinage est mordant, puissant et superbement endurant. Nous avons relevé une distance de freinage de 35,8 m depuis 100 km/h. Last but not least, la course de la pédale, courte, délivre aussi un excellent feedback. 

Vous l’avez compris, l’Exige Sport 420 Final Edition ne mérite que des éloges, ou presque. Les rares défauts constatés, auxquels nous ajoutons encore un appétit très élevé (10,5 l/100 km mesurés en moyenne) et un prix d’achat exorbitant, à Fr. 106 000.–, ne sont que peu de choses. Certes, sa plus proche rivale, la Porsche Cayman GT4, parvient à être nettement plus pratique, moderne et utilisable au quotidien, tout en étant presque aussi amusante à conduire. Toute la nuance est cependant dans le «presque»: rares sont les sportives aussi addictives sur circuit et sur route. Avec l’Exige Sport 420 Final Edition, tout ce dont vous avez envie, c’est conduire, et conduire encore. L’anglaise a beau avoir 21 ans de carrière, il n’y a absolument rien de démodé dans le plaisir qu’elle procure, tout au contraire. Et tant pis pour les frais de chiropracteur, vous n’aurez jamais besoin d’antidépresseurs.

RÉSULTATS

Note de la rédaction 85.5/100

moteur-boîte

Un moteur comme on n’en fait plus, sans artifice ou filtre. La bande-sonore déchirante donne la chair de poule, la poussée est oppressante. Addictif, mais attention à la consommation élevée.

trains roulants

Cette Exige Sport 420 Final Edition ne diffère en rien de sa benjamine, la Sport 410, côté comportement routier. Comprenez que les niveaux d’agilité, d’équilibre et de tenue de route sont stratosphériques.

Habitacle

La visibilité vers l’arrière est nulle, l’accès à bord compliqué, l’équipement dérisoire et l’habitabilité proche du zéro. Mais la position de conduite frôle la perfection, c’est tout ce qui nous importe. 

Sécurité

Deux airbags, ABS et ESP, et c’est tout. La sécurité, chez Lotus, se traduit par des décélérations fortes et une tenue de route hors normes.

Budget

A 106 000 Fr., la Lotus Exige Sport 420 Final Edition coûte presque autant qu’une Porsche Cayman GT4. Cher, mais quand on aime…

Verdict 

Pour les amateurs de la conduite pure et dure, difficile de trouver plus exaltant que cette Exige Sport 420 Final Edition. Sûr, il y aura sur le marché  des sportives plus puissantes, plus rapides et plus polyvalentes, mais presque aucune ne rivalise avec la britannique en matière de sensations. L’anglaise, l’un des derniers chantres du plaisir au volant sans filtre, laissera un grand vide derrière elle. 

Vous trouverez le fiche technique de ce modèle et les mesures effectuées par la RA dans la version imprimée et dans le e-paper.

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