Pain de mie russe

La Buchanka fait déjà partie des classiques, alors qu’elle est encore fabriquée en Russie, depuis 60 ans. Preuve que ce minibus reste parfaitement adapté aux aventures contemporaines!

L’expédition devait se terminer en Mongolie, là où l’idée de la Buchanka, surnom de l’UAZ 452, a germé. Mais l’odyssée d’Isabelle et son compagnon Fritz, propriétaires de l’un de ces véhicules, sera finalement plus courte: Allemagne, Autriche, Hongrie, Roumanie, Moldavie, Ukraine et retour à la maison. Aujourd’hui, prendre la route au gré des humeurs et des envies n’est plus possible: tout doit être planifié à cause du coronavirus – toujours lui.

Après tout, ce n’est peut-être pas plus mal, revoir ses attentes à la baisse peut être bénéfique. Et le couple a, de toute façon, d’autres expéditions de prévu. Comme il s’agit avant tout d’un voyage à travers le temps, la distance à parcourir est secondaire. A cet égard, une simple traversée de Zurich peut déjà devenir une véritable aventure à bord de l’archaïque engin, officiellement nommé UAZ 452: «La cinquième vitesse rejette le levier quasiment sur le siège du passager et la première rentre rarement du premier coup, ou ressort de temps en temps. Les démarrages en côte? Un vrai calvaire», nous confie Isabelle, souriante. Elle et son partenaire ont découvert le petit utilitaire russe voici plusieurs années, lors d’un voyage en train à travers la Mongolie. Ils sont immédiatement tombés sous le charme. Désormais, il s’agit de leur première voiture. Et c’est à bord de la Buchanka qu’ils escomptent partir une fois par année à la découverte de nouvelles contrées.  

Un spécimen unique

En russe, Buchanka signifie pain de mie, soit la traduction littérale du sobriquet attribué en Russie à l’UAZ 452. Affectueux et moqueur à la fois. Car ce petit nom ne se réfère pas seulement à l’apparence de camionnette surélevée, mais aussi au fait qu’il s’agisse d’un véhicule qu’il faut bricoler pour qu’il corresponde à ses besoins; comme à la boulangerie, chaque pain est à la fois identique et unique.

Dimitri Schwab, directeur général de MADE in RUSSIA GmbH en Allemagne et spécialiste de l’importation de véhicules russes, confiait à Auto Bild: «Les Russes nous fournissent les plans géométriques et nous faisons le reste.» La devise? «Si ça ne va pas, prends un marteau et fais en sorte que ça rentre!»  En Suisse, Fritz Vogel de la société Auto Vogel & Partner AG à Rothenburg (LU) fait partie des courageux à oser l’importation de ces véhicules venus du froid: «Il y a toujours un moyen de les faire rouler sur nos routes suisses. La question est plutôt de savoir combien ça coûte, en argent et en temps!» Au prix de base, il faut encore ajouter 10 000 francs pour le transport et l’immatriculation; le coût total revient donc à environ 40 000 francs. «Nous achetons surtout des exemplaires en Allemagne avec comme avantage de disposer de papiers E-8 pour l’homologation individuelle européenne. Sinon, l’immatriculation en Suisse serait encore plus compliquée et coûteuse», concède le Lucernois.

Sueurs froides

Ulyanovskiy Avtomobilny Zavod, ou UAZ en abrégé, est un constructeur automobile russe originaire d’Ulyanovsk, sur la Volga. Il appartient au groupe Sollers, qui possède ses propres usines ainsi qu’une licence pour Ford et Mazda, et qui fabrique ses véhicules en Russie. Son activité reste, sinon, assez opaque et pas vraiment passionnante.

Mais revenons à notre fourgon: «Il secoue, est rugueux et peu docile au début. Puis on s’habitue à ce caractère bourru. Je crois que Fritz est passé par tous les états d’âme depuis le siège passager, au cours du premier essai routier», rit Isabelle.

L’intéressé concède: «Il faut s’habituer à l’UAZ, ensuite il s’habitue à vous, et l’entente devient réciproque.» On l’aura compris, l’UAZ est un véhicule rudimentaire, mais il est fiable et pas si difficile à conduire si on accepte quelques bizarreries. «Dans l’hiver sibérien, il faut parfois allumer un feu sous le réservoir de diesel jusqu’à ce que le minibus daigne démarrer. Le plaisir du voyage, c’est aussi oublier la peur de la panne», déclare Fritz Vogel. C’est d’ailleurs l’une des raisons majeures qui motive les acheteurs potentiels d’un UAZ. Isabelle nous confie: «Je connais des gens qui ont été bloqués au Kirghizstan faute de pouvoir remplacer ou réparer une pièce insignifiante. Ce type de problème n’arrive presque jamais avec l’UAZ.»

Du pétrin à la mie de pain

Ce qui paraît banal dans les pays de l’Est devient très exotique dans le paysage suisse. Et pas seulement les lettrines en cyrillique. «Là-bas, surtout à la campagne et dans les régions pauvres, on voit des UAZ à tous les coins de rue! Ils font office de minibus, d’ambulance ou de transporteur des steppes», précise Isabelle. Développé à l’origine pour l’armée rouge et lancé en 1965, le 452 a poursuivi sa longue carrière sans gros changements. Tout y est disons… fonctionnel. Le moteur quatre cylindres de 2,7 litres (112 ch, 198 Nm), quasiment indestructible, se trouve entre les sièges avant pour une meilleure accessibilité et pour maximiser l’espace. Le conducteur se retrouve dès lors coincé contre la fenêtre latérale coulissante. Il y a bien un chauffage, mais c’est surtout le moteur qui tient ce rôle, surtout en été, en raison du carter supérieur qui fait office d’accoudoir central. Quant à la clim’, son seul énoncé ferait injure à ce rustique travailleur. Il ne fait de toute façon pas très chaud dans une grande partie de la Russie, même en plein été. 

Evidemment, il n’y a pas non plus d’airbags mais on apprécie, non sans surprise, la présence d’une direction assistée et d’un ABS. En guise de finition – ou d’absence de celle-ci –, on trouve des tuyaux et des câbles bien visibles, un compteur de vitesse au centre, quelques interrupteurs et boutons juste en-dessous pour les fonctions élémentaires. Les sièges sont recouverts d’un revêtement Téflon hydrofuge et sont chauffants! Changer de vitesse revient, comme le veut la légende, à pétrir de la pâte à pain. Les deux autres longs leviers d’inspiration camionesque donnent le ton: ils servent à la sélection des quatre roues motrices avec blocage du différentiel arrière, et au réducteur de transmission. Des prérequis techniques, si l’on envisage des expéditions offroad parsemées de pentes à 30 degrés. A ce propos, la conduite sur chaussée asphaltée fait aussi penser à celle d’un camion.

Plutôt steppe que jungle urbaine

«La plupart des passants ont de la sympathie pour ce véhicule, sourient ou nous lancent un salut», témoigne Isabelle. Cette face avant sortie du passé, avec ses yeux écarquillés, attire les regards bienveillants, même en ville. «Quand la première vitesse fait des caprices au feu vert, on reçoit des coups de klaxon de gens pressés… et je leur retourne parfois le compliment. Mais sinon, l’UAZ s’insère plutôt bien dans la circulation», remarque notre interlocutrice. Les deux propriétaires du camping-car russe ont désormais quitté la jungle urbaine. Histoire de jauger les capacités de leur monture en vue d’un futur périple dans la steppe mongole, là où l’UAZ leur avait tapé dans l’œil.

Nos remerciements aux propriétaires du véhicule et à Auto Vogel & Partner AG à Rothenburg pour cette prise en main.

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