Place aux jeunes

La fascination pour ces autos se ressent toujours plus. Nous avons pris la température du phénomène sur les stands d’Auto Zürich.

Soyez moderne, roulez en ancienne». Si le slogan du magazine AutoRetro n’est pas nouveau, il est de plus en plus vrai. Bien sûr, le terme «ancienne» couvre plusieurs types d’autos. Pour les cheveux gris d’aujourd’hui, les voitures des dix dernières années du XXe siècle n’entrent pas dans cette catégorie. En revanche, pour les «millenials», qui regroupent l’ensemble des personnes nées entre le début des «eighties» et la fin des «nineties», la vision est bien différente. 

Nous avons donc profité du Salon qui s’est tenu la semaine dernière à Zurich pour rencontrer plusieurs acteurs du monde de l’ancienne pour en apprendre davantage sur la fascination qui entoure ces «récentes anciennes» que sont les youngtimers. Effectivement, une halle était consacrée aux productions du siècle passé pour le plus grand bonheur des passionnés de tous âges. 

Changement de génération

Des jeunes, il y en a un bon nombre dans la halle 6. Certains se dirigent frénétiquement vers des BMW qui se trouvent sur le stand d’un spécialiste de la marque bavaroise. Heinz Eberhart dispose d’un bel assortiment de youngtimers dans son garage d’Aadorf (TG). Une M3 E36 rouge et une Alpina B12 E38 assurent le spectacle et représentent fièrement les années 90. Pourquoi pas une M3 E30, de la génération précédente (1986-1991)? «Elles sont devenues très recherchées et il est extrêmement rare d’en trouver sur le marché, surtout en bon état. Ces autos ont subi les affres du ‹tuning›: jantes larges, spoilers rajoutés dans tous les sens et j’en passe. Les remettre en état coûterait une fortune», relate Heinz Eberhart. 

L’on sait effectivement que ce modèle bat régulièrement des records aux enchères. Plus raisonnable, mais pas moins intéressante, l’Alpina B12 semble disposer d’un ratio prix-plaisir-prestations imbattable. Ce TGV de la route reste cependant exclusif, la production n’ayant pas dépassé environ 200 unités. Que les déçus se consolent, il reste la BMW 750i. Cela dit, il convient de ne pas trop traîner. Selon Heinz Eberhart, celle-ci se négociait entre 10 et 12 000 francs il y a seulement 2 ou 3 ans pour un bel exemplaire, alors qu’il faut mettre 25 000 francs sur la table de nos jours.

Cet engouement, Katrin Rau, la directrice du Touring Garage à Oberweningen (ZH), le perçoit clairement aussi. Pas plus tard qu’il y a quelques jours, elle a vendu une Jaguar XKR à un jeune homme de 20 ans. «Il n’appréciait pas tellement les voitures actuelles et souhaitait s’offrir une auto hors du commun pour un budget de 15 000 francs», nous confie Katrin Rau. Et de poursuivre: «Le marché suit le changement de génération de la clientèle. Les plus jeunes s’intéressent davantage aux modèles qui ont marqué leur jeunesse. Ils étaient soit trop jeunes, soit n’avaient pas encore les moyens de se payer la voiture de rêve qu’ils admiraient dans la rue ou dans la vitrine du concessionnaire. C’est pourquoi les voitures d’avant-guerre ou même des années 1950 ne trouvent plus facilement preneurs. Et on achète plus naturellement un modèle connu: il est ainsi plus simple de vendre une Porsche 911 qu’une Simca Plein Ciel!»

Selon la commerçante, les beaux youngtimers sont nombreux et se trouvent pour des prix encore corrects, bien que la tendance soit à la hausse. Les affaires sont florissantes au Touring Garage, les ventes ayant retrouvé cette année leur niveau d’avant la crise. Comment expliquer alors qu’il n’y ait pas tant de garages à proposer ces voitures? En effet, dans la halle 6, la majorité des beautés exposées sont plutôt des vieilles dames que des fraîches trentenaires. «Les garages proposant des oldtimers sont souvent réticents à faire cohabiter des autos de grande valeur avec des voitures plus populaires. En outre, dans leur esprit, une voiture âgée de trente ans, bien qu’elle puisse être immatriculée en tant que ‹vétéran›, ne peut être associée au monde de l’ancienne. Notre approche est différente; avec une offre variée, allant de l’Aston Martin V8 à la Toyota Celica de 1989, nous nous adressons à divers publics», explique Katrin Rau. Beaucoup d’autos de cette époque bénéficient d’une qualité de fabrication que l’on ne connaît plus actuellement, tout en affichant un prix abordable. Cela attire une clientèle qui n’a pas forcément de grands moyens financiers, mais qui entre ainsi dans l’univers de la voiture-passion. Si le garage arrive à fidéliser le client, il existe de bonnes chances qu’après avoir goûté au plaisir de l’ancienne, il revienne quelques années plus tard et achète un oldtimer. 

Créer des liens

Le terme «univers» en parlant d’anciennes voitures n’est de loin pas exagéré. Alors que des oldtimers atteignent parfois des prix inaccessibles au commun des mortels, les youngtimers peuvent représenter un sésame pour faire partie d’une communauté, comme nous le confirme Gregory Künzler, de Pfenninger Autos. «En achetant ces véhicules, les jeunes cherchent simplement à se faire plaisir au volant. Ici, pas ou peu d’électronique; la mécanique est reine et le conducteur est roi. Cependant, ils souhaitent aussi rencontrer d’autres gens qui apprécient cet art de vivre. Les contacts qui se créent inévitablement lorsque l’on conduit ces voitures et les liens que l’on peut nouer n’ont pas de prix», analyse le spécialiste Lotus situé à Zumikon (ZH). 

Si l’Esprit rouge sur son stand attire les regards, l’Audi Quattro fait, elle aussi, tourner les têtes. Achète-t-on un youngtimer comme ce mythique coupé d’Ingolstadt pour spéculer? «C’est un pari. Encore récemment, personne n’imaginait que sa cote grimperait tant. Il faut donc avoir pas mal de flair. Un collectionneur a acheté sept Audi TT, se disant qu’avec le vingtième anniversaire du modèle, l’intérêt commencerait à augmenter. Ce n’est pas encore tout à fait le cas», raconte Gregory Künzler. Mais il faut laisser le temps au temps…

Une influence inquiétante

Vous l’aurez compris, acheter un youngtimer est une question de budget, de «lifestyle», mais aussi, et surtout, de passion. Or, de la passion, Dennis Betschart en a à revendre. Le trentenaire incarne parfaitement le type de jeune intéressé par ces voitures. Sauf qu’il les répare également. Il suit une formation de restaurateur automobile qu’il achèvera en 2022, mais il a déjà ouvert son garage à Sevelen (SG). Sa spécialité: les années 70 à 90, avec une préférence pour les allemandes et les Volvo. «J’ai travaillé pour un concessionnaire et je gagnais bien ma vie. Mais faire du diagnostic informatique, ce n’est pas ma tasse de thé. Je conçois plutôt mon travail comme une mission pour les générations futures. Ces voitures seront encore là dans plusieurs décennies si on les soigne. En se montrant négligeant dans l’entretien et en laissant s’accumuler les défauts, l’on risque de se retrouver avec une montagne de travaux à faire au moment de l’expertise. Certains préfèrent alors renoncer», nous dit-il. 

Le mécanicien de BetschArtMechanics, dont les clients sont souvent jeunes, prend alors parfois sur lui, quand il rencontre un client aussi animé par la passion que lui: «Il me tient à cœur de faire en sorte que ces voitures restent sur la route. Quitte à trouver des solutions pour le paiement…»

Mais le lien qui lie l’auto à son propriétaire dépasse parfois la fiction. L’image d’auto de mafieux va si bien à la Mercedes SEC que cela a déteint sur son précédent conducteur, un ancien client du garage de Dennis Betschart. Ainsi, en raison de la réputation de sa voiture, celui-ci aurait commencé à jouer les proxénètes! Il ne faut donc pas sous-estimer l’influence des youngtimers qui, mis à part cette anecdote digne d’un roman de Stephen King, est positive!

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