Niche extra large

Vous adorez les Jeep mais c’est un pick-up que vous voulez conduire? Avec le Gladiator, Jeep résout le dilemme… qui n’en est pas vraiment un pour les Européens.

En parcourant les rapports d’essai de la presse américaine, il ressort que la Jeep Gladiator est plutôt jugée comme une bonne voiture. Tout ce qu’un Wrangler peut faire, le Gladiator en est aussi capable, qu’il s’agisse des aptitudes au tout-terrain ou de la possibilité d’enlever le toit. Cependant, ce modèle est avant tout un pick-up, un genre très convoité sur le marché US. Les «Jeepers» convaincus peuvent enfin emporter un lit de cinq pieds derrière la double cabine lorsqu’ils partent en week-end hors des sentiers battus. 

Si les lecteurs de notre petite Helvétie restent indifférents à cet argument, on ne peut toutefois pas leur en vouloir. En Europe, les goûts et les  besoins sont très différents. Et pour cause: tout est bien plus étriqué ici. On ne trimballe pas un pont de chargement si l’on n’en a pas vraiment l’utilité. Et pour celui ou celle qui recherche effectivement une grosse capacité de transport, il reste encore à évaluer le Gladiator sous l’angle du budget. Un point qui apparaît vite rédhibitoire, coupant court aux louanges des journalistes d’outre-Atlantique. Mais passons plutôt à l’essai.

Surdimensionné 

De l’avis des nombreux fans de la marque, il était incompréhensible que Jeep n’ait pas construit de pick-up depuis l’arrêt de la production du Comanche voici bientôt 30 ans. Quoi de plus désirable, en effet, qu’un véhicule format XL, qui puisse cohabiter aux côtés d’un Wrangler? Le rêve est à nouveau réalité depuis 2019, avec ce Gladiator construit sur une base allongée de Wrangler. En Europe, il aura fallu attendre un peu plus longtemps, parce que ce n’est ni le marché de prédilection du Wrangler, ni celui des utilitaires à benne. Le Gladiator a finalement débarqué dans l’arène au début 2021. 

Le qualificatif «long» est un euphémisme, tant cet engin impressionne, selon nos standards. Il ne s’agit pourtant que d’un pick-up de taille moyenne aux Etats-Unis. Au moins cet encombrement sert-il partiellement le volume de la cabine qui, chose rare sur le segment, n’est proposée qu’en configuration quatre portes. Du pare-chocs avant jusqu’au montant C, la voiture reste donc pratiquement identique au Wrangler (Unlimited). Mais la greffe de la benne augmente notablement la longueur totale du véhicule, qui atteint 5,59 mètres! Autant dire que les manœuvres en ville deviennent périlleuses, et que la plupart des places de parc n’ont pas le format adéquat. Le faible diamètre de braquage (13,4 mètres) complique encore les choses. La faute à l’essieu arrière, reculé de près d’un demi-mètre par rapport au Wrangler. L’empattement du Gladiator atteint dès lors 3,49 mètres. 

Au moins, les passagers ont de l’espace à disposition. Comme dans le Wrangler, les cotes aux niveaux des jambes et du buste sont généreuses, à l’avant comme à l’arrière. Et ce même pour des adultes bien bâtis, bien que le confort aux places arrière soit détérioré par le positionnement trop vertical des dossiers. Ces derniers ont toutefois la bonne idée de pouvoir se rabattre (séparément selon un ratio 40:60) si l’on souhaite aménager un espace de chargement à l’abri des intempéries. Quant aux assises, indépendantes et relevables, elles dissimulent un compartiment à bagages fort pratique.

A l’extérieur, le pont de chargement mesure 1,53 mètre de long pour une largeur variant de 1,13 mètre entre les passages de roues à 1,45 mètre. Le volume de chargement représente ainsi un peu plus de 1,5 m3, ce qui paraît presque modeste au vu des abondantes mais trompeuses dimensions extérieures. En fin de compte, la benne du Gladiator n’est pas plus grande que celle d’un Ford Ranger ou d’un VW Amarok. Comme pour le Wrangler, la charge utile du Gladiator n’est donc certainement pas le motif principal d’achat. Mais question style, il fait des ravages! Surtout quand on s’amuse à le transformer en cabriolet, chose possible avec les deux variantes de toit proposées par Jeep: en toile ou en dur. Le premier se replie ou s’enlève en un tour de main avec un effet d’autant plus saisissant lorsqu’on s’amuse à démonter les portes et à rabattre le pare-brise. Quant au second, il peut s’ouvrir en deux parties. Grâce aux fermetures rapides, il est aussi possible de démonter les éléments au-dessus des sièges avant, à deux bras et en quelques minutes à peine. Avec quelques outils et un peu d’aide, on peut même le démonter complètement pour profiter de l’aventure en plein air.

Equipement haut de gamme

Repris lui aussi du Wrangler, l’agencement intérieur ne déroutera aucunement les habitués de la marque. Les sièges sont confortables et l’équipement se veut franchement haut de gamme pour ce type d’utilitaire. Les éléments en plastique brillent par leur aspect robuste et confèrent à cet intérieur une ambiance à la fois rustique et valorisante. Les amateurs de boutons, molettes et autres interrupteurs sont ravis, Jeep ne réservant la commande tactile qu’au seul moniteur central. Ce système d’infodivertissement Uconnect de dernière génération intègre notamment Android Auto (câblé) et Apple CarPlay. Les applications tout-terrain sont aussi de la partie, avec un inclinomètre et une caméra dédiée à la surveillance des obstacles. A l’évidence, le Gladiator est conçu pour affronter des terrains bien plus retors qu’un gentil chemin parsemé de gravier.

Paré pour la castagne

A l’instar du châssis, moteur et transmission ne font pas dans le tout-venant. En fait, le Gladiator dispose de presque tous les raffinements techniques du Wrangler. Outre le blocage longitudinal et transversal des arbres, il profite ainsi du réducteur de boîte et de la désolidarisation des barres stabilisatrices. Hormis les limites imposées par son empattement long, le Gladiator peut quasiment revendiquer les mêmes aptitudes en off-road que le Wrangler. Seule motorisation proposée par Jeep en Europe, le V6 turbodiesel 3 litres développe une puissance maximale de 194 kW (264 ch), qui n’a toutefois rien de débordante. Car les 2,4 tonnes à vide tempèrent un peu ses ardeurs. Néanmoins, le couple maximal de 600 Nm, disponible dès 1400 tr/min, est un allié précieux lorsqu’il s’agit de démarrer énergiquement ou de tracter un attelage, pouvant peser jusqu’à 3,5 tonnes. 

Malgré sa longueur, le Gladiator ne parvient que partiellement à masquer l’un des points faibles du Wrangler, à savoir son manque de stabilité en ligne droite. L’empattement allongé de près d’un demi-mètre gomme en partie ce défaut, mais sur route de campagne comme sur autoroute, le pick-up a toujours une tendance à louvoyer et impose des corrections permanentes au volant. Les pneus tout-terrain à gros blocs ne sont pas étrangers au phénomène, en raison de leur faible maintien latéral sur le goudron. En outre, ils sont bruyants et rehaussent encore le niveau sonore dans l’habitacle, déjà bien chahuté par les bruits d’air émanant de cette carrosserie bien peu aérodynamique. Jeep propose à cet égard, et en option, une isolation phonique supplémentaire pour le toit rigide.

Du fait de son positionnement tarifaire, le Gladiator se détache clairement du monde de l’utilitaire. Fixé à 66 500 francs, le prix de base inclut, certes, un riche équipement, mais les sièges sont en tissu. Bardé de quelques options, notre véhicule d’essai culmine à 78 900 francs. Et à ce tarif, on réfléchit à deux fois avant de poser les roues dans un bourbier ou de charger des briques dans la benne. Le Jeep Gladiator reste donc un pur modèle de niche. Avant lui, le Mercedes Classe X avait déjà démontré, par son échec commercial, l’inexistence d’une demande pour des pick-up premium en Europe.

RÉSULTATS

Note de la rédaction 76/100

moteur-boîte

Le Jeep Gladiator reprend la chaîne cinématique du Wrangler, y compris la boîte de réduction tout-terrain et le blocage de différentiel; il est en cela un véritable tout-terrain. Le diesel de 3 litres brille par son couple.

trains roulants

Remarquable en offroad, le Gladiator est à la traîne sur route. Le confort est rustique, mais un acheteur de ce genre de véhicule ne s’attend pas à avoir une Rolls-Royce entre les mains.  

Habitacle

L’intérieur est identique à celui du Wrangler. L’espace est généreux, notamment grâce à la banquette arrière modulable.  

Sécurité

Le comportement routier est aléatoire et les distances de freinage souffrent des pneus à crampons. La visibilité est médiocre. 

Budget

Avec un prix de base de 66 500 francs, le Gladiator ne se positionne pas comme un utilitaire, mais comme un véhicule dédié aux loisirs. 

Verdict 

Un Wrangler avec un surface de chargement, ainsi pourrait résumer le Gladiator. Le pick-up de Jeep est spacieux et brille hors des sentiers battus, mais qui a véritablement besoin de ces caractéristiques en Suisse? Pour cette raison, le Gladiator sera prisé par les acheteurs voulant se distinguer et prêts à débourser 75 000 francs pour un produit de niche. Il ne courra pas les rues, c’est sûr! 

Vous trouverez le fiche technique de ce modèle et les mesures effectuées par la RA dans la version imprimée et dans le e-paper.

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