La revanche du moteur deux temps

Bien que d’aucuns le considèrent comme obsolète, Mazda poursuit le développement du moteur à deux temps.

En proposant la technologie Skyactiv-X (photo) sur ses modèles de série, Mazda a démontré que de l’essence pouvait alimenter un moteur à auto-allumage. Le moteur à deux temps pousse le bouchon encore plus loin.

Il faut laisser au moins une chose aux Japonais: ils se battent sans relâche pour le moteur à combustion. Laissant carte blanche à leurs ingénieurs, les constructeurs automobiles nippons n’ont cessé d’innover, en présentant des solutions aussi innovantes qu’improbables. Là-bas, l’ingénierie se conçoit comme un art: on se bat pour réduire la consommation et les émissions de CO2 autant que possible, même si ce n’est que de quelques petits pourcents. Un exemple récent des avancées techniques en provenance du Pays du Soleil levant est le moteur Skyactiv-X. Ce propulseur développé par Mazda combine les avantages d’un moteur à auto-allumage (diesel) à ceux d’un «moulin» à allumage commandé (essence).

Plus récemment, la firme d’Hiroshima a concentré ses efforts sur une technologie qu’on croyait morte en usage automobile, le moteur deux temps. C’est du moins ce que laisse croire un brevet déposé par Mazda aux Etats-Unis. Si le dépôt d’un brevet ne signifie pas que l’invention aura un jour une application réelle – Mazda n’a rien laissé transparaître à ce sujet – la technologie semble suffisamment intéressante pour s’y attarder. 

A l’heure actuelle, dans le domaine de la mobilité, les moteurs deux temps ne sont utilisés que sur les deux-roues, sur des motos d’enduro et de cross. Dans ces disciplines, on sacrifie volontiers le contrôle des émissions de CO2 et des gaz polluants contre un encombrement réduit et un rendement énergétique plus élevé. Dans ces deux domaines, le moteur à deux temps est imbattable, grâce à sa légèreté et son efficience: il effectue un temps moteur – une combustion, donc – à chaque tour de vilebrequin, et pas seulement tous les deux tours, comme sur les moteurs à quatre temps.

A chaque problème, sa solution

Les moteurs deux temps traditionnels fonctionnent avec des canaux de transfert, qui permettent au mélange de pénétrer dans la chambre de combustion depuis le dessous du piston. Le mélange entrant pousse les gaz d’échappement brûlés à travers un canal de transfert, qui rejoint les conduits d’échappement. Etant donné qu’il existe un grand chevauchement des angles d’ouverture entre le canal d’admission et le canal d’échappement, situé en-dessous du piston, il est impossible d’éviter qu’une partie du mélange non brûlé ne s’échappe. Il semble dès lors impossible de respecter les normes en vigueur en matière de gaz d’échappement, en raison de cette combustion imparfaite.

Et pourtant, la solution existe bel et bien, et ce depuis plusieurs décennies déjà. Depuis la fin des années 1980 et l’invention de l’injection directe, l’essence n’est plus injectée dans le collecteur d’admission, mais bien dans la chambre de combustion, après la fermeture du canal d’échappement. Installée dans un moteur deux temps, une injection directe permet donc au carburant non brûlé de ne pas s’échapper. La difficulté réside dans la brièveté du temps d’injection disponible: les canaux d’échappement d’un moteur à deux temps ne sont totalement fermés que quelques degrés avant le point mort haut, l’allumage prend place environ 20 degrés après le point mort haut. A cet instant précis, l’air dans la chambre de combustion est alors déjà comprimé à 8 ou 10 bar; pour cette raison, l’injection n’a qu’une fenêtre temporelle extrêmement réduite pour survenir, à une forte pression.

A cela s’ajoute que les moteurs deux temps fonctionnent avec un mélange air-essence extrêmement pauvre. Cette caractéristique rend difficile la réduction des oxydes d’azote présents dans les gaz d’échappement; des normes strictes définissent la quantité maximale rejetable dans l’air. 

Dans les années 2000, le constructeur autrichien de motos KTM avait présenté une solution à ce problème en injectant du carburant dans les canaux de transfert. En injectant l’essence dans le sens contraire du flux d’air, on «brisait» les gouttelettes de carburant, ce qui améliorait la qualité de la combustion. Avec son nouveau projet, Mazda va encore plus loin, puisqu’il greffe au moteur deux-temps les avancées du moteur Skyactiv-X, en plus d’un compresseur entraîné par courroie et d’une commande variable des soupapes.

L’importance des temps de commande

Les soupapes sont disposées pratiquement à angle droit les unes par rapport aux autres. La soupape d’admission est positionnée verticalement dans la culasse, tandis que la valve d’échappement est disposée à l’horizontale. Lors du changement des gaz – c’est-à-dire à l’entrée et la sortie des gaz dans le cylindre – l’air frais s’écoule le long de la paroi du cylindre vers le bas, en direction du piston, où il se propage et remplit la chambre de combustion de bas en haut. Cette arrivée d’air pousse les gaz d’échappement de la précédente combustion hors du cylindre, via le canal d’échappement. 

Comme un moteur à deux temps ne dispose que d’un tour de vilebrequin pour accomplir ses quatre étapes de travail (admission, compression, combustion, échappement), la rapidité de la commande des soupapes est essentielle. La valve d’échappement s’ouvre toujours 10 degrés avant la soupape d’admission, et ce bien avant que le piston n’atteigne le point mort bas. Le mélange en expansion s’échappe ainsi déjà, ce qui crée une dépression dans le cylindre et favorise ainsi l’arrivée des gaz frais. La soupape d’échappement se ferme avant la soupape d’admission.

Comme pour le moteur à quatre temps, le taux de compression dépend des temps d’ouverture et de fermeture des soupapes. Dans le cas du moteur à deux temps de Mazda, c’est d’autant plus important que le moteur fonctionne selon les principes de l’auto-allumage et de l’allumage commandé (par la bougie). Le bon calage des arbres à cames joue donc un rôle prépondérant. Si les soupapes sont ouvertes et refermées tôt, la compression est plus élevée. A l’inverse, si elles sont ouvertes tard, elle est plus faible. Avec son Skyactiv-X, Mazda est le seul constructeur automobile à disposer d’un moteur à auto-allumage d’essence. A faible charge, la compression est augmentée, ce qui permet au mélange de s’enflammer spontanément. En cas de charge plus élevée, les soupapes s’ouvrent plus tard, la compression diminue et l’allumage se fait grâce à l’étincelle au niveau de la bougie, juste avant que le piston n’atteigne le point mort haut. Cela permet d’éviter le cliquetis du moteur.

Si l’on cumule l’important chevauchement entre les angles d’ouverture et la grande quantité d’air «poussée» par le compresseur à l’intérieur du cylindre, on peut supposer qu’une partie de l’air frais est aussitôt expulsée. Le moteur à deux temps de Mazda devrait donc, lui aussi, souffrir du problème des taux élevés d’oxyde d’azote en sortie. A moins que la firme d’Hiroshima n’ait entretemps résolu ce problème en disposant des pièges à NOX dans les échappements. On ne le saura probablement jamais, car il est peu probable que ce moteur à deux temps ait un jour les honneurs d’une production en série. On se réjouit de constater que, même cent ans après son invention, un constructeur d’envergure continue de croire en une technologie que certains donnaient pour morte.

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