Au milieu de la mêlée

Le Nissan Qashqai initiait le genre des «crossovers urbains» en 2006. Le segment s’est aujourd’hui généralisé, le SUV japonais est rentré dans le rang, mais reste une solide alternative.

Qui aurait parié, à la première mondiale en septembre 2006, que le Nissan Qashqai connaîtrait un succès tel qu’il changerait à ce point en profondeur l’industrie automobile? Personne, et sans doute pas même le président de la marque japonaise, un certain Carlos Ghosn. Oui, car l’impact de ce «crossover urbain» de segment C – le premier du genre – dépassera toutes les attentes: son succès phénoménal – il explosera les 100 000 ventes en quelques mois – inspirera toute la concurrence. Le segment des SUV, qui désignait jusqu’alors les véritables baroudeurs, s’élargira avec ces aventuriers douillets. Aujourd’hui, ils représentent plus d’une vente sur deux. A nos lecteurs de décider s’il faut remercier ou conspuer le Qashqai pour cela!

S’il pouvait compter en 2007 sur l’effet de surprise pour maintenir ses concurrents à distance, le Nissan Qashqai de troisième génération, dévoilé en 2021, ne peut compter plus que sur lui-même et doit sortir les griffes pour maintenir sa place. Innombrables sont les rivaux à se disputer le très juteux segment des SUV de catégorie C: d’après les chiffres de l’institut d’analyse de marché JATO dynamics, il s’est écoulé 2,34 millions de ces SUV en 2021 sur le Vieux Continent. C’est tout simplement le plus grand segment d’Europe, il n’y a dès lors rien d’étonnant à ce que chaque constructeur fourbisse ses armes.

Affûté, mais pas hypertrophié

Nissan a bien affûté son nouveau Qashqai, en commençant par le style. Les designers ont taillé au SUV japonais une robe tranchante, faite d’arêtes et de lignes aiguisées. Citons les très effilés projecteurs à LED comme l’un des éléments les plus saillants de cette parure. Comme ses concurrents, le dernier Qashqai s’étend davantage en longueur, mais sans exagération: il a grandi de six centimètres, pour atteindre 4,42 m. Les cadors du segment, les VW Tiguan et Hyundai Tucson, touchent la barre des 4,50 m. Toutefois, ce déficit de centimètres ne l’empêche pas d’offrir une habitabilité comparable à celle de ses rivaux directs. Deux adultes pourront confortablement prendre place à l’arrière et même l’occupant du centre n’aura pas l’impression d’être puni. Le conducteur et le passager avant pourront, eux, pavoiser avec des sièges chauffants, voire massants sur l’exécution haut de gamme Tekna+ (dès Fr. 44 900.–). En revanche, l’été venu, tout le monde collera sur les sièges en similicuir ou cuir (respectivement sur Tekna et Tekna+), car le Qashqai ne propose pas les sièges ventilés, contrairement au Hyundai Tucson. Le SUV japonais traîne derrière le coréen également concernant le volume de coffre, de tout juste 439 litres; ses principaux rivaux dépassent allègrement les 500 litres. Il n’y a pas de traces non plus des tirettes pratiques permettant de rabattre les dossiers de la banquette arrière à la force d’un seul doigt. 

Le coffre rattrape en partie les points perdus grâce à sa forme régulière et le double fond, caché sous un plancher amovible en deux parties. Carton rouge, par contre, pour la planche à chapeau, réalisée dans un matériau qui semble du papier mâché. C’est d’ailleurs l’un des rares faux pas de l’habitacle, pour l’aspect des matériaux; le Qashqai a fait, en comparaison avec son devancier, un grand bond en avant sur la qualité perçue et réelle. Nous pensons à la planche de bord, qui revêt des inserts en similicuir sur de larges étendues. Le tunnel central arbore, lui, un plastique noir à l’aspect flatteur – tant qu’il n’aura pas accumulé trop de traces de doigts. Le contraste entre cette pièce satinée et les porte-gobelets, à la texture rugueuse, est, hélas, malheureux. 

Intérieur en contrastes

En dépit de ces petites fausses notes, l’environnement intérieur paraît soigné et flatte les mirettes par des accents de modernité bien placés. Dans ce cadre, les écrans du tableau de bord (12,3″) et de l’infodivertissement (8 ou 9″) paraissent un brin anachroniques. Leur graphisme semble, en effet, daté, en raison d’une résolution assez pauvre et d’un choix de couleurs austères. Vous direz qu’on attend d’abord de ces écrans d’être fonctionnels, avant d’être beaux et vous aurez raison; là, le Nissan Qashqai se montre convaincant. Le système d’infodivertissement, débarrassé de tout chichi, «va droit au but» et exécute les ordres rapidement. C’est plutôt l’écran situé face au conducteur, qui nous causera quelques inconforts. Nous aurions, par exemple, préféré que l’affichage tête haute se règle via des touches dédiées; il faudra, à la place, creuser dans les trop nombreux sous-menus du tableau de bord. Le bilan «ergonomie» est toutefois rehaussé par le maintien de touches physiques pour la ventilation, à une époque où de plus en plus de constructeurs se fourvoient avec les très controversées – pour ne pas dire absurdes – surfaces tactiles. 

L’accessibilité des différentes commandes figure également parmi les points positifs, tout se trouve à portée de doigt ou de regard. Le mérite revient aussi à la très bonne position de conduite, ajustable au millimètre, grâce aux réglages électriques (de série sur Tekna). 

Nous voilà bien installés, prêts à réveiller le 1.3 turbo à hybridation légère. En attendant l’arrivée de la mouture électrique e-Power, ce bloc quatre-cylindres, décliné en deux niveaux de puissance (140 et 158 ch), est la seule motorisation disponible. Nous aurons droit pour ce test au plus vigoureux des deux, couplé à la transmission aux roues motrices avant (une variante 4×4 figure au catalogue). 

Efficience plutôt que caractère

Ce moteur, développé conjointement avec Mercedes, nous avait déjà convaincus par son caractère volontaire sur d’autres modèles du groupe Renault. En effet, grâce à ses 270 Nm de couple disponibles dès 1800 tr/min et jusqu’à 3750 tr/min, le Qashqai a la poigne nécessaire dans la zone la plus utilisée du compte-tours. Le 1.3 DIG-T ne paraît jamais démuni face aux 1511 kg à tracter, dans toutes les situations du quotidien. Ce n’est que sur les longues accélérations sur autoroute qu’il laissera apparaître quelques signes de faiblesse: avec 10 secondes relevées jusqu’à 100 km/h, le sprint n’est pas particulièrement brillant. Bruyant, en revanche, oui: c’est, en effet, lorsqu’on écrase la pédale de droite que les origines japonaises du Qashqai se rappelleront à notre bon souvenir, Nissan ayant opté pour une transmission à variation continue (CVT). Celles-ci ont, certes, l’avantage d’être plus efficientes, en optimisant la démultiplication pour une vitesse donnée. D’après nos relevés, les effets de la boîte CVT ne sont pas spectaculaires sur la consommation: le Qashqai 1.3 DIG-T a avalé 6.5 l/100 km sur notre parcours standardisé. Sur l’ensemble de notre essai, l’appétit s’est attesté à 7,2 l/100 km. Des scores honorables, en plein dans la moyenne de la catégorie. 

Toutefois, le véritable souci des boîtes CVT, c’est l’effet «pédalage dans la semoule», à forte charge. Le temps que l’électronique se démène pour trouver le bon ratio de transmission, le moteur s’impatientera en poussant des râles. Une fois la vitesse stabilisée, tout rentre dans l’ordre, le calme à bord n’est plus troublé que par quelques bruits aérodynamiques à 120 km/h. Les suspensions, en dépit d’un tarage un brin ferme, isolent correctement les occupants des déformations de la route. Cette définition des trains roulants signifie aussi que le Qashqai ne perdra pas toute contenance au moment d’affronter quelques virages; non seulement la direction se montre assez directe, mais il évitera de se «vautrer» dans les courbes, les mouvements de caisse étant bien jugulés. 

Aides inégales

Le Qashqai complète sa parure du «bon voyageur» par une batterie d’équipements généreuse pour le segment: aux habituelles aides à la conduite, Nissan y ajoute son «ProPilot». Sous ce nom, Nissan désigne un régulateur de vitesse adaptatif plus avancé… seulement sur le papier. Comme sur les segments supérieurs, le dispositif s’appuie sur des caméras qui liront les panneaux de circulation et sur les données du GPS pour afficher la bonne vitesse. Dans la pratique, malheureusement, le ProPilot a très – trop – souvent lu le mauvais panneau de limitation de vitesse, comme celui d’une sortie d’autoroute, alors que nous continuions sur les voies rapides. Résultat, le SUV japonais freinait brusquement, avec ce que ça implique comme danger potentiel. Pire, le système a, à plusieurs reprises, «sauté sur les freins», là où il n’y avait pas un seul panneau à la ronde! Hélas, en l’état actuel, le ProPilot (de série dès l’exécution Tekna) paraît encore immature et Nissan ne permet pas de le dissocier du régulateur de vitesse. Le constructeur nippon laisse heureusement la possibilité de désactiver l’aide au maintien de voie, qui a gêné certains essayeurs: ses interventions, de type «paternaliste», arrivent très tôt. Il faut ensuite une main ferme pour reprendre le contrôle. Certains apprécieront ce côté très préventif, d’autres moins. 

Ces imperfections sont contrebalancées par une politique tarifaire plutôt agressive, avec une liste de prix qui démarre à Fr. 29 400.– (Visia). Toutefois, l’exécution Visia est si dépouillée qu’elle n’intéressera que les flottes ou les loueurs de voitures. Ce n’est qu’à partir de la finition N-Connecta, dès Fr. 35 030.–, que le Nissan Qashqai devient véritablement appétissant. Saluons aussi la politique d’équipement très simple, qui évite les casse-têtes et les listes d’accessoires à rallonge, un travers très commun chez les constructeurs allemands. Prenez un Qashqai Tekna+ et vous n’aurez plus qu’à choisir la couleur, tout le reste, y compris le toit panoramique, est inclus. Certes, la douloureuse grimpe dans ce cas à Fr. 44 900.– au minimum, mais la facture reste environ 10% inférieure à celle d’un VW Tiguan équivalent. Ainsi, si le Qashqai ne peut plus compter sur son avantage de précurseur du genre, il reste une solide proposition au sein de la mêlée des SUV de segment C.

Résultats

Note de la rédaction 76/100

moteur-boîte

Grâce à son couple de 270 Nm, le Qashqai sera à l’aise dans toutes les situations. N’attendez pas, toutefois, de brûler l’asphalte avec les 158 ch.

trains roulants

Malgré son orientation «confort», le SUV japonais parvient à bien juguler les mouvements de caisse. 

Habitacle

Le Qashqai accueillera 5 personnes sans grand sacrifice, sauf pour leurs bagages. A part quelques faux pas, la qualité des matériaux convainc.

Sécurité

L’armada technologique est impressionnante, mais hélas, le régulateur de vitesse adaptatif reprend trop souvent les mauvaises limitations.

Budget

Pas de listes d’options à rallonge ici, tout fonctionne selon des lignes d’équipements. Clair, transparent et avantageux pour le client. 

Verdict 

S’il a perdu son avantage des «débuts», le Nissan Qashqai demeure, dans cette troisième itération, une proposition très séduisante, à mi-chemin entre habitabilité, confort et technologie. Son coffre n’est pas le plus généreux et sa boîte CVT en agacera certains, mais le SUV japonais sait faire les yeux doux avec une politique de prix agressive.

Vous trouverez le fiche technique de ce modèle et les mesures effectuées par la RA dans la version imprimée et dans le e-paper.

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