Vers l’infini, et au-delà

L’hypercar électrique Deus Vayanne a été présentée en première mondiale au Salon de New York en avril dernier. Nous avons rencontré à Vienne Adrian-Filip Butuca, le responsable du design de ce véhicule hors norme.

A l’instar de leurs homologues à moteur à combustion, les nouvelles hypercars tout électriques poussent très loin les performances et l’expérience de conduite. Elles dépassent même tout ce que l’on connaissait jusque-là, si l’on s’en réfère aux Tesla Model S Plaid de 750 kW, Pininfarina Battista de 1397 kW et Rimac Nevera de 1408 kW. Et voilà désormais un quatrième larron qui entend poser de nouveaux jalons: l’entreprise autrichienne Deus. Cette dernière signe un record de puissance avec la Vayanne, donnée pour 1670 kW. Considérant l’utilité de l’engin, ses arguments écologiques tiendraient tous cachés derrière une feuille de vigne; il n’en reste pas moins que les atouts de la propulsion électrique restent valables quelle que soit la voiture.

Vienne comme lieu de naissance

La nouveauté présentée le mois dernier au Jacob Javits Convention Center par le directeur général Dierk Schröder et le responsable du design a fait grand bruit. Cette Deus Vayanne promet, en effet, une puissance motrice et des performances routières absolument fantastiques. Rencontré à l’occasion du Symposium international des moteurs de Vienne, le designer en chef Adrian-Filip Butuca revient sur les spécificités de l’engin. D’origine roumaine, le Viennois de 23 ans est fan de voitures, de design et d’informatique. Il a ainsi concrétisé son rêve en fondant en 2020 la marque Deus dans la capitale autrichienne, avec son acolyte Schröder. 

Cette hypercar électrique est le résultat d’un travail acharné, de la première esquisse jusqu’au développement final. Baptisée Vayanne, l’auto rend hommage à sa ville natale, dans une phonétique à l’anglaise. Quant au nom Deus – Dieu en français –, il évoque l’esprit créateur et directeur à l’origine de tout projet. Pour finaliser la construction de la Vayanne, Deus a fait appel à des partenaires de renom, à savoir le carrossier Italdesign de Moncalieri et le spécialiste anglais de Formule E Williams Advanced Engineering, installé à Grove-Wantage près d’Oxford.

Trois mousquetaires pour un seul but

Italdesign et Williams travaillent ensemble depuis un certain temps déjà sur une plateforme polyvalente destinée à des voitures de sport électriques haute performance. La coopération avec Deus représente la facette la plus actuelle de l’interaction entre technique, design et émotion. Dyrr Ardash, responsable du partenariat stratégique chez Williams, et Marco Volpengo, chef de l’activité automobile Europe chez Italdesign, se sont montrés tous deux enthousiastes à l’égard du projet de l’hypercar autrichienne.

Fondée par le designer Giorgetto Giugiaro et l’ingénieur Aldo Mantovani, Italdesign peut faire valoir une expérience de plus de 50 ans  dans le développement de prototypes et de voitures de petite série. L’entreprise a été intégrée au groupe VW en 2010. Pour sa part, Williams Advanced Engineering est le leader mondial dans le développement de moteurs électriques haute performance pour la compétition. L’entreprise, créée en 2010 comme un département de Williams GP Engineering Limited, compte aujourd’hui 400 collaborateurs.

Traits de style caractéristiques 

«Le design n’est pas seulement une question d’apparence, c’est aussi la représentation de la doctrine d’une marque, de sa philosophie. Design et fonction doivent converger vers l’excellence, en intégrant la technologie électrique la plus récente», commente Adrian-Filip Butuca durant notre entretien dans le très élégant restaurant Lugeck, au centre de Vienne. De profil, la Vayanne rappelle, par ses proportions, les voitures de sport traditionnelles à moteur central. Le «huit couché», signe mathématique de l’infini, est un trait de style récurrent que l’on retrouve aussi bien à l’avant que sur la face arrière de la voiture. La présence d’une calandre extrêmement large présagerait plutôt d’une mécanique à combustion interne. Le designer explique ce choix délibéré: «La voiture devait avoir un aspect neutre. En effet, le risque, avec les voitures de sport électriques, c’est qu’elles finissent toutes par afficher un style commun, certes à la mode, mais interchangeable à volonté. Or, nous voulions plutôt donner à la Vayanne un design intemporel.» Ses phares en forme d’amande et ses ailes galbées sont aussi des traits caractéristiques du coupé autrichien. En outre, les grandes entrées d’air servent évidemment au système de refroidissement, mais elles participent simultanément à l’efficacité aérodynamique. Une illustration, si besoin était, de l’imbrication étroite entre design et ingénierie.

Le design de la Vayanne devait incarner les performances d’une hypercar, mais Butuca ne voulait pas pour autant négliger le côté pratique: «La garde au sol du véhicule peut varier entre 12 et 17 cm. Quant aux bagages, il y a un compartiment pour eux à l’avant et le coffre arrière peut accueillir un sac de golf.»

De vrais boutons!

Dans le cockpit, afin que le conducteur puisse se concentrer prioritairement sur la conduite et être distrait le moins possible, la plupart des commandes importantes font appel à des boutons physiques. L’écran tactile sur la console sert aux fonctions et réglages annexes. Le combiné d’instruments est numérique et trône derrière un volant rond normal, finalement préféré à l’idée initiale du joystick «Yoke». La surprise vient plutôt du sélecteur de marche coiffé d’une calotte en verre. Adrian-Filip Butuca nous fait remarquer quelques aspects marquants de l’intérieur, notamment les possibilités de rangement et le système «Active Sound» configurable, qui réduit drastiquement les bruits de roulement de la Vayanne.

Conformes à l’image écoresponsable véhiculée par la propulsion électrique, les matériaux durables trouvent une place de choix à l’intérieur. Ainsi, le cuir des sièges répond à des critères stricts de durabilité. Deux bandes de LED continues, couvertes sous un cache en plexiglas, courent tout autour de l’habitacle en reprenant le thème de l’infini. Selon l’angle de vue, leur aspect change grâce à la technologie «Halo-Infinity-Mirror»; les réflexions des diodes créent l’illusion d’un tunnel sans fin. 


Le designer en chef de Deus Adrian-Filip Butuca, âgé de 23 ans, a présenté au Salon de l’automobile de New York «sa» Vayanne.

Nonante-neuf pièces uniques prévues

Adrian-Filip Butuca explore les possibilités numériques de la conception 3D depuis l’âge de 14 ans. A 17 ans, il a fabriqué sa première voiture en modèle réduit en impression 3D. Après d’autres étapes de perfectionnement et l’acquisition de connaissances dans le domaine de la fabrication automobile, il peut être fier de la Deus Vayanne, son œuvre majeure. A peine présentée à New York en tant que concept-car, la Vayanne est déjà prête pour une fabrication en petite série. Italdesign pourrait en construire 99 exemplaires, tous uniques. Le designer de préciser l’idée: «Aucune configuration retenue ne sera éditée une seconde fois.» 

Indépendamment de l’équipement personnalisable, les trois machines électriques – deux à l’arrière, une à l’avant – confèrent à cette voiture une accélération digne d’un ouragan. Le défi était de transmettre les 2040 Nm et 1670 kW sur la route. La Vayanne, qui mesure 4,58 m de long et pèse 1810 kg, fait appel à ses quatre roues motrices pour y parvenir. Toutefois, si le besoin de puissance est faible, sa transmission intégrale entièrement variable ne sollicite que les roues arrière, ou que les roues avant. La batterie lithium-ions de 85 kWh, suffisante pour une autonomie de 500 km, peut être rechargée à 80% en 20 minutes grâce à une puissance de charge potentielle de 350 kW.

Reste à aborder la question du prix qui, reconnaissons-le, n’a qu’une incidence très relative pour une voiture qui a l’infini comme fil conducteur… Adrian-Filip Butuca évoque un tarif compris entre 2,5 et 3 millions d’euros. Quant aux premières livraisons, elles sont prévues pour 2025. La Deus biplace fera sa première apparition en Europe dans le parc de la Villa d’Este, à l’occasion du Concours d’élégance organisé du 20 au 22 mai. La première européenne officielle sera célébrée peu après, le 8 juin, à Monte-Carlo, en compagnie du prince Albert II de Monaco, passionné d’automobiles. Le bolide austro-italo-anglais fera ensuite une apparition au Battery Show le 20 juin à Stuttgart.

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