Vers une nouvelle ère

Avec le Tonale, Alfa Romeo fait sa méta­morphose vers l’électrification et les technologies numériques. Le dynamisme? Oui, mais juste ce qu’il faut, sans exceller.

C’est le plus rapide de son segment, et même au-delà», assène Daniel Guzzafame, responsable des produits pour Alfa Romeo. Vante-t-il le 0 à 100 km/h du Tonale? Pas vraiment: l’ingénieur italien chante les louanges du nouveau système d’infodivertissement du SUV milanais, dont la puissance de calcul a fait un bond en avant. A cet instant précis, nous mesurons à quel point le 24 juin 2015, où la Giulia Quadrifoglio fut dévoilée, est loin. A cette époque pas si lointaine, les hommes du Biscione – menés par Sergio Marchionne – célébraient plutôt le rapport poids-puissance ou l’équilibre des masses. Alfa Romeo a malheureusement réalisé à ses dépens que l’excellente dynamique seule ne booste pas les ventes, comme en attestent les ventes modestes des Giulia et Stelvio. Le public veut, de surcroît, des écrans fins et rapides, de la connectivité tous azimuts, de la qualité et des aides à la conduite en pagaille. Le message a bien été entendu par les hommes d’Alfa Romeo, qui vont donner aux clients ce qu’ils attendent: le Tonale embarquera tous les «gadgets indispensables» en matière de technologie numérique – dont une première, un certificat NFT. Ce «Non Fungible Token» ou «Jeton Non Fongible» se veut le passeport numérique et infalsifiable de l’auto: il contiendra la configuration exacte de l’auto à sa sortie d’usine et chaque opération de maintenance et la technologie blockchain assurera son authenticité. 

«NFT», «blockchain», à ce point de l’article, les Alfistes de l’ancienne garde seront tentés d’arrêter la lecture. Pas si vite, Jean-Philippe Imparato – PDG de la marque, qui clame appartenir à cette tribu d’irréductibles – se veut rassurant: «Je vends des Alfa Romeo, pas des iPads avec une voiture autour», a-t-il rappelé. Pour que le Tonale soit digne de son badge, le gotha d’Alfa Romeo a confié à Domenico Bagnasco le peaufinage des trains roulants. L’ingénieur – qui a mis au point les 8C Competizione, 4C et Giulia GTA/GTAm –, avait un défi devant lui: tirer une «vraie Alfa Romeo» à partir de la plateforme Small Wide de Stellantis (Fiat 500X, Jeep Renegade et Compass). La cure «Bagnasco» a consisté dans l’optimisation des angles des bras de suspensions et la rigidification des supports de suspensions; à l’arrière, l’ingénieur a aussi logé une traverse métallique entre les dômes de suspension (au niveau du plancher) pour accroître la rigidité de la structure. Domenico Bagnasco s’évertuera à nous prouver, moult graphiques à l’appui, que le Tonale fait mieux que son plus proche rival (sans le nommer) dans tous les domaines. 

Plus qu’une hybridation légère

Avant de vérifier si ces courbes disent vrai, faisons d’abord un détour par la salle des machines. Pour ce premier pas vers l’électrification, les ingénieurs d’Alfa Romeo ont greffé un alterno-démarreur et un moteur électrique à un quatre-cylindres de 1,5-litre turbo. L’architecture ressemble à celle d’une hybridation légère, mais les 15 kW du moteur électrique et les 0,77 kWh de la batterie sont trop costauds pour une appellation «mild hybrid». D’autant plus que le moteur électrique est capable de déplacer seul le Tonale, sur les premiers tours de roue ou à faible allure. Notons enfin que cette motorisation se décline au lancement en deux niveaux de puissance, 130 et 160 ch; une variante hybride rechargeable de 275 ch complètera l’offre dans un second temps. 

Alfa Romeo nous a invité sur les rives du lac de Côme pour mettre à l’épreuve le Tonale. Le Biscione n’a amené que des variantes à 160 chevaux, plus aptes à se défaire des lacets de l’itinéraire. Avant d’empoigner le volant, nous inspectons si la promesse de qualité – moult fois assénée par Jean-Philippe Imparato – a été tenue. Les matériaux, à la texture agréable au toucher et au regard, ne font pas mentir le grand patron d’Alfa. La planche de bord – rehaussée par un insert rétroéclairé (cinq couleurs au choix) séduit aussi par son effet tridimensionnel et son ergonomie; des nombreuses touches physiques sont heureusement encore présentes. Hélas, en baissant le regard, on déniche des plastiques quelconques, un cran en-dessous de ce qu’on trouve sur les concurrentes allemandes premium. Les designers vous inviteront plutôt à garder les yeux en hauteur, sur l’écran de 10,25″. La lucarne flottante marque effectivement une avancée notable en matière de réactivité et graphisme. Le tableau de bord est aussi, pour la première fois sur une Alfa Romeo, entièrement numérique (12,3″). 

Dynamique, leste, mais pas très sportif

Le démarrage se fait sur la pointe des pieds, le Tonale s’élançant dans le trafic à la force électrique. Le moteur thermique fait vite son entrée en scène, sans grand fracas; les transitions entre les deux propulseurs sont quasi imperceptibles. Dans les embouteillages de Como, l’entente entre les deux unités permet une conduite en souplesse, même si la boîte de vitesses hésite parfois longtemps avant d’engager le rapport supérieur. L’asphalte fracturé du centre-ville trahit la définition ferme des suspensions, mais pas cassante; les amortisseurs adaptatifs (en option) apporteront un surcroît de confort. 

Toutefois, c’est dans les tournants des collines surplombant le lac de Côme que le Tonale peut démontrer s’il est bien une «vraie» Alfa Romeo. Les mouvements de caisse sont bien maîtrisés, le SUV Compact se dandine dans les virages avec un allant remarquable. L’entrée en courbe charme également par son côté incisif, aussi par la grâce d’une direction légère et directe. La pédale de frein, malgré la présence d’un freinage régénératif, convainc par un ressenti quasi naturel. Le Tonale se pose comme les propositions les plus dynamiques du segment, à n’en pas douter. On ne peut néanmoins pas affirmer l’existence d’un fossé avec ses concurrents; le Stelvio, dans son segment respectif, a nettement plus marqué sa supériorité dynamique. A cela s’ajoute que le groupe motopropulseur du Tonale, même dans la modalité «Dynamic», réagit très lentement aux fortes sollicitations de l’accélérateur: l’impression est que la chaîne cinématique n’aime pas rétrograder d’un ou deux rapports et invoquer la puissance électrique tout à la fois; le retard du turbo n’arrange rien. Une fois lancé, le 1.5-l turbo a bien assez de ses 160 ch et 240 Nm pour déplacer le Tonale au quotidien, mais il faudra renoncer aux ambitions sportives – ce qui est normal, avec une telle cavalerie. Est-ce que ça en fait pour autant une mauvaise Alfa Romeo? Non, mais nous avons l’impression que la flamme qui avait jailli avec les Giulia et Stelvio s’est affaiblie. Le Tonale, spacieux, au style avenant, bien équipé et dynamique, est une alternative convaincante dans le segment des SUV Compact. Une de plus.

Fin du thermique

Giovanni Busso, «papa» du célèbre V6 qui a équipé les Alfa Romeo entre 1979 et 2005, s’est peut-être retourné dans sa tombe: le Biscione ne comptera plus que des propulseurs électriques dans sa palette, à partir de 2027. C’est Jean-Philippe Imparato, directeur général d’Alfa Romeo, qui l’a révélé, dans le cadre de la présentation du Tonale. Ce plan porte le nom évocateur de «0 to 0», de zéro à zéro: il faut comprendre que le Biscione passera de zéro modèles électrifiés, comme c’est le cas aujourd’hui, à zéro émission de CO2, en 2027. 

Le premier maillon de cette chaîne sera le Tonale PHEV, lancé en 2023. Alfa Romeo mettra sur route son premier véhicule 100% électrique en 2024. Une année plus tard, le Biscione lancera une première voiture électrique sur plateforme entièrement dédiée; la technologie 800 volts sera employée et le Biscione devrait être la première marque du groupe Stellantis à étrenner cette architecture.Les modèles thermiques disparaîtront ainsi peu à peu, laissant la place à leur pendant électrique, jusqu’en 2027. 

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