Le plein d’émotions

Nouveau rallye proposé par l’équipe de H.A. Bichsel, le Belmot Raid Suisse a connu sa ­première édition. La RA a vécu cette aventure à bord d’une Citroën DS 21. Chaud devant!

Grande première pour les organisateurs du Raid. Si son fondateur, H.A. Bichsel, et son équipe disposent d’une expérience dans la préparation de rallyes de plus de 30 ans, le Raid Suisse qui s’est déroulé les 21 et 22 mai derniers était inédit. Après l’historique Suisse-Paris, puis le WinterRaid apparu il y a 16 ans, de nouveaux rallyes sont venus s’ajouter à l’offre du Raid, dont ce petit dernier. Court mais intense, il est tout à fait indiqué pour ceux qui veulent s’initier à la conduite au «roadbook», chronomètre et… porte-bonheur. L’action se situe entièrement en Suisse, sur deux jours et environ 500 kilomètres et – c’est également une nouveauté pour un rallye du Raid – la possibilité était donnée de rentrer dormir chez soi ou de choisir un autre hôtel plutôt que celui compris dans le «package». Ainsi, tout a été fait pour convaincre ceux qui hésitaient à se lancer dans une aventure plus longue et plus chère. «Nous avons voulu rendre cet événement plus accessible, notamment grâce à un tarif plus attractif. Cela permettait d’attirer un public plus jeune, qui n’a pas forcément beaucoup de temps ni de moyens à disposition», confie Julie Schmitt, la codirectrice du Raid. 

Dans ce même objectif, il a été décidé d’inclure les voitures plus récentes, dont la limite a été fixée aux autos ayant au moins 20 ans. Toutefois, ceux qui ne possèdent ni oldtimer ni youngtimer peuvent participer avec un modèle moins ancien, mais écoperont de quelques points de pénalité avant même le départ. Cependant, cela n’a que peu d’importance pour la plupart des passionnés inscrits à cette course de régularité, car le but est de prendre du plaisir à sillonner des routes inconnues et de se retrouver entre amateurs de conduite et de belles mécaniques. La Revue Automobile a été conviée à vivre ce rallye de l’intérieur, et deux intrépides débutants en la matière au sein de la rédaction se sont donc jetés à l’eau. Avant cela, il a d’abord fallu trouver la monture qui nous emmènera par monts et par vaux de Pratteln (BS) à Kemptthal (ZH). Une énième Porsche (il y en a eu douze dans le classement final)? Non, nous avons misé sur l’originalité en optant pour une Citroën – la seule du plateau – DS 21 de 1967. Le modèle a bien remporté le Monte-Carlo et le Tour de Corse dans les années 1950-60, non? Et quitte à passer un week-end sur la route, autant que la voiture soit confortable!

La Revue Automobile a pris part à ce rallye avec une DS 21 de 1967. A part une Bugatti Type 44 de 1931, c’était la seule française de la course. Pourtant, ce choix s’est révélé excellent!

Ça commence fort

Le samedi matin, le rendez-vous est donné au centre Mercedes-Benz Classic Kestenholz, à Pratteln, dans le canton de Bâle. Rapide contrôle technique (phares, clignotants) de la part des commissaires de course, puis vient la séance de travaux manuels: coller notre numéro de participant aux quatre coins de l’auto. Ah, si les choses pouvaient continuer d’être aussi simples, mais cela se complique déjà dès le briefing. Les instructions concernant le déroulement des deux journées à venir sonnent comme du charabia à nos oreilles. Nous téléchargeons en hâte une application qui fera de notre smartphone un «tripmaster» de fortune, outil presque indispensable pour indiquer le chemin parcouru entre chacun des points du «roadbook», indiqués à la dizaine de mètres près. Pour couronner le tout, les organisateurs ont corsé l’affaire avec des pages en «miroir», où les indications sont inversées ainsi que des «quiz», lors desquels il faudra repérer des chiffres en bord de route (sur un panneau de signalisation par exemple) qui permettront au copilote de calculer la vitesse moyenne de l’épreuve spéciale. Autant dire que ce n’est pas gagné d’avance…

Toutefois, nous n’avons pas le temps de nous préoccuper de ce qui nous attend, car le rallye commence fort, avec une première «épreuve des tuyaux» dès le départ! Le but? Parcourir un trajet entre deux tuyaux en 60 secondes. Cela peut sembler simple au premier abord, mais ça ne l’est pas, d’autant plus qu’une épreuve dans l’épreuve était prévue. En effet, à l’intérieur de ce parcours en «S» où il fallait de surcroît zigzaguer entre des cônes, un second temps devait être respecté, de 35 secondes. Gauche, droite, gauche, droite, la DS fait crisser ses pneus à hauts flancs blancs. Etonnante de dynamisme, la vénérable dame de 55 ans s’en sort mieux que ce que l’on aurait pu imaginer. Certes, sa longueur et sa direction donnant peu de retours nous handicapent un peu sur ce genre d’épreuves, mais elle ne se vautre pas d’un côté à l’autre. Elle nous montre qu’elle est mieux préparée que nous pour ce qui nous attend! 

Après cette mise en jambes plutôt sportive, nous mettons le cap vers la destination de la première étape qui nous mène à Langenthal. Nous commençons petit à petit à comprendre comment naviguer, même s’il faut l’avouer, rouler sur les traces des participants qui nous précèdent a parfois facilité notre tâche… jusqu’à Langenbruck. Impossible de trouver la direction qui figure dans le «roadbook». On tourne, on tourne, mais rien. Nous décidons de sauter cette étape pour rallier le point suivant en prenant le trajet indiqué par le GPS. Après un détour qui nous a fait perdre du temps, nous retrouvons notre chemin et reprenons confiance. Cela ne nous empêchera pas d’arriver après tout le monde à l’hôtel Meilenstein pour la pause repas, dans lequel se trouve un musée automobile où d’exceptionnelles Formule 1 sont exposées. Nous rencontrons l’équipage de la Mercedes 220 SE cabriolet de 1964 pilotée par Andreas Oeri, accompagné de deux compères. Ils semblent moins stressés que nous. «Normal, cela doit être notre quinzième rallye!» dit le copilote Pierre Jaccoud. Hop, un café et le trio repart alors que nous n’avons toujours pas fini de casser la croûte. 

Nous remettons le contact direction Grindelwald. Vient désormais le moment des «quiz». Heureusement, pour l’un d’entre eux (il fallait relever le numéro d’une ferme), une dame se tient au bord de la route et crie aux participants «Numéro 2!». Cela montre aussi à quel point les passants appréciaient la caravane de voitures anciennes qui passait près de chez eux, par exemple en se tenant au balcon et en prenant des photos. 

Les bucoliques routes que nous empruntons sont certes magnifiques, mais elles se méritent. Avant d’arriver à Interlaken, proche de l’arrivée du jour, nous devons affronter les montées parfois rudes comme à Sigriswil. Le deuxième rapport fait trop mouliner le 4-cylindres et le troisième pas suffisamment. Notre DS n’apprécie pas vraiment l’exercice et nous le signale avec son aiguille de température qui flirte avec la zone rouge. Faudrait-il lâcher du lest et faire passer par-dessus bord les bidons d’huile moteur, de liquide LHM pour la suspension hydropneumatique, d’eau et d’essence pris par précaution? Le sommet arrive et la descente permet de faire baisser la température, tant celle du moteur que de l’équipage. Une nuit de repos à Grindelwald, face à l’Eiger, fera le plus grand bien à tous.

Suspension sport et sièges pour bébés

Le second jour, la route s’annonce encore plus belle, mais aussi plus exigeante pour les participants. Nous serpentons autour des eaux turquoise du lac de Brienz avant d’entamer l’ascension du col du Brünig. Montées et descentes s’enchaîneront lors de cette étape, la plus longue du week-end avec 152,85 km très précisément. Nous devrons nous frayer un chemin au travers d’un troupeau de vaches curieuses de voir une DS rouge en l’inspectant consciencieusement (c’était le second contrôle technique) ou laisser traverser une poule très sûre de son bon droit. Les petites routes demandent une grande attention, car beaucoup ne sont pas beaucoup plus larges que la voiture. Le chemin est donc beau, mais éprouvant, et l’arrivée au restaurant à Herlisberg permet de reprendre des forces. A table, l’équipage de l’Alfa Romeo 75 turbo se dépêche de manger avant de réinstaller les enfants dans les sièges pour bébés afin d’être prêts pour le départ. Oui, dans la famille Estermann, c’est avec les trois enfants en bas âge à l’arrière que l’on parcourt les spéciales de rallye. Alors? «Ils dorment presque tout du long, malgré les suspensions sport!» lance Dominic Estermann, le père de ces champions de rallye en herbe. 

La dernière étape sillonne des paysages époustouflants d’authenticité. Pour la plupart des participants, même ceux de la région, ce sont des endroits totalement inconnus. Le but des organisateurs du Raid Suisse est donc atteint, car ils ont réussi à faire redécouvrir leur pays aux locaux. C’est, par exemple, ce que cherchait le couple Herter, à bord de leur MGB: «Les endroits visités sont sublimes, mais nous étions trop concentrés pour les admirer. Nous avons ce roadster depuis 40 ans, mais c’est notre premier rallye!» nous confie Hans Ulrich Herter. Tous semblent avoir pris beaucoup de plaisir, comme nous avons pu le constater au Motorworld de Kemptthal, où a eu lieu l’apéritif et la remise des prix. Même les rares à avoir connu une panne (seuls 7 abandons) ont pleinement profité, comme le couple d’Alsaciens Jean-Jacques et Béatrice Kielwasser. Victimes d’un démarreur capricieux samedi à la mi-journée sur leur Bugatti type 44 de 1931, ils sont rentrés chez eux pour chercher leur Alpine dernier cri afin de poursuivre le rallye (!). Le propriétaire est philosophe et bon vivant: «C’est arrivé bien qu’elle ait passé huit mois au garage pour divers travaux. C’était son premier long trajet depuis. Tant pis, on essaiera une autre fois. Cette voiture, elle est faite pour rouler. Quand je suis au volant, je suis heureux, je n’ai pas peur qu’il lui arrive quelque chose sur la route, pour cela il y a des assurances. C’est un bonheur que de pouvoir rouler avec», dit Jean-Jacques Kielwasser, qui avait décidé de ne pas prendre part aux épreuves des tuyaux, préférant profiter du trajet sans concourir, juste pour le plaisir. 

Cette première édition du Raid Suisse a visiblement convaincu, tant les équipages que les organisateurs. Signe positif pour le milieu de la voiture ancienne, l’événement a connu un grand véritable engouement: «Nous avons dû refuser des inscriptions. Plus il y a de participants, plus les temps d’attente s’allongent et moins c’est agréable», explique la codirectrice du Raid Julie Schmitt. Vous êtes donc prévenus: si vous voulez aussi vivre cette belle expérience l’an prochain, il faudra vous inscrire sans tarder!

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