La décision du Conseil fédéral simplifiera la mise en place de zones 30 km/h: sur les routes ayant un faible volume de trafic, il ne sera pas nécessaire de commander une expertise prouvant l’utilité d’une baisse de le limite de vitesse. Dès lors, faut-il s’attendre à une explosion des zones 30 km/ h à travers le pays? Une enquête montre que les villes procèdent chacune à leur manière pour la mise en œuvre.
Lausanne prend les devants
Lausanne reste la pionnière des zones 30. Dans le chef-lieu vaudois, la vitesse est limitée à 30 km/h la nuit entre 22 h et 6 h du matin, depuis la mi-septembre 2021. Cela concerne toutes les routes principales, à l’exception des routes d’accès au centre-ville, depuis les sorties d’autoroute. Interrogé à ce sujet, le service de la mobilité et du développement de l’espace public de la ville de Lausanne indique qu’environ 85% des automobilistes respectent la vitesse prescrite de 30 km/h et que seuls 0,6% roulent à plus de 50 km/h (y compris les véhicules à gyrophare). Selon les autorités lausannoises, les réactions de la population sont jusqu’à présent majoritairement favorables.
On compte à Lausanne 151 zones 30 km/h, soit 62% du territoire communal (sans les grands axes de circulation). Et ce n’est pas fini, car la Ville aimerait en créer d’autres, mais elle doit d’abord trouver une façon de contourner l’obligation de garder le 50 km/h sur les axes affectés à la circulation générale. Les autorités de la ville veulent encore jouer la carte de la pollution excessive, au sens de la législation sur la protection de l’environnement, pour faire baisser la vitesse. La Ville de Lausanne s’appuie sur des études démontrant l’impact négatif du bruit sur la santé; c’est forte de cet argumentaire qu’elle veut introduire le 30 km/h non seulement la nuit, mais aussi le jour. Ces zones 30 km/h ne font pas le bonheur de tout le monde, mais une tentative de renverser la situation, via une pétition, n’a pas passé la rampe du Grand Conseil vaudois cet été.
A Zurich, c’est 30 km/h partout
A l’autre bout de la Suisse, à Zurich, le service des travaux publics de la Ville a choisi d’étendre le 30 km/h à presque toutes les rues, y compris sur les rues affectées à la circulation générale (rues principales), d’ici 2030 environ. Vu que l’expertise n’est plus nécessaire, la Ville a désormais une voie royale pour exécuter son plan.
A Bâle, il existe déjà environ 80 zones 30 km/h sur les routes non affectées à la circulation générale. Sur les routes à forte circulation, la vitesse est en revanche souvent limitée à 50 km/h, nous dit l’Office de la mobilité du canton de Bâle-Ville. Des expertises sont faites sur une centaine d’axes principaux pour déterminer si un abaissement de la vitesse limite à 30 km/h est possible. Sur dix autres tronçons non orientés vers le trafic, il est prévu d’introduire la vitesse de 30 km/h. Certes, là, l’expertise n’est plus obligatoire mais il faut un document écrit, qui motive la démarche. Les recours sont toujours possibles.
A Berne, le service de planification du trafic affirme que la vitesse de 30 km/h, voire de 20 km/h, est déjà en vigueur sur toutes les routes peu fréquentées et qu’aucun changement majeur n’est à prévoir. L’introduction du 30 km/h sur les routes à orientation trafic est toutefois à l’étude, avec des expertises à la clé.
Trouver le juste milieu
Le Bureau de prévention des accidents (BPA) est sur la même ligne que les villes interrogées: pour l’organisme, le 30 km/h est un modèle d’avenir. Toutefois, le BPA estime que les choses pourraient aller encore plus vite si les obstacles juridiques contre le 30 km/h pouvaient être réduits. L’organisme ajoute que le 30 km/h devrait aussi être autorisé sur les axes principaux, mais seulement là où la sécurité routière l’exige.
La Litra (Service d’information pour les transports publics) voit les choses différemment. Pour son président et conseiller national (centre/GR), Martin Candinas, une introduction générale de la vitesse à 30 km/h sur les axes principaux des villes et des agglomérations aura un effet négatif sur l’utilisation des transports publics. Les trams et les bus perdraient leur attractivité pour les usagers, ce qui entraînerait un transfert vers d’autres moyens de transport, à moins que des mesures préférentielles (priorité aux feux, voies réservées, suppression de la priorité de droite) ne soient prises en leur faveur. Les résultats d’un sondage représentatif de décembre 2021, commandé par le TCS, montrent aussi que 68% des Suisses rejettent l’introduction générale d’une vitesse de 30 km/h dans les localités. Toutefois, le débat ne se situe peut-être déjà plus au niveau du peuple, car le 30 km/h s’impose de lui-même, à une époque où la sensibilité pour l’environnement est forte. Est-il possible de stopper, voire inverser cette tendance? Certainement pas, reste à savoir si cela poussera les entreprises à quitter les villes, devenues moins attractives.
Le 50 km/h pas encore détrôné
Donc, bien que le Conseil fédéral confirme dans sa dernière déclaration que la vitesse restera en principe de 50 km/h sur les routes affectées à la circulation générale à l’intérieur des localités et que les conditions actuelles de réduction de la vitesse doivent être respectées (art. 108 al.2 de l’ordonnance sur la signalisation routière OSR), le 30 km/h gagne du terrain dans les villes suisses. Y compris sur les axes principaux.