Sur circuit, la nouvelle Porsche 911 GT3 RS a tôt fait de transformer son conducteur en véritable pilote chevronné. Enfin, c’est du moins ce que ledit conducteur croira jusqu’à ce qu’il prenne place aux côtés d’un vrai pilote comme l’est Timo Bernhard, entre autres double champion du monde d’Endurance. Au volant de la Porsche, il en met tellement plein la vue qu’il fait entrer la sportive dans une toute nouvelle dimension. Oui, la GT3 RS peut aller bien plus loin que là où monsieur Tout-le-monde l’emmènera. Néanmoins, ce qui caractérise aussi une Porsche, et ce même si elle est ultra-radicale, c’est qu’elle peut aussi être conduite sur la route, tranquillement. Au contraire d’une KTM X-Bow GT-XR par exemple, les RS permettaient jadis d’aller chercher les petits pains le dimanche matin. Qu’en est-il de cette nouvelle mouture?
Bien évidemment, c’est sur circuit – ou du moins dans les virages rapides, voire très rapides – que la RS se comporte le mieux. Un constat qui amène directement au thème de l’aérodynamisme. En automobile, les constructeurs aiment utiliser l’expression «form follows function», soit, «la forme suit la fonction». Néanmoins, peu nombreuses sont les marques à véritablement appliquer cette philosophie sur leurs produits. Sur sa GT3 RS, Porsche a poussé à son paroxysme cette maxime, en modifiant de fond en comble sa carrosserie. Certes, l’élégance et la discrétion ne sont pas au rendez-vous, mais qui s’en soucie? Radicale, la GT3 RS a été pensée pour maximiser son adhérence par le biais d’une déportance accrue. En l’occurrence, la RS produit au maximum 860 kg d’appui, soit plus du double de sa prédécesseure, la 991 GT3 RS. Ce n’est pas tout, pour contenir le poids de l’engin, les ingénieurs ont utilisé du carbone partout où c’était possible. Ainsi, les portes, les ailes avant, le toit et bien sûr l’aileron sont constitués de ce matériau. En conséquence, la Porsche ne pèse pas plus de 1450 kg à vide.
Tout est réglable
Il serait sans doute possible d’écrire un article entier sur les astuces aérodynamiques utilisées par Porsche sur la GT3 RS. Néanmoins, elles ont déjà été expliquées dans un précédent papier. C’est pourquoi nous nous contenterons de rappeler l’essentiel en quelques mots: splitters avant spécifiques, sideblades retravaillés, ailettes sur le toit, flaps actifs et bien sûr, à l’arrière, un énorme aileron positionné plus haut que le toit. A l’avant, l’élément le plus important est le nouveau radiateur central. Disposé à la place du coffre, il permet non seulement d’améliorer la capacité de refroidissement, mais aussi de créer de l’espace pour intégrer les éléments aérodynamiques actifs. «Un rêve d’ingénieur», résume l’aérodynamicien Mathias Roll.
Suspendu par des supports en forme de col de cygne, l’aileron arrière est actif puisqu’il est doté du «Drag Reduction System» (DRS), une fonctionnalité bien connue en Formule 1, mais inédite sur une voiture de route. Aileron «replié», la RS atteint une vitesse de pointe de 296 km/h, une valeur nettement moins élevée que les 318 km/h promis par la GT3. Ce phénomène s’explique par l’étagement plus court de la boîte de vitesses à double embrayage et sept rapports. Aileron «déployé», la GT3 RS est capable de rouler jusqu’à 260 km/h environ. Néanmoins, ce n’est pas vraiment cette valeur-là qui est importante. Ce qui fait de la 911 GT3 RS un véhicule vraiment à part, c’est sa capacité à négocier les virages ultra-rapidement. C’est d’ailleurs ce qui a été constaté sur le circuit de Silverstone, où a eu lieu la présentation officielle de l’auto. Inspirant d’emblée une grande confiance, la sportive de Zuffenhausen se comporte comme si elle était sur des rails. Cela dit, elle ne supporte pas vraiment les conducteurs hésitants. Ainsi mieux ne vaut-il pas complètement lâcher les gaz à l’entrée, ou pire encore, dans un virage car cela a pour effet de perturber le flux d’air et donc de diminuer l’appui aérodynamique. De manière générale, la plus sportive des 911 se comporte de manière neutre. Et bien évidemment, lorsqu’elle est poussée dans ses retranchements, comme Timo Bernhard en est capable, la 911 peut se montrer très amusante à piloter.
Le pilote chevronné comprendra assez vite comment fonctionne la RS. En l’occurrence, l’allemande ne se comportera jamais en diva, comme peuvent le faire certaines voitures de sport britanniques ou italiennes. Et si elle se révèle tout de même trop joueuse aux yeux de certains, il suffira de tourner l’une des quatre molettes afin de l’assagir. Outre les modes de conduite, il est aussi possible de régler séparément et sur plusieurs niveaux la compression et la détente des amortisseurs sur les essieux avant et arrière ainsi que le comportement du blocage de différentiel. Ce n’est pas tout, le contrôle de traction peut également être réglé, et ce sur sept paliers différents. Voilà qui permet d’adapter efficacement les réglages aux conditions de roulage ou aux préférences du conducteur. C’est d’ailleurs ce qu’il nous a été donné de réaliser: à Silverstone, lors de notre premier relais, l’essieu arrière, trop dur, se montrait un peu nerveux en sortie de virage. Dix secondes et un ajustement plus tard, la voiture virait à plat, comme sur un billard. Impressionnant!
Un flat-6 sensationnel
Capable de propulser la GT3 RS de 0 à 100 km/h en 3,2 secondes, le 6-cylindres à plat 4.0 atmosphérique est un moulin bien connu. Globalement identique au moteur installé dans la GT3 normale, il profite néanmoins de nouvelles culasses dotées d’arbres à cames au profil plus agressif. Voilà qui a pour conséquence d’améliorer le flux d’air et donc d’augmenter la puissance; là où la GT3 développe 375 kW (510 ch), la RS en lâche 386 kW (525 ch). Evidemment, le 4.0 a besoin de beaucoup de tours pour déployer cette cavalerie puisque la puissance maximale est atteinte à 8400 tr/min. Quant au régime maximal, il est de 9000 tr/min. Assourdissant mais sensationnel et magnifique! Des adjectifs également valables pour décrire la tenue de route, laquelle peut compter sur des voies élargies (AV: 1630 mm; AR: 1582 mm) et de pneus larges.
Réputée pour sa grande expérience en matière de freinage, Porsche permet à sa GT3 des freinages puissants et donc tardifs comme l’a montré Bernhard sur le tracé de Silverstone. Merci aux étriers fixes en aluminium et à leurs six pistons! A noter que les disques en céramique ne sont pas proposés de série mais restent en option. Toutefois, comme l’a montré l’étude des données relevées par l’application Track Precision, qui ne nécessite rien d’autre qu’un smartphone, il n’est pas si simple de réaliser un freinage optimal. Le mieux, c’est de faire comme Timo Bernhard: freiner dans le virage, ne laisser la voiture en roue libre que très brièvement pour remettre les gaz quasi simultanément. Le problème, c’est que tout le monde ne possède pas ses talents. Cela dit, grâce à son habitacle confortable et à son moteur également à l’aise à bas régime, la voiture peut aussi être conduite de manière calme, sur route ouverte. Une double visage qui fait incontestablement la force de cette GT3 RS.