Dépassements moins punis

Un dépassement par la droite n’est plus systématiquement une faute grave sanctionnée par un retrait de permis, a récemment décidé le Tribunal fédéral. Toutefois, cet assouplissement ne s’applique qu’aux cas sans dangerosité.

Une fois n’est pas coutume, le Tribunal fédéral s’est montré plus conciliant envers les automobilistes. La Haute cour en effet «gracié» un conducteur qui dépassait par la droite, en ne retenant pas la faute grave contre lui (arrêt 1C_626/2021 du 3 novembre 2022). L’affaire se déroule à Interlaken, sur l’autoroute A8. L’automobiliste, qui circulait sur la voie de dépassement à gauche, s’est déporté sur la voie de droite, a accéléré et dépassé un autre véhicule circulant sur la voie de dépassement avant de se rabattre devant lui. 

Si le devancement par la droite, soit le fait de circuler plus vite sur la voie de droite qu’un véhicule sur la voire de gauche, est autorisé depuis le 1er janvier 2021, le dépassement, lui, reste interdit. Pour rappel, il y a dépassement lorsque le conducteur effectue une double manœuvre: il se déporte sur la droite pour dépasser un véhicule circulant à gauche, avant de se rabattre devant lui. 

Une loi plus clémente

Le Tribunal fédéral a néanmoins considéré que le dépassement par la droite devait désormais être jugé moins sévèrement. Ce comportement n’est certes toujours pas autorisé, mais le Tribunal fédéral considère toutefois que la loi est tout de même devenue plus clémente. En effet, outre l’autorisation de devancer par la droite prévue dans l’ordonnance sur la circulation routière, une nouvelle infraction a fait son entrée dans la loi sur les amendes d’ordre depuis le 1er janvier 2021. Il s’agit du chiffre 314.3, qui sanctionne le dépassement par la droite par une simple amende d’ordre de 250 francs. Or, seuls les comportements que le législateur considère comme peu graves peuvent bénéficier de cette procédure simplifiée. Aux yeux de la Haute cour, le fait qu’une simple amende d’ordre pour ces dépassements ait été prévue manifeste la volonté du législateur de ne plus qualifier tous les dépassements par la droite comme des violations graves des règles de la circulation (au sens des articles 90 al. 2 ou 16c de la LCR). Un dépassement par la droite ne doit ainsi plus obligatoirement aboutir à un retrait de permis; si la manœuvre est considérée «non dangereuse», le conducteur peut espérer garder son sésame.

Un prétexte pour un assouplissement

Avant d’examiner les conditions qui déterminent un dépassement non dangereux, le Tribunal fédéral commence par rappeler que sous l’ancien droit, l’interdiction de dépasser par la droite était considérée comme une règle objectivement importante pour la sécurité routière, compte tenu du risque d’accident. Les automobilistes pouvaient en effet présumer qu’ils ne seraient pas soudainement dépassés par la droite. 

Notre Haute Cour reconnaît néanmoins que ce raisonnement, très sévère, a toujours été critiqué par de nombreux auteurs du droit. Ces auteurs relevaient que le raisonnement du Tribunal fédéral, selon lequel les automobilistes dépassés risquaient d’être surpris et d’avoir ainsi des réactions inadéquates, ne correspondait pas à la réalité. Au lieu de faire la sourde oreille aux critiques, le Tribunal fédéral a saisi l’occasion offerte par cette modification de loi pour revoir sa jurisprudence.  Toutefois, le Tribunal fédéral limite cet assouplissement, en fixant un certain nombre de critères qui doivent être réalisés pour que le dépassement par la droite puisse bénéficier d’une sanction allégée.

Un vrai allègement

Le Tribunal fédéral s’empresse de préciser textuellement que ce n’est qu’à titre «exceptionnel» que l’on pourra sanctionner un dépassement par la droite moins sévèrement que par le passé. Néanmoins, à la lecture des critères posés par le Tribunal fédéral, force est de constater que ces critères n’ont rien d’exceptionnel.

Tout d’abord, le Tribunal fédéral explique dans son arrêt que les conditions de la route doivent être bonnes. On entend par là une route sèche, une bonne visibilité et un faible volume de trafic. Il faut également – et surtout – que le conducteur dépassé n’ait dû, d’aucune manière, réagir au dépassement. Cette condition devient caduque, s’il a par exemple dû lever le pied parce que l’autre véhicule s’est rabattu trop proche de lui. 

Dans le cas qui nous concerne, le Tribunal fédéral relève que la visibilité était bonne, la route sèche, qu’il faisait jour et que le trafic était faible. Enfin, le conducteur dépassé n’a pas dû modifier sa conduite pour s’adapter au dépassement. Ainsi, et malgré le fait que l’automobiliste ait accéléré pour effectuer sa manœuvre, le Tribunal fédéral retient qu’il s’agit typiquement d’un cas où il n’y a aucune circonstance aggravante qui permettrait de considérer l’infraction comme dangereuse. La faute de l’automobiliste est donc considérée comme très légère, au point qu’aucune sanction administrative ne puisse intervenir. L’automobiliste n’aura donc ni un retrait, ni même un avertissement en lien avec son permis. 

C’est donc bien Noël avant l’heure pour les automobilistes qui confondent, plus ou moins volontairement, le devancement et le dépassement par la droite sur l’autoroute. D’autant plus que cet assouplissement s’appliquera devant tous les tribunaux dès à présent, cela pour tous les dépassements par la droite même commis avant le 1er janvier 2021, pour autant qu’ils n’aient pas déjà été jugés.

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