C’est un sujet dont on parle de plus en plus; face à la menace de pénurie d’électricité, les entreprises spécialisées dans l’assemblage de groupes électrogènes auxiliaires (de secours) ont vu leur chiffre d’affaire exploser. Et pour cause, nombreux ont été les foyers et les entreprises à acheter un moteur thermique capable de créer du courant grâce à la génératrice à laquelle il est accolé, afin de pallier une éventuelle panne du réseau électrique. Cette multiplication du nombre de machines soulève une question de première importance: quelle est la durée de vie du carburant? Alors que l’essence n’est pas considérée comme problématique en matière de longévité, le diesel commercial, lui, souffre bel et bien d’une date de péremption.
Comme l’a montré une étude allemande, le problème de la durée de vie limitée du diesel n’est pas seulement théorique. Sur mandat des autorités germaniques, l’«Institut für Wärme und Oeltechnik» (IWO) d’Hambourg a testé au hasard la qualité du diesel stagnant dans les groupes électrogènes de secours des bâtiments publics comme les hopîtaux ou certaines institutions. Le résultat est sans appel: dans neuf des dix installations testées, le diesel était soit inutilisable, soit sur le point de l’être. La raison? Ce que l’on appelle la «peste du diesel» qui voit le gazole se décomposer et s’encrasser. Ce constat amène une autre question: une telle maladie peut-elle apparaître dans le réservoir d’une automobile? En théorie, oui, car le diesel est, d’un point de vue moléculaire, identique dans les véhicules et les groupes électrogènes de secours. Toutefois, il faut plusieurs mois pour que le diesel devienne inutilisable. La durée de vie dépend en fait de différents facteurs mais, de manière générale, elle avoisine les six mois environ. Cela rend le problème un peu moins pertinent dans les voitures, car celles-ci ne restent généralement pas inutilisées pendant si longtemps. Quant aux voitures de collection, généralement utilisées seulement en été, elles se nourrissent rarement de diesel. Néanmoins, une certaine catégorie de vehicules est concernée par cette maladie: les camping-cars. Généralement peu utilisés en hiver, ils reprennent bien trop souvent la route avec du diesel souillé une fois les beaux jours revenus.
Les raisons de la détérioration
Mais quelle est la raison pour laquelle le diesel se détériore? Il faut d’abord préciser que le diesel pur n’est pas touché par ce problème mais seulement le gazole disponible dans le commerce. Selon les dernières normes en vigueur, le diesel peut contenir jusqu’à 7 % de biodiesel. Celui-ci provient généralement d’huile de colza. Etant donné que le colza capte du CO2 en poussant, le biodiesel est considéré comme partiellement neutre sur le plan écologique. En l’ajoutant au diesel fossile, l’impact climatique du moteur thermique se voit significativement réduit, d’environ 37% (par rapport à celui du diesel d’origine fossile), selon une étude de l’Institut de technologie de Karlsruhe. Le problème, c’est que d’un point de vue technique, le biodiesel est un ester méthylique d’acide gras (EMAG). Celui-ci n’est pas stable à long terme et se décompose avec le temps en eau et en acides. L’oxygène présent dans le biodiesel (voir encadré) entraîne la croissance de micro-organismes dans le carburant, ce qui le rend inutilisable avec le temps.
En principe, les microbes tels que les bactéries, les levures et les champignons peuvent se développer dans n’importe quel carburant, même fossile. La seule condition pour que ce phénomène se produise est la présence d’eau, qui finit par s’accumuler quand les carburants sont longtemps stockés. Mais comme l’élimination de l’eau est en principe un problème plus important pour le biodiesel que pour le diesel fossile (voir encadré), celui-ci est nettement plus exposé aux impuretés microbiennes. Le problème survient de préférence aux températures chaudes de plus de 30° C. En-dessous de 10° C, aucun croissance de micro-organismes n’est constatée, comme l’a montré l’étude de l’institut. Lorsqu’une réserve de carburant est touchée par la peste du diesel, cela se manifeste par des substances et dépôts noirs. Ceux-ci ne sont généralement pas visibles dans un réservoir, mais ils peuvent en revanche obstruer et donc détruire les filtres à carburant, les conduites et les injecteurs. Le problème de la peste du diesel n’est donc pas tant le carburant infecté en tant que tel mais plutôt les champignons et les bactéries qui s’y développent et endommagent les composants.
Contaminé à la base
Les impuretés peuvent également se développer dans les cuves de la station-service, comme l’a prouvé un cas survenu en 2014 à Neckarsulm, en Allemagne: à l’époque, un grand réservoir d’une station-service avait été contaminé, probablement parce que le diesel contenait nettement plus de 7 % de biodiesel. Plus de soixante véhicules ont été infectés par la peste du diesel et se sont parfois retrouvés en panne après quelques kilomètres seulement. C’est un cas relativement isolé. En général, les impuretés ne sont pas un problème pour les stations-service, car le débit est si important que la maladie n’a pas le temps de s’y développer.
Pour en revenir aux groupes électrogènes de secours et à leur utilisation, l’IWO d’Hambourg recommande d’utiliser du mazout à la place du diesel. Et pour cause, celui-ci ne contient pas de biodiesel. A noter qu’il existe aussi des additifs capables de freiner l’encrassement des carburants.
Un problème aussi pour les PHEV?
L’essence peut également se détériorer mais le risque est nettement moins élevé que pour le diesel. Le plus gros problème avec l’essence est l’éventuelle condensation qui se dépose au fond du réservoir. Pour que l’essence se conserve le plus longtemps possible, le réservoir doit être rempli au maximum lors des longues périodes d’immobilisation. Cela permet de réduire la formation d’eau de condensation sur les parois de la cuve; celle-ci se forme à cause de l’air présent à l’intérieur. A ceux qui conduisent des voitures de collections, stockées l’hiver, il est donc important de préciser de bien faire le plein lors d’immobilisations prolongées. Depuis quelques années, la question s’est aussi posée pour un autre groupe cible d’automobilistes: les conducteurs de PHEV. Ceux qui utilisent leur hybride rechargeable presque comme une voiture électrique et n’ont besoin du moteur à combustion qu’exceptionnellement devraient toujours garder le réservoir aussi plein que possible: cela améliore la durée de vie de l’essence.Tout comme pour le diesel, une partie du carburant bio peut être mélangée à l’essence disponible dans le commerce. Cette essence porte alors la désignation E5, E10 ou E85 – le chiffre indique le pourcentage de bioéthanol dans l’essence. Le risque d’une «peste de l’essence», analogue à la peste du diesel, n’existe toutefois pas, même en cas de forte proportion de biocarburant. En effet, la partie naturelle du carburant est le bioéthanol, qui a un effet antimicrobien.