Maserati brille de mille feux; la firme, qui œuvre désormais dans le giron du groupe Stellantis, est particulièrement dynamique depuis quelques années. Après avoir dévoilé la MC20 en 2020 et le Grecale l’année passée, le constructeur de Modène offre aujourd’hui une descendante à l’un de ses plus grands classiques, la GranTurismo. Le modèle est primordial pour l’enseigne. Il représente non seulement une partie importante des ventes du constructeur mais en plus, les coupés de grand tourisme ont toujours fait partie de l’ADN du trident.Le plus ancien du genre, la magnifique A6 1500 GranTurismo, remonte à 1947. Depuis lors, l’enseigne n’a presque jamais arrêté d’en produire, le dernier étant la GranTurismo de 2007, stoppée en 2019. De cette dernière, dessinée par Pininfarina, la GranTurismo de 2023, sortie du studio de design Stellantis de Turin, en reprend les traits principaux. Un choix voulue par la marque afin de maintenir une continuité stylistique.
Si le modèle n’évolue que très peu esthétiquement, il recèle sous son capot une astuce technique puisqu’il se décline dans une variante thermique, mais aussi dans une inédite déclinaison électrique. Cette plateforme multi-propulsion a été créée «à partir d’une feuille blanche», se souvient Davide Danesin, ingénieur en chef de la GranTurismo. Ce châssis, qui est désigné «Giorgio Sport» en interne – à ne pas confondre avec la plateforme Giorgio «standard» sur laquelle sont assemblés le SUV Maserati Grecale et les Alfa Romeo Giulia et Stelvio – est en grande partie composé d’aluminium. Cela permet de contenir fermement le poids des deux versions thermique, Modena et Trofeo, sous les 1900 kilos.
Un Nettuno sous le capot
La version thermique dépose le splendide V8 4,7 l atmosphérique d’origine Ferrari du modèle de précédente génération au profit du V6 3,0 l biturbo «Nettuno» étrenné par la MC20 (mais doté d’un carter humide) et également utilisé par le SUV Grecale. Ce moulin est positionné longitudinalement à l’avant de la voiture mais si proche du tablier que Davide Danesin n’hésite pas à parler de «position centrale avant», le centre de gravité du moteur étant placé entre les deux essieux. Le 6-cylindres, qui est capable de désactiver un banc de cylindres pour limiter sa consommation, est disponible en deux niveaux de puissance: 361 kW (490 ch) pour la Modena et 404 kW (550 ch) pour la Trofeo. Toute cette cavalerie est transmise aux quatre roues via une boîte automatique à convertisseur de couple ZF à huit rapports. «La transmission intégrale est contrôlée électroniquement. Par défaut, la répartition de la puissance entre l’essieu arrière et avant est de 70%-30%. Plus la puissance augmente, plus l’essieu arrière va être favorisé, jusqu’à un ratio de 90%-10%. Cependant, dans les situations très glissantes, comme sur la neige par exemple, l’essieu avant peut recevoir jusqu’à 50% de la puissance motrice», détaille Davide Danesin.
La version Folgore, électrique, est évidemment bien plus lourde. A cause de la batterie de 800 V et 92,5 kWh, elle pèse plus de 2,2 tonnes. Les accus ne sont étonnamment pas disposés à plat dans une configuration «skateboard», comme dans la plupart des véhicules électriques, mais bien devant le tablier, dans le tunnel central et sous les sièges arrière. Cet agencement a soulevé bien des tracas au trident, comme le confesse Davide Danesin: «Cette forme est très sophistiquée. Elle est bien plus complexe qu’une batterie plate et surtout bien plus chère». Le système de refroidissement aurait été particulièrement compliqué à développer, selon l’ingénieur. Néanmoins, Maserati est parvenu à ses fins et a dégagé d’indéniables avantages techniques de cet agencement, comme le soulève Davide Danesin: «Il n’y a pas de batterie sous les sièges avant. Cela confère au conducteur une excellente position de conduite et à la voiture une hauteur contenue (ndlr: 1353 mm).» La Maserati peut effectivement se targuer d’être le véhicule électrique le plus bas du marché.
Impressionnante électrique
La batterie fournit en kWh rien de moins que trois machines électriques, deux à l’arrière et une à l’avant. Ces moteurs ont été développés par Magneti Marelli, qui jouit d’une grande expérience en Formule E. Chacune de ses unités est capable de développer jusqu’à 300 kW, soit un total de 900 kW. Malheureusement, la batterie peine à suivre, puisqu’elle ne délivre pas davantage que 610 kW. Une fois passée dans les convertisseurs ZF, cette puissance est réduite à 560 kW (761 ch). C’est certes bien moins que 900 kW mais c’est tout de même énorme. Reste une question: comment tout cela fonctionne sur la route?
Pour le savoir, commençons par détailler l’habitacle de l’auto. Premier constat: la position de conduite est effectivement bonne. L’absence d’accus sous les sièges permet aux grands gabarits de prendre place à bord sans problème, même avec un casque. Face au conducteur, la planche de bord est recouverte d’un joli cuir et supporte un double écran repris du Grecale. Ces deux moniteurs, l’un de 12,3 pouces en haut regroupant l’infodivertissement et un autre de 8,3 pouces dédié à la climatisation, sont assez agréables et intuitifs à l’usage. Le combiné d’instrumentation digital a été bien pensé dans la mesure où il épouse la colonne de direction, en l’entourant de part et d’autre. A l’arrière, les places sont réellement utilisables, même pour des plus longs trajets, ce qui est suffisamment rare dans les coupés 2+2 pour être souligné. Dans le coffre, le volume permet de voyager sans se priver; la version thermique embarque 330 litres de bagages et l’électrique 270 litres. Dans l’ensemble, l’habitacle est raffiné et bien pensé. Dommage que Maserati ait parfois négligé la qualité d’assemblage, à l’image de la pièce reliant le tunnel central et le tableau de bord: en plastique, elle bouge un peu trop lorsqu’on joue avec.
Quant aux tweeters Sonus Faber disposés au-dessus des contreportes, ils souffrent d’une mauvaise qualité de finition. Certes, ce n’est qu’un détail, mais le conducteur l’a en permanence sous le nez. Un haut-parleur enrobé de matériau noble aurait été apprécié. Pour choisir le sens de la marche, point de levier, hélas: il faudra utiliser les boutons de sélection des rapports situés entre les deux écrans. Enfin, l’horloge digitale – trônant au-dessus du tableau de bord – aurait gagné en cachet avec un véritable cadran à aiguilles.
Essai sur route et sur circuit
Préférant garder la surprise de l’électrique pour la fin, c’est par la version Trofeo de la GranTurismo que débute cet essai. Du V6 Nettuno, on entend surtout le sifflement des turbos et la soupape de décharge (wastegate) et ce malgré la présence d’un échappement actif et d’un système acoustique utilisant le système audio de l’habitacle. En somme, le son n’a absolument rien à voir avec la partition que jouait l’ancien V8 atmo. La poussée reste toutefois impressionnante (0 à 100 km/h en 3,5 s) et la boîte de vitesses automatique égrène les rapports avec une impressionnante rapidité. Douce en mode «Comfort» – bien plus que la boîte à double embrayage de la MC20 –, elle dispense des à-coups bienvenus en mode «Sport» ou «Corsa». Pour le reste, la motricité est excellente, la direction précise et le châssis correctement suspendu.
Si c’est sur route que s’est déroulé l’essai de la GT thermique, c’est sur circuit que Maserati fait essayer son électrique. Une bonne idée qui a une fois de plus soulevé le débat de la sportivité des véhicules électriques de plus de deux tonnes. Indépendamment des avis, il faut laisser à la Folgore ses foudroyantes performances (0 à 100 km/h en 2,7 s). La voiture est en outre ultra-efficace, ses trois moteurs lui permettant de faire du torque vectoring sur l’essieu arrière. «Nous pouvons décider où envoyer très précisément les 560 kW de puissance», explique Davide Danesin. En outre, la position centrale de la batterie permet de limiter énormément les mouvements de roulis. Merci aux suspensions spécifiques de cette variante électrique. Certes le poids se sent dans les virages et au freinage, mais la voiture reste très agréable à piloter, surtout lorsque l’on ne la brusque pas, ce qui correspond bien au tempérament GT de l’engin.
Qu’elle soit configurée dans sa version électrique ou thermique, la GranTurismo ne souffre d’aucun défaut important, hormis peut-être la qualité des finitions de l’habitacle, et, pour la version thermique, d’une sonorité décevante, mais il n’y a là rien de réellement rédhibitoire. Pas sûr en revanche que la Trofeo soit légitime avec ses 50 000 francs en plus par rapport à la Modena. La Folgore, elle, ne révèle pas encore ses tarifs.
Vous trouverez la fiche technique de ce modèle et les mesures effectuées par la RA dans la version imprimée et dans l’e-paper.