L’excentricité paie parfois. Le premier Nissan Juke avait dérouté le monde auto quand il avait débarqué en 2010 avec sa face d’insecte. Rares étaient ceux à parier qu’il irait loin avec ce regard à quatre yeux et son positionnement inédit. L’histoire donnera raison à Nissan, le Juke sera choisi par 1,5 million de clients au cours de ses neuf ans de carrière. Il faut dire que le crossover arrivait parmi les premiers sur un terrain encore à défraîchir, celui des SUV des segments B. Plus de 10 ans plus tard, les concurrents grouillent de toutes parts, la seconde génération du Juke – lancée en 2019 – n’a plus l’avantage de la primeur; il doit convaincre pour ce qu’il est.
Pour l’heure, cette mission ne se passe pas vraiment comme prévu. Le Juke s’est vendu à environ 1100 exemplaires en Suisse en 2020 et 2021 au total; c’est même la misère avec 178 unités écoulées en 2022. En Europe, la situation n’est guère plus reluisante, avec exactement 48 267 Juke vendus, à comparer aux 134 000 exemplaires du Renault Captur. Le Juke compte se ressaisir en empruntant à son cousin de l’Alliance – avec qui il partage déjà la plateforme CMF-B – sa propulsion hybride. En substance, celle-ci voit un moteur quatre-cylindres essence combiné à deux machines électriques, produisant 143 chevaux et 205 Nm en pointe. Dans le détail, la plus puissante des machines électriques (36 kW) fait la jonction entre le moteur 1.6 à cycle Atkinson et la boîte à crabots; la deuxième machine est en réalité un alterno-démarreur plus costaud, développant 15 kW. Cette mouture Hybrid se pose ainsi comme la plus puissante de la gamme, mais aussi la plus économe en carburant, avec 5,2 l/100 km déclarés, une valeur atteignable dans certaines conditions uniquement, comme on le verra.
La ville, en toute légèreté
Nissan soutient que les moteurs électriques ont la main sur le trafic urbain, car ils pourraient propulser le SUV à 55 km/h et couvrir 80% des trajets à la seule force des électrons; le quatre-cylindres n’interviendrait seulement comme génératrice, pour recharger la batterie de 1,2 kWh située à l’arrière. Le SUV s’élance effectivement à l’électricité, en dépit des bourdonnements du 1.6-litre atmosphérique; il s’éveille simplement pour recharger l’accumulateur. Le quatre-cylindres peut aussi prêter main-forte aux machines électriques avec ses 94 chevaux, dès que les machines électriques tirent la langue. On peut le forcer à rester en veille, par une pression sur le bouton «EV mode», mais l’autonomie électrique n’excède pas 5 km en ville; un mode «e-pedal», qui accentue la récupération d’énergie au lever de pied, permet d’augmenter l’efficacité. Les transitions entre les modes électriques et thermiques sont douces, on perçoit tout juste légère une secousse quand le moteur électrique retourne au repos. Le Juke se faufile ainsi dans les méandres de la ville avec aisance, une impression d’agilité magnifiée par la suspension au tarage étonnamment rigide et par une direction plutôt mordante, bien que faible en sensations. Le petit SUV réagit ainsi avec vivacité aux impulsions du conducteur, se couche peu dans les virages et peut même décrocher un sourire au conducteur grâce à cet entrain à se jeter dans les courbes. Le revers de la médaille, c’est que les occupants pourront compter une à une les déformations de la route, la suspension et les jantes de 19’’ ne leur cachant rien de l’état de l’asphalte, surtout à allure urbaine.
Les occupants seront en revanche choyés par l’espace à bord, surtout à l’avant; il y a vraiment de quoi prendre ses aises. Enfin, pas trop, s’ils ne veulent pas entendre les récriminations des passagers arrière: l’espace aux genoux à l’arrière devient restreint, en repoussant le siège en butée. Même ainsi, le Juke figure dans la moyenne de la catégorie B. Ce n’est pas le cas pour la garde au toit à l’arrière, suffisante pour des adultes de 1,75 m. Les épais montants de custode filtreront de plus beaucoup de lumière, il fait sombre à l’arrière.
La propulsion hybride a dévoré l’un des points forts du Juke, la capacité du coffre: celle-ci passe de la valeur quasi record (pour la catégorie) 422 litres à 354 litres, un volume moyen. On peut certes rabattre les sièges arrière pour charger un objet plus volumineux, mais il faudra alors relever le fond amovible du coffre pour bénéficier d’un plancher plat. Il n’y aura rien à faire pour le seuil de chargement, perché à 75 cm; biceps et triceps seront mis à contribution pour le remplissage du coffre.
Barouf sur autoroute
A l’avant, ce sont plutôt les méninges qui seront mises à contribution, il faudra avoir de la mémoire pour retrouver les différentes fonctions: certaines sont cachées dans le tableau de bord, d’autres dans le système d’infodivertissement. Les deux lucarnes ne peuvent plus cacher leur âge, les gros pixels et la diagonale modeste des écrans sont à la traîne, en comparaison avec les systèmes les plus récents. Bon point pour la connectivité, qui est complète, et la ventilation, qui garde des boutons physiques.
Le mélange de matériaux laisse lui une impression mitigée, tout dépend où l’on regarde: oui, il y du simili-cuir sur la planche de bord, une rare attention à ce niveau de gamme, mais il y a également beaucoup de plastiques durs, sans le chercher très loin. Toutefois, on peut vivre avec ces vinyles un peu toc à ce niveau de prix, mais on peut moins accepter les râles du 1.6-litres dès qu’il est mis sous contrainte. Il suffit d’une légère pente sur autoroute pour que la boîte rétrograde et que le moteur se mette à grommeler bruyamment, dans une vaine quête de couple; les relances restent tout justes suffisantes. Le barouf du moteur est augmenté par le bruit de roulement et aérodynamique, très présent sur les voies rapides.
Vous l’aurez compris, le Juke Hybrid n’est donc pas fait pour les longs voyages sur autoroute et c’est confirmé aussi par sa consommation qui, à environ 6,1 l/100 km sur voies rapides, n’a rien d’exceptionnel. Sur notre parcours standardisé nous avons réussi à descendre à 4,7 l/100 km, mais on trouve plus efficace du côté de Toyota. En somme, le Nissan Juke n’excelle dans aucun domaine en particulier, et propose un mix désaccordé entre une suspension sportive et une propulsion qui ne l’est pas. La concurrence arrive avec des produits plus harmonieux, à l’image du plus confortable Renault Captur, du plus pratique Škoda Kamiq ou du plus sportif VW T-Roc.
Pour terminer, le Juke abat en dernier la carte du prix – notre modèle d’essai était affiché à 37 990 francs, bien placé, en regard de la prestation globale et des nombreux équipements inclus.
Résultats
Note de la rédaction 65.5/100
moteur-boîte
Le groupe motopropulseur fonctionne harmonieusement et de façon économe, tant que vous restez en ville. Utilisation sur autoroute à proscrire, la motorisation hybride paraît vite dépassée.
trains roulants
Très mordant, le Juke peut distiller un certain plaisir de conduite sur les tracés sinueux. Le confort pâtit de cette définition.
Habitacle
Le coffre a perdu environ 70 litres dans le passage à l’hybridation. Les occupants seront correctement installés, dans la bonne moyenne du segment. L’ergonomie alterne le bon et le moins bon.
Sécurité
Les aides à la conduite sont très complètes, dès que l’on choisit l’exécution haut de gamme Tekna. L’aide au maintien de voie intervient de façon précoce, trop pour certains testeurs.
Budget
Pas de tracas la ligne la plus élevée d’équipement comporte toutes les options. Le prix est bien placé en regard de la prestation globale.
Verdict
On choisit davantage le Juke Hybrid pour son rapport prix-équipement-prestation judicieux, qu’une qualité en particulier: le japonais n’est ni le plus pratique, ni le plus confortable, ni le plus sportif parmi les SUV de catégorie B. Il demeure un curieux cocktail, entre dynamisme et efficience; pour ceux qui se cantonnent à rouler en ville, il peut être une option… parmi tant d’autres.
Vous trouverez la fiche technique de ce modèle et les mesures effectuées par la RA dans la version imprimée et dans le e-paper.