Quand les aristocrates s’écharpent en silence

Dans les hautes sphères électriques, Mercedes et Genesis se livrent un duel par berlines interposées présentant des concepts semblables, mais des approches différentes.

La futuriste Mercedes-Benz EQE et la plus classique Genesis Electrified G80 s’opposent dans un duel à couteaux tirés.

Les grandes routières électriques se comptent encore sur les doigts de la main et les nouveaux modèles se font attendre. Tesla reste pour l’heure la locomotive du segment avec la Model S, mais l’américaine a désormais plus de dix ans de carrière derrière elle. A cela s’ajoute que, en dépit de nombreuses mises à jour, son caractère premium reste sujet à caution. De leur côté, les Porsche Taycan et Audi e-tron GT prennent des airs de coupés quatre portes, plus orientés vers la sportivité. Restent les deux modèles de ce comparatif: la Mercedes EQE et son outsider coréenne la Genesis G80, certes moins huppée mais certainement pas dénuée de talent. 

Contrairement à l’allemande, bâtie sur une plateforme entièrement dédiée à la propulsion électrique, la Genesis Electrified G80 reste apparentée à la version à moteur à combustion. Ce qui n’en fait pas pour autant une solution de compromis, comme en attestent sa batterie de grosse capacité (87 kWh), logée dans les soubassements, et ses deux machines électriques, une sur chaque essieu. En pur modèle électrique qu’il est, l’EQE ne rappelle la Classe E que par cette voyelle désignant un segment de marché. Sinon, les deux modèles ne partagent rien, ni sur le plan visuel ni sur le plan technique. Elle doit plutôt être vue comme une EQS raccourcie. En bonne Mercedes, l’EQE se décline en plusieurs niveaux de puissance: EQE 300 de 180 kW (245 ch), EQE 350 de 215 kW (292 ch) et EQE 500 de 300 kW (408 ch). À cela s’ajoutent les versions AMG EQE 43 et 53 de respectivement 350 kW (476 ch) et 460 kW (626 ch). La liste des options est en outre encore plus fournie que celle des motorisations. 

La filiale premium de Hyundai voit les choses différemment; la Genesis Electrified G80 est une variante unique qui développe 272 kW (370 ch) et qui dispose d’office de quatre roues motrices et d’un équipement de série complet. Seule une poignée d’options figure au catalogue, notamment parce que cette version électrique n’existe qu’en exécution de pointe «Luxury».

Tant l’EQE que la G80 convainquent par leurs performances de conduite. La Genesis a une autonomie nettement supérieure.

Politiques d’options aux antipodes 

Le prix de base de la Genesis électrique est fixé à 80 800 francs. Ce tarif comprend un intérieur entièrement tendu de cuir et des appliques en bois véritable à pores ouverts, ou en aluminium. Une sellerie faisant appel à des peausseries encore plus raffinées, avec surpiqûres, est proposée contre supplément (3220 francs). Il n’y a pas d’autre cases à cocher pour l’aménagement intérieur. Seulement quelques possibilités de parfaire la dotation technologique, avec par exemple le pack technique à 4550 francs, qui apporte des phares matriciels, l’affichage tête haute ainsi qu’un arsenal d’assistances à la conduite encore plus étendu. Le client peut aussi opter pour la ventilation et le massage des sièges avant, le chauffage des assises arrière, la climatisation à trois zones et quelques autres raffinements dont l’impact sur le budget ne dépassera pas 7810 francs. En conséquence, une G80 électrique toutes options, y compris le toit solaire, reste en-deçà du seuil des 100 000 francs. Avec en prime cinq ans d’entretien, de garantie, d’assurance mobilité et de service de voiturage à domicile.

Chez Mercedes, les choses apparaissent naturellement un peu plus compliquées. Le prix de base de 82 800 francs s’entend sans packs optiques ni peintures ou jantes spéciales. Les phares matriciels coûtent 1987 francs, le toit panoramique 1984 francs. Dans l’habitacle, la sellerie standard est une combinaison de similicuir et de tissu, le vrai cuir étant facturé jusqu’à 2492 francs de plus. Pour bénéficier de l’ensemble des systèmes d’assistance et de l’affichage tête haute, Mercedes prévoit le pack Premium Plus à 14 700 francs. Comptez encore 2181 francs pour les suspensions pneumatiques, et 1620 francs pour les roues arrière directrices. S’il est difficile d’établir une comparaison tarifaire directe entre la G80 et l’EQE – en raison des différences d’équipements et des politiques de regroupement d’options –, la facture finale reste toutefois nettement plus douloureuse chez Mercedes. Ainsi, l’AMG EQE 43 de cet essai revient à 156 926 francs avec options, et coûte déjà 124 400 francs de base. Il aurait certes été préférable, en termes de performances, de considérer l’EQE 500 de 300 kW (408 ch), mais cette version se monnaierait tout de même autour de 138 000 francs. Pour sa défense, le modèle de Stuttgart dispose toutefois de certaines exclusivités: l’Hyperscreen – qui représente à lui seul 10 000 francs – ou encore les roues arrière directrices. Et si Mercedes n’offre que trois ans de garantie, la marque offre dix ans d’entretien.

Sur papier, l’allemande pourrait donc justifier une partie de sa tarification ambitieuse par sa sophistication technologique, un cran supérieure à celui de la Genesis. La Mercedes convainc effectivement par ses aides à la conduite, sa planification intelligente des itinéraires et son éclairage matriciel augmenté, qui projette des indications directement sur la chaussée! Néanmoins, la qualité perçue laisse un peu à désirer. La Genesis fait meilleure impression sur ce point. Et non contente de libérer un vrai parfum premium, elle dispose d’une bonne autonomie. 

Technologie

Que l’on parle de conduite autonome, de systèmes de sécurité, d’écrans géants ou de commande vocale intelligente, Mercedes-Benz se pose toujours en précurseur dans les développements numériques appliqués à l’automobile. C’est particulièrement visible sur l’EQE, qui sait pratiquement tout faire. Et plutôt avec brio: elle adapte sa vitesse aux limitations en vigueur et au tracé, elle freine avant les croisements, anticipe les virages et intègre dans cette régulation les données de la navigation. Cette grande routière maîtrise son art jusqu’à gérer fort habilement les changements de voie d’elle-même. Propre aux modèles EQ, l’Hyperscreen est un immense tableau de bord numérique composé de trois écrans côte-à-côte, dont l’un fait face au passager. En toute logique, Mercedes a banni la quasi intégralité des boutons physiques du cockpit, remplacés par leur pendant tactile. Comme l’interface tactile ne convient pas à tout le monde et qu’il est source de distraction, il peut être préférable d’utiliser la commande vocale. Un modèle du genre, qui comprend le langage naturel d’une manière assez perspicace. Il est toutefois regrettable que certaines fonctions ne soient activables qu’au travers d’un abonnement. 

De son côté, la Genesis se veut plus conventionnelle. En ce qui concerne les systèmes d’assistance, la G80 répond à toutes les exigences premium. Mais si la grande berline coréenne est capable de gérer automatiquement sa vitesse, elle n’interprète pas le relief et les sinuosités de la route. Quant au changement de voie autonome sur autoroute, après une action sur le clignotant, il se montre encore un peu hésitant. Enfin, la commande vocale comprend la plupart des consignes mais ne peut rivaliser avec l’acuité du système Mercedes. Au niveau des commandes, la grand dalle tactile reste trop éloignée du conducteur mais ce défaut est compensé par un bouton rotatif universel, posé sur la console centrale et facile à prendre en main. A noter qu’une autre platine, «physique» quant à elle, est réservée à l’usage strict de la climatisation.

Intérieur & confort

En matière d’ambiance intérieure, le client Mercedes a l’embarras du choix. C’est d’autant plus vrai en ce qui concerne l’EQE. Même les sportifs y trouveront leur compte. Dans tous les cas, l’habitacle de la berline statutaire de Stuttgart brille par sa modernité. Son design futuriste fait écho à la fluidité revendiquée des lignes extérieures. Mais avec une silhouette basse et une batterie posée à plat dans le plancher, on peut trouver l’habitabilité aux places arrière un peu restreinte: il y a certes de la place au niveau des genoux, mais la garde au toit est juste suffisante et l’inclinaison des cuisses devient fatigante à la longue. Rien à redire en revanche sur le maintien latéral à peine moins bon que celui des fauteuils avant. Et ce n’est pas propre aux versions AMG. Grâce à une insonorisation poussée, quasiment aucun bruit de roulement ou de vent ne pénètre dans l’habitacle. Le chauffage des sièges arrière figure dans la listes des options et seul un léger balancement des sièges pourvoit à la détente des occupants, en lieu et place d’une véritable fonction de massage.

En l’absence de hayon, la découpe du coffre de l’EQE est exiguë. Sur ce point néanmoins, la Genesis G80 n’est pas mieux lotie. En outre, nos deux concurrentes n’ont malheureusement aucun espace de rangement sous le capot avant. Sur l’EQE, le coffre arrière de 430 litres peut être agrandi en rabattant les dossiers arrière. La capacité augmente considérablement mais le plan de charge se retrouve alors entravé par une marche. Dans les Mercedes EQ, la finition intérieure ne suscite aucune critique véritablement sévère. Néanmoins, la présence de plastiques durs tempère la bonne impression générale: ce matériau un peu brut se retrouve un peu partout: des panneaux de porte jusque sur les pare-soleil et la console centrale. Mercedes ne devrait pas lésiner sur la qualité perçue, surtout dans cette gamme de prix.

Marque en devenir sur le marché premium, la Genesis soigne tout particulièrement les détails de son habitacle. Les belles appliques de bois sont disponibles dès l’exécution de base, et ce pour un supplément de prix relativement modique. On retrouve sur la berline coréenne les codes classiques du luxe, avec ici un cuir brun très seyant. Les sièges avant, chauffants, intègrent la ventilation et le dispositif massant, alors que le chauffage des places arrière n’est disponible qu’en option. Le cuir, présent en abondance, est confectionné avec grand soin. Deux écrans peuvent divertir les passagers arrière, mais il ne permettent pas en revanche de regarder Netflix & Co, comme le propose Tesla ou BMW par exemple. Ces places n’en restent pas moins confortables. Même topo à l’avant, avec des sièges encore plus avenants et dont les joues se resserrent automatiquement (pour le conducteur) lorsque le mode sport est activé. 

Seul un œil entraîné sera à même de relever les rares matériaux bon marché utilisés dans ce véhicule. On épinglera plus volontiers, comme dans la Mercedes, la faible garde au toit aux places arrière. Ces dernières ont effet été légèrement rehaussées suite à l’intégration de la batterie. De plus, l’essieu arrière, coiffé de son moteur électrique, empiète sur le coffre. Ce dernier perd du volume et ne peut pas être agrandi, faute d’un accès sur l’habitacle. La Mercedes EQE remporte donc le point de la modularité, mais elle rend à la Genesis Electrified G80 celui de l’aspect qualitatif. C’est donc là un match nul.

Propulsion et batterie

La Mercedes EQE et la Genesis G80 Electrified partagent le même concept de construction: toutes deux disposent leur batterie à plat dans le soubassement de leur plateforme, entre les deux essieux. Une architecture qui tend à se généraliser au sein des constructeurs de véhicules électriques. Alors que Mercedes laisse le choix entre propulsion (une seule machine électrique sur l’essieu arrière) et quatre roues motrices (deux machines, une par essieu), la G80 Electrified est exclusivement disponible en transmission intégrale. A noter que cette dernière existe en outre avec des motorisations thermiques, essence et diesel.

Forte de 272 kW (370 ch) et d’un couple de 700 Nm, la G80 réalise des performances que ne laissent pas présager ses allures de berline cossue et familiale: le constructeur annonce 4,9 s pour accomplir l’exercice du 0 à 100 km/h. De quoi titiller la Mercedes AMG EQE 43, chronométrée à 4,5 s durant les mesures de test réalisées par la Revue Automobile sur la piste d’essai du Dynamic Test Center de Vauffelin.

Les EQE 350 et EQE 500 sont évidemment un peu moins rapides, mais aussi plus économiques puisqu’elles consomment 20,9 kWh/100 km selon les données d’usine. Or, l’AMG exige 24,9 kWh/100 km selon le cycle normalisé de la RA. La batterie de 90,6 kWh garantit heureusement un bon rayon d’action. Celle de la Genesis est un poil plus modeste avec ses 87,6 kWh, mais elle alimente une voiture moins gourmande en électrons. La Genesis G80 Electrified se contente en effet de 19,9 kWh/100 sur le même parcours étalon. En comparant les deux mesures, on en déduit une autonomie de 430 km pour la Genesis, contre 350 km seulement pour la Mercedes. En outre, la G80 «ravitaille» plus rapidement grâce à une puissance de charge de 220 kW, supérieure celle de l’EQE (170 kW). Il ne faut qu’une demi-heure à l’EQE pour retrouver 80% de son stock d’énergie, mais la Genesis y parvient en 22 minutes à peine. Si la Mercedes reste le maître choix pour la performance sportive, la Genesis remporte les lauriers sur longue distance. C’est là encore un match nul.

Châssis

L’EQE concrétise toute la compétence de Mercedes en matière de châssis et cela ressort particulièrement sur cette version AMG, aux modalités bien distinctes. Grande routière accomplie en mode Confort, la Mercedes gagne en maintien et en précision sur le réglage Dynamic, mais sans excès de fermeté. L’essieu arrière directionnel, en combinaison avec la stabilisation active du roulis, améliore significativement la dynamique de conduite. Les versions AMG peuvent en outre recevoir des freins en céramique en option, qui résistent mieux à l’échauffement et qui sont capables d’immobiliser les 2,6 tonnes (!) de la voiture sur de courtes distances. Malgré la monte pneumatique hivernale et une piste mouillée, l’EQE AMG 43 lancée à 100 km/h est parvenue à stopper sa course sur 40 mètres à peine.

En face, la Genesis G80 Electrified n’a pas les mêmes prétentions sportives. Ses possibilités de réglages restent convenues et s’il existe bel et bien un mode Sport, celui-ci n’agit que dans la nuance en raffermissant la direction et les amortisseurs. Pas de quoi transfigurer l’élégante berline en sportive; celle-ci se complaît dans son rôle de croiseur amiral de la route, prodiguant à ses occupants un haut niveau de confort, sans verser dans la mollesse en virage. La direction se montre agréablement communicative et contribue au bon ressenti global, au même titre que la grande rigidité de la caisse, renforcée sur cette version électrique.

Avec un empattement d’un peu plus de 3 mètres, la G80 manque toutefois de maniabilité, surtout lors des manœuvres et dans les parkings. En milieu urbain, les quatre roues directrices de la Mercedes deviennent un atout majeur. Et ce n’est là qu’un des apports de sa technologie de pointe, qui lui octroie aussi plus de variations dans les réglages. Mais en fin de compte, le châssis et le comportement routier de la Genesis Electrified G80 sont plus agréables et semblent plus adaptés à une grande routière. Cette technique, plus simple mais éprouvée, permet d’échapper aux options coûteuses, qui plombent le bilan de la Mercedes EQE.

Résultats Mercedes EQE

Note de la rédaction 77.5/100

moteur-boîte

Avec 350 kW (476 ch), l’AMG EQE 43 est la variante la moins puissante d’Affalterbach. Et pourtant, ses performances sont impressionnantes: le sprint de 0 à 100 km/h est réalisé en 4,2 secondes.

trains roulants

Les amortisseurs adaptatifs assurent non seulement le dynamisme en virage, mais aussi un confort de roulage élevé, de sorte que la variante AMG de l’EQE convient également en tant que voyageuse.

Habitacle

Par endroits, les plastiques durs sont utilisés de manière un peu trop généreuse, notamment au niveau de la console centrale. Mais le traitement AMG donne à l’EQE un magnifique intérieur.

Sécurité

Il n’est pas possible d’en faire plus; en matière de dispositifs de sécurité, l’EQE embarque tout ce qu’il faut et même davantage, y compris les alertes de collision qui sont projetées sur la chaussée, devant le véhicule.

Budget

Une AMG n’est jamais une voiture bon marché et l’EQE 43 ne fait pas exception à la règle. Ce n’est pas tant le prix du véhicule qui est dérangeant, mais plutôt la politique des options.

Verdict 

Il n’y a pas grand-chose à reprocher à l’AMG EQE 43, si ce n’est l’espace et le volume du coffre. Et bien sûr, son prix exorbitant. Mais il existe un remède simple à cela: ne pas acheter la version d’AMG, mais une Mercedes EQE moins chère et un peu moins puissante.

Vous trouverez la fiche technique de ce modèle et les mesures effectuées par la RA dans la version imprimée et dans le e-paper.

Résultats Genesis G80

Note de la rédaction 76/100

moteur-boîte

Avec 370 ch et 700 Nm, l’Electrified est la G80 la plus puissante de la gamme. La propulsion électrique silencieuse et puissante convient mieux à la berline que le 4-cylindres.

trains roulants

Le châssis autorise une conduite étonnamment dynamique, sans pour autant être inconfortable sur les longs trajets.

Habitacle

L’intérieur luxueux est la grande surprise de la Genesis. Cuir noble, bois véritable à pores ouverts et fonctions de confort à l’avant et à l’arrière positionnent sans aucun doute la berline dans la catégorie luxe. 

Sécurité

Genesis peut puiser dans l’énorme banque d’organes du groupe Kia/Hyundai, qui comprend la fonction de changement de voie sur autoroute.

Budget

Plus de 100 000 francs, c’est un prix exorbitant. Mais dans l’environnement premium dans lequel évolue la G80, il n’y a guère de concurrent offrant un meilleur rapport qualité-prix.

Verdict 

Genesis reste un outsider dans le segment des berlines familiales premium. Mais la G80 est une alternative plus que valable à la concurrence allemande. Le supplément de près de 20 000 francs entre les versions thermique et électrique reste cependant difficile à justifier.

Vous trouverez la fiche technique de ce modèle et les mesures effectuées par la RA dans la version imprimée et dans le e-paper.

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