Les aides à la conduite prolifèrent. Alerte anti-somnolence, détection de distraction et de franchissement de ligne, reconnaissance des panneaux de signalisation, ces assistants électroniques se retrouvent désormais sur des voitures d’entrée de gamme.
Cependant, ces aides sont à double tranchant et portent parfois mal leur nom. Elles peuvent en effet facilement se retourner contre le conducteur. Elles enregistrent des données qui peuvent, à certaines conditions, être utilisés en procédure. Pire, si le système « lâche » le conducteur en raison d’une défaillance, la justice considérera l’automobiliste en principe pleinement responsable.
Depuis le 1er juillet 2022, les enregistreurs de données d’accidents sont obligatoires sur les modèles de véhicules nouvellement homologués. Il faudra attendre 2024 pour que cela concerne les véhicules neufs. Ces systèmes devront être accessibles par une interface de diagnostic unifiée. Cette obligation permet ainsi aux autorités judiciaires de pouvoir accéder et interpréter facilement les données en cas d’accident. En effet, il suffira qu’un juge ou un procureur ordonne l’extraction de ces informations pour qu’un expert aille fouiller dans les données de votre véhicule.
Ces boîtes noires conservent en mémoire les informations de conduite quelques instants avant et après un accident. Si le système de détection de fatigue s’est activé durant ce court laps de temps, cela jouera nécessairement en défaveur du conducteur. Néanmoins, il faut qu’un accident ait eu lieu pour que les données soient gardées en mémoire. Autrement dit, votre assureur ou les autorités pénales ne peuvent pas y accéder en tout temps pour vérifier si des infractions ont été commises.
Il est toutefois intéressant de relever que la plupart des constructeurs vont plus loin que les requis légaux, leurs véhicules enregistrant parfois les données de façon permanente et continue. Ainsi, en cas d’infraction, les autorités pénales pourraient également ordonner le prélèvement de ces enregistrements plus fournis. Si les autorités relèvent d’autres infractions, elles pourraient être également poursuivies. Cette question n’est toutefois pas encore définitivement tranchée. En d’autres termes, vos aides à la conduite ne vous aident qu’aussi longtemps que vous n’avez rien à vous reprocher.
Responsabilités en cas de défaillance
Le Tribunal fédéral vient de rappeler, dans un arrêt récent, que le conducteur demeure responsable de la parfaite maîtrise de son véhicule, même en cas de disfonctionnement d’une aide à la conduite (arrêt 6B_1201/2021).
Dans le cas tranché, l’automobiliste disposait sur son véhicule d’un système de reconnaissance des panneaux de signalisation. Il s’est fait flasher à 80 km/h au lieu des 50 km/h signalés à son entrée dans une localité. Le recourant s’est défendu en indiquant que son système de détection des panneaux de signalisation avait mal lu le panneau et qu’il n’avait ainsi pas décéléré automatiquement comme il aurait dû le faire. Totalement surpris par l’avarie de son véhicule, le conducteur aurait mis quelques instants à réagir et à freiner lui-même.
Le Tribunal fédéral a balayé la défense de cet automobiliste. Il a tout d’abord rappelé que c’est au conducteur d’apporter la preuve d’une avarie. Il rappelle également que si le véhicule a une réelle avarie, on est tenu de l’emmener immédiatement en réparation, ce que l’automobiliste concerné n’avait fait que tardivement, soit plusieurs semaines après s’être fait flasher.
Enfin, le Tribunal fédéral rappelle que l’automobiliste doit, malgré la présence d’aides à la conduite, demeurer en tout temps maître de son véhicule. Or, dans le cas dont il est question, le panneau était visible à 126 m de distance. Ainsi, l’automobiliste aurait pu et dû réagir plus rapidement en voyant que son véhicule ne freinait pas de lui-même. L’éventuelle défaillance de son système d’aide à la conduite n’a été d’aucun secours au conducteur face aux juges. En effet, ce n’est que lorsqu’une défaillance empêche matériellement toute maîtrise du véhicule que l’automobiliste peut être libéré de sa faute. Tel sera par exemple le cas des freins qui lâchent en plein milieu d’une descente. Toutefois, même dans cette hypothèse, le conducteur pourrait être retenu coupable s’il n’a pas régulièrement fait réviser son véhicule.
Quant au dysfonctionnement du compteur, ici aussi, il ne dédouanera pas l’automobiliste de sa faute. Dès que l’automobiliste remarque une telle panne, qui est en général facilement détectable, il doit rouler suffisamment lentement pour être certain de ne pas excéder la limite fixée. Il faut comprendre que les cas dans lesquels l’automobiliste peut rejeter la faute sur son véhicule sont extrêmement rares, et les aides à la conduite toujours plus performantes n’y changent rien.
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