Coup en plein centre

La Chevrolet Corvette de huitième génération, surnommée C8, passe au moteur central. Une nouvelle ère, abordée avec une maestria inattendue et à un prix imbattable.

La petite animation sur l’écran du tableau de bord rappelle la petite «révolution de palais» qui vient de s’opérer. Nous sommes assis dans la Chevrolet Corvette de huitième génération, mais pour la première fois, le moteur n’est pas devant, mais derrière nous. Il faut toutefois avoir quitté la planète automobile depuis quatre ans pour avoir raté ce bouleversement, qui a déchiré les fans de la sportive de Bowling Green. Il y a d’un côté les puristes, qui ont déploré l’abandon d’une tradition; imaginez si Porsche avait fait de même avec sa 911. De l’autre côté, il y a ceux qui se réjouissaient que leur chouchou se batte à armes égales avec les Ferrari et autres McLaren. Les lois de la physique mettent tout le monde d’accord, rien ne vaut un moteur placé au centre, en termes d’équilibre. 

Ce chamboulement technique a forcé la main des designers. Plus besoin d’un long capot, il faut plutôt étirer la partie arrière et ramener l’habitacle vers l’avant. Ce style «cab forward» serait inspiré des avions de chasse F22 et F35, clame Chevrolet. A vrai dire, c’est l’ensemble de la carrosserie qui évoque un aéronef de guerre, même dans cette version cabriolet. Oui, c’est agressif, presque à un niveau caricatural; un engin de 4,63 m de long, 1,93 m de large et haut 1,23 m possède déjà une stature spectaculaire en soi. La Corvette se fait remarquer partout où elle passe, c’est sûr. Est-ce qu’elle plaît? C’est une autre question. 

Habitacle pensé pour le conducteur

L’habitacle regorge aussi de son lot de surprises, à commencer par l’accès à bord: il est très facile, aucun ponton latéral oblige à des contorsions pour accéder aux sièges baquet. Chevrolet a en réalité caché un renfort structurel sous l’imposant tunnel médian, à la façon d’un châssis poutre. Les deux occupants seront ainsi nettement séparés, mais toutes les attentions sont pour le conducteur. Le poste de pilotage est en effet très enveloppant, l’ensemble des éléments, y compris l’écran d’infodivertissement, pointent en direction du capitaine. L’effet est saisissant, mais cette disposition d’égoïste empêchera au copilote d’assister le commandant, par exemple pour mettre une adresse dans le système de navigation. Les boutons arrangés à la verticale font aussi partie des idées ergonomiques saugrenues, nous avons le regard qui se perd à chercher la bonne commande. D’autres points mériteraient en revanche d’être repris par la concurrence, comme le repose-poignet en face de l’écran de l’infodivertissement: en appuyant sa main sur ce support, la navigation dans les menus devient plus facile et relaxante. 

La qualité de finition aussi mérite un pouce levé, la cabine étant drapée de part en part de microfibre suédé ou cuir. L’effet est littéralement éblouissant, le revêtement clair de notre Corvette d’essai se reflétait hélas dans le pare-brise. Cet impair à part, la visibilité est excellente, et pas seulement vers l’extérieur: c’est pour dégager la vue vers le tableau de bord (un écran de 12’’) que les ingénieurs ont opté pour un déroutant volant rectangulaire. Pour regarder vers l’arrière, on se fiera aux généreux rétroviseurs latéraux et la caméra de recul, le miroir central offrira surtout une vue imprenable sur l’aileron. A noter que la lunette arrière est abaissable, pour laisser passer les vocalises du V8 de 482 ch, dénommé LT2 en interne. 

En provenance d’une autre époque

Laissons-le d’ailleurs nous raconter son histoire, en appuyant sur le bouton start. Le huit-cylindres s’éveille dans un puissant grondement métallique, faisant vibrer le cœur des nostalgiques, grâce à sa sonorité et ses caractéristiques d’un autre temps. Nous pensons à sa technique assez rustique – deux soupapes par cylindres, activées par un arbre à cames central – et également à sa très grosse cylindrée. A une époque où le propulseur d’une formule 1 (1.6 l) est plus petit que le jéroboam de champagne de la cérémonie du podium, un propulseur de 6.2 litres paraît venir d’ailleurs. 

C’est néanmoins le genre «d’anachronisme» dont nous nous réjouissons, tout comme l’absence de suralimentation. Bien sûr, la puissance spécifique souffre de ce non-gavage en air frais, avec à peine 77,7 ch/litre. Une valeur à comparer aux 187,5 ch/litre de la très récente McLaren 750S (4 l turbo, 750 ch). Oui, mais la britannique coûte environ le triple de notre Corvette Stingray Cabriolet, dont le tarif d’entrée de gamme est fixé à 115 900 francs. 

Assez disserté, c’est l’heure d’éperonner les 482 chevaux américains. Nous sommes loin de l’explosivité des blocs turbocompressés, mais la Corvette C8 prend aux tripes avec sa réactivité et avec son crescendo de violence, sur fond de musique hard rock. C’est grisant, mais on reste un peu sur notre faim, la faute d’une allonge décevante, en raison de son construction de moteur culbuté. Le rupteur intervient à 7000 tr/min déjà, on est loin des 9000 tr/min atteints par le V8 de la Ferrari 458 Italia. Heureusement, la boîte à double embrayage à huit rapports intervient en un éclair, et remet le disque depuis le début, le déchaînement de guitares électriques repart de plus belle. En pinaillant, on pointera le trop grand espacement entre les 3e et 4e rapports, mais le V8 encaisse cette faiblesse avec ses 613 Nm de couple maximal, disponibles à 4500 tr/min. Les valeurs sur le compteur numérique s’emballent, l’adrénaline monte, et la fiche technique vient chiffrer ce déchaînement de colère: Chevrolet promet un 0 à 100 km/h en 3,5 s, même si nous ne ferons pas mieux que 4 secondes. 

Formidable affaire

Les excellentes performances du groupe motopropulseur trouvent dans le châssis un allié de choix. Délesté du gros moteur, le train avant se place avec une précision millimétrique et un mordant inédit sur une Corvette. On pestera sur la trop grande légèreté du volant, juste le temps d’activer le mode Sport ou Track. Là, la direction devient lourde, virile, un brin artificielle même, mais plus adaptée à la chasse aux virages. La suspension se raffermit, les mouvements de caisses sont pour ainsi dire neutralisés. On se prend au jeu, la Corvette devient une arme d’une précision redoutable, elle éblouit par son savant mélange entre équilibre et caractère de «sale garçon»: le train arrière «enroule» ou se dérobe, c’est votre pied droit qui décide. Le freinage mérite le qualificatif de spectaculaire, entre puissance, ressenti de la pédale, progressivité et endurance. Et, lorsqu’on arrête de faire mumuse, la Corvette redevient presque aussi confortable qu’une GT, qui permet de faire de longues excursions, aussi en vertu de ses coffres avant et arrière généreux. Une philosophie qui évoque la Maserati MC20; si l’italienne se montre encore plus communicative et naturelle dans ses réactions, elle coûte aussi plus du double de la Corvette. En réalité, aucune autre sportive n’offre cette prestation à ce niveau de prix. On regrette bien entendu que la traditionnelle inflation du prix lors de la traversée de l’Atlantique, la C8  Stingray cabriolet coûtant à peine 73 395 dollars chez elle. Même ainsi, aux USA comme en Europe, l’américaine se pose une formidable affaire, sans doute plus que jamais.

Résultats

Note de la rédaction 87/100

moteur-boîte

Le moteur V8 à lubrification par carter sec enivre par ses puissantes notes métalliques, la poussée est poignante et exploitable. L’allonge laisse sur sa faim, on en attend plus d’un moteur atmosphérique. Passages de vitesses très rapides. 

trains roulants

La Corvette C8 peut tour à tour être une confortable GT ou une chasseuse de virages, à la fois équilibrée et joueuse. Une prestation mûre, qui laisse sans voix pour une «première» avec moteur central.

Habitacle

La position de conduite est très bonne, les matériaux bien choisis, l’équipement abondant et la finition excellente. Et les coffres sont spacieux!

Sécurité

Il y a bien quelques aides à la conduite présentes, mais on signalera surtout l’excellent dispositif de freinage.

Budget

Même s’il peut désactiver la moitié de ses cylindres, le V8 reste un assoiffé. Le prix d’appel est sans concurrence.

Verdict 

Pour un coup d’essai, c’est un coup de maître. La copie rendue par Chevrolet pour sa Corvette à moteur central est brillante tant les niveaux d’agilité, équilibre, mordant, efficacité et même facilité au quotidien sont épatants. Bien sûr, une Ferrari ou une McLaren seront encore plus pointues, performantes et envoûtantes, mais coûteront trois fois plus, sans être trois fois meilleures. Oui, la Corvette est une très bonne affaire.

Vous trouverez la fiche technique de ce modèle et les mesures effectuées par la RA dans la version imprimée et dans le e-paper.

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