A l’heure où le plus banal des véhicules électriques peut développer plus de 500 ch, les constructeurs de voitures de sport doivent se réinventer pour continuer à plaire. Pour cela, il leur faut proposer des voitures fun. Le meilleur exemple de cette nouvelle politique est peut-être l’«All-Terrain Competition Study» (ACS), un prototype de 911 tout-terrain créé en toute petite série à la demande d’un client par le célèbre préparateur californien Singer. Cette incroyable création, dévoilée début 2021, a donné une idée à Porsche.
Pensée pour évoluer sur pistes… sablonneuses ou caillouteuses, la Porsche 911 Dakar – il était initialement prévu de l’appeler «Safari», mais l’enseigne allemande s’étant fait piquer les droits de ce nom par l’Indien Tata, c’est Dakar qui fut finalement retenu – se distingue au premier coup d’œil par sa garde au sol rehaussée de 40 mm par rapport à une 911 Carrera standard. Le système de levage spécifique de série permet en outre de rehausser l’avant et l’arrière de la voiture de 30 mm supplémentaires. La 911 Dakar se distingue également par son tout nouveau spoiler arrière fixe assemblé en plastique renforcé à la fibre de carbone (PRFC) ainsi que par son capot avant, repris de la 911 GT3. Porsche lui installe également des anneaux de remorquage spécifiques rouges en aluminium à l’avant et à l’arrière, en plus des élargisseurs d’ailes et des éléments de protection de soubassement en acier. Sur le toit, la Dakar dispose d’un pré-équipement électrique sur lequel peuvent être branchés des projecteurs LED additionnels intégrés à une galerie de toit spécifique.
En option (31 670 francs), Porsche propose le Pack Rallye Design. Référence à la 953 ayant remporté le Paris-Dakar en 1984, celui-ci comprend la teinte extérieure bicolore blanc/bleu Gentiane, les bandes décoratives rouge/or et les jantes blanches. Quant au monogramme «Roughroads», c’est une référence à la marque de cigarette anglaise «Rothmans», qui sponsorisait justement la 953 des «eighties».
Des dessous de GTS
Techniquement, la voiture reprend la chaîne cinématique de la GTS. Optimisé pour être plus pointu, ce 6-cylindres biturbo 3 litres développe une puissance de 353 kW (480 ch) et un couple de 570 Nm. Malheureusement, Porsche ne propose pas la Dakar en boîte manuelle; seule la double-embrayage à 8 rapports a été retenue. Les pneus tout-terrain n’existant pas sur les voitures de sport, Porsche a mandaté Pirelli. Développés spécifiquement pour les 2500 exemplaires prévus de la Dakar, le Scorpion All Terrain Plus mesure 245/45 ZR 19 à l’avant et 295/40 ZR 20 à l’arrière. Particulièrement résistant aux crevaisons, même au niveau de ses flancs, il est doté d’une double carcasse. Les flancs de ces pneus étant plus larges, Porsche a réduit la taille des roues d’un pouce aux deux extrémités, ce qui a pour conséquence que les freins GTS ne conviennent plus, pas plus que les disques en carbone-céramique. Voilà qui explique pourquoi les freins plus petits de la Carrera S ont été retenus à la place. A noter que Porsche propose également des Pirelli P Zero (en version été et hiver), également à double carcasse, en option. Pour le reste, l’auto profite, toujours comme la GTS, de vitrages et batterie allégés. Ainsi, la Porsche 911 Dakar n’affiche pas plus de 1605 kg sur la balance selon les valeurs d’usine (1615 selon les mesures de la RA). C’est à peine 10 de plus qu’une 911 Carrera 4 GTS avec boîte PDK.
Authentique sportive
Avant de prendre le volant de la Dakar, d’aucuns s’attendaient à une 911 se cabrant à l’accélération, et piquant du nez au freinage, un peu à la manière de ces «Super Trucks» américains, qui prennent du roulis et tanguent lorsqu’ils s’affrontent sur circuit. Dans les faits, il n’en est rien. Si Porsche affirme certes avoir réduit le tarage des ressorts afin de tenir compte du tempérament tout-terrain de l’engin, ce dernier s’est révélé étonnamment très ferme, et ce pas seulement en mode «Sport». C’est clair, son assiette reste plate dans la plupart des situations. Certes, ce n’est pas très amusant mais l’aspect positif, c’est que la Dakar profite sur la route du dynamisme d’une authentique sportive. Plus impressionnant, la motricité jouit de l’incroyable grip des Pirelli. La preuve, la Porsche est capable d’abattre le 0 à 100 km/h en 3.7 s (selon les mesures de la RA). Toujours à propos de la monte offroad, il faut préciser que même à allure relevée, elle n’est pas vraiment plus bruyante qu’un pneu d’hiver. En fait, ce n’est qu’à très haute vitesse que les Pirelli révèlent leurs limites dans la mesure où ils ne peuvent pas dépasser les 240 km/h. De son côté, le flat-6 3.0 biturbo s’enrage dès 2500 tr/min et poursuit sa colère, linéaire mais violente, jusqu’à 6700 tr/min. C’est délicieux. Cela dit, si la Dakar avait hérité du flat-6 4.0 atmosphérique de la GT3, elle aurait certainement été encore mieux!
Rares seront sans doute les propriétaires de 911 Dakar à oser s’aventurer dans l’environnement pour lequel leur jouet a été conçu. Et pourtant, il serait dommage de ne pas en profiter sur un terrain de jeu adéquat. Avec une transmission intégrale privilégiant la propulsion, le nouveau mode «Rallye» est idéal pour les sols meubles et irréguliers. Le second, le mode «Offroad», active quant à lui automatiquement le niveau haut et offre une motricité maximale, parfaite pour les franchissements de petits obstacles. Dans le sable, ce niveau haut permet de bénéficier d’une garde au sol et d’angles d’attaque, de chasse et ventral plus ou moins équivalents à ceux d’un SUV classique. Voilà qui est pratique lorsque la sportive reste tanquée sur une dune. Cette position est disponible jusqu’à une vitesse de 170 km/h. Lorsque la voiture dépasse cette vitesse, elle reprend automatiquement son niveau de garde au sol normal. Lorsqu’elle est relevée au maximum, les suspensions sont figées. Par conséquent, la Dakar devient encore plus dure, à mille lieux de la sensation de tapis volant qu’offre par exemple les amortisseurs Fox du Ford Ranger Raptor. A propos de la comparaison avec les «vrais» 4×4, il est à noter que la Porsche ne dispose ni d’une boîte de transfert avec réducteur, ni de différentiels verrouillables mécaniquement. Si cela ne l’empêche pas de se rire des croisements de pont ou de franchir une profonde flaque de boue, la Porsche n’est en revanche clairement pas conçue pour faire du franchissement pur et dur, à la manière d’un Defender ou d’un Land Cruiser; en fait, la Porsche semble davantage pensée pour foncer à pleine balle dans un désert de sable. A propos des performances, il est à noter que le nouveau launch control «Rallye», disponible dans les deux nouveaux profils de conduite, assure une accélération exceptionnelle sur sols meubles et autorise près de 20 % de patinage des roues. Quant aux pneus, leurs motifs permettent de mordre dans le sol grâce à leur sculpture profonde. Bref, aucun défaut mais un regret tout de même: si la boîte robotisée à double embrayage fonctionne certes du tonnerre, on ne peut que regretter l’absence d’unité manuelle, qui aurait sublimé le tempérament de jouet de la 911 Dakar. C’est clair, on aurait pris bien plus de plaisir avec un vrai levier de vitesses.
Les baquets à écarter
Dans l’habitacle, Porsche a déposé les deux fauteuils d’appoint arrière afin de laisser davantage de place pour emporter bagages et provisions dans le désert. Reste que le chargement de ce volume n’est pas aisé lorsque les sièges baquets intégraux (prélevé à sa majesté GT3), proposés sans supplément, sont retenus (comme sur le modèle essayé dans ses lignes). Et pour cause, leur dossier n’est pas rabattable. Voilà pourquoi, même si ceux-ci sont magnifiques, il vaut mieux opter pour les sièges «sport adaptatifs Plus», rabattables.
Quiconque verra la Dakar comme une simple GTS surélevée la considèrera trop chère; la version rehaussée de la 911 coûte la bagatelle de 268 700 francs, soit près de 80 000 francs de plus qu’une Carrera 4 GTS coupé et près du double d’une Carrera standard, disponible à 137 100 francs! En revanche, celui qui la considérera comme un objet de collection, dont le prix va déjà jusqu’à avoisiner le demi-million de francs (véridique!) sur les plateformes d’occasion, pensera sans doute que Porsche aurait pu vendre sa pistarde du désert à un tarif encore plus élevé, la demande étant clairement là comme le pouvent les 2500 exemplaires, déjà tous écoulés. Bah oui, évidemment!
Une 911 des sables
Le pack Pack Rallye Design que porteront la grande majorité des 911 Dakar rend hommage à la 953 Rothmans. Cette voiture est née à l’initiative du célèbre pilote belge Jacky Ickx, qui a poussé le constructeur de Zuffenhausen à participer au Paris-Dakar et persuadé la marque de cigarettes Rothmans de sponsoriser cet engagement. Trois 911 Carrera 3.2, désignées 953 en interne, furent ainsi équipées d’une transmission intégrale, ainsi que de nombreux renforts. En plus de Ickx et de son copilote Claude Brasseur, le Français René Metge et son copilote Dominique Lemoine s’alignèrent au départ de l’édition de 1984. Au début, les concurrents «tout-terrain» ne prirent pas au sérieux la participation de Porsche, mais ils se rendirent vite compte de leur erreur. Bien que la 911 Carrera 4×4 de Jacky Ickx ait été endommagée dès la première journée de course, Metge réalisa une magnifique performance, remportant la victoire au général grâce au poids léger et à la forte puissance de la 911. Jacky Ickx quant à lui remonta de la 139e place à la 6e au volant de cette fabuleuse machine.
D’inédits accessoires
En plus du magnifique pack Rallye Design, Porsche propose d’inédits accessoires offroad. Parmi eux figure la galerie de toit avec projecteurs addditionnels offrant une capacité de charge de 42 kg. Celle-ci est suffisante pour emporter quelques équipements de rallye développés en interne comme les jerricanes d’eau ou d’essence, pelle pliante ou encore plaques de désenlisement. A noter que Porsche a également développé sa propre tente de toit. L’enseigne allemande propose en outre un pack désigné «Rallyesport». Equivalent offroad du pack Weissach, il propose un arceau arrière en acier, un extincteur «Motorsport» avec support en aluminium et une ceintures 6 points pour le conducteur. Malheureusement, celui-ci n’est disponible qu’en combinaison avec les baquets intégraux, peu pratiques (lire texte principal). Ce n’est pas tout. Les clients de la 911 Dakar peuvent en outre s’offrir la montre Porsche Design «911 Dakar» ou le Chronographe «911 Dakar Rallye Design Edition». Assemblées en Suisse, ces montres profitent d’un boîtier conçu en carbure de titane.
Résultats
Note de la rédaction 85.5/100
moteur-boîte
Le Flat-6 biturbo repris de la GTS se montre pointu comme il faut. La boîte à double embrayage ne prête pas le flanc à la critique mais une manuelle aurait été bienvenue.
trains roulants
Malgré un tarage de suspension spécifique, la Dakar s’est révélée très ferme, avec une assiette qui reste plate dans la plupart des situations. C’est efficace, à défaut d’être amusant.
Habitacle
Les finitions sont excellentes et il y a de l’espace pour les bagages mais il faut éviter de cocher les baquets intégraux en carbone sur le bon de commande.
Sécurité
Malgré des freins de Porsche standard, la voiture offre une excellente capacité à s’arrêter. Bien que présentes, les aides à la conduite sont inutiles sur ce genre de jouet.
Budget
A 268 700 francs, la Dakar coûte près du double d’une 911 standard. Néanmoins, son prix explose en occasion, jusqu’à atteindre le demi-million de francs parfois!
Verdict
Bien que taillée pour les déserts de sable, la 911 Dakar y crapahutera sans doute très rarement. Ce qui est bien dommage. Cela ne l’empêchera néanmoins pas de briller sur asphalte, où elle se révélera performante et confortable. Une magnifique alternative aux hyper SUV.
Vous trouverez la fiche technique de ce modèle et les mesures effectuées par la RA dans la version imprimée et dans le e-paper.