L’habit ne fait pas le moine, dit l’adage. Enfin, dans ce cas-ci, il vaudrait mieux dire: la voiture ne fait pas le pilote. C’est ce qu’ont prouvé le Neuchâtelois Jonathan Hirschi et son copilote Michael Volluz ce week-end, en remportant le classement suisse de la 75e édition du rallye Mont-Blanc Morzine. Inscrite au championnat de Suisse des Rallyes mais faisant partie du Championnat de France, l’épreuve a vu le pilote de Cernier s’illustrer une nouvelle fois, et ce au volant d’une Hyundai i20 N Rally2 qu’il n’avait jamais pilotée: «Cette voiture était une découverte. Je m’y suis bien acclimaté; nous avons adopté un bon rythme dès la première spéciale. C’est une bonne voiture. Après, ce n’est pas la meilleure auto avec laquelle il m’ait été donné de rouler. Je pense que c’est à la Citroën C3 Rally2 avec laquelle j’ai disputé le début du championnat que revient ce titre». Malheureusement, la Citroën, Hirschi a arrêté de la louer «parce que le team manager de Saintéloc Racing a arrêté en cours de saison et que la structure est un peu délaissée depuis lors», explique-t-il. Quant au troisième véhicule, il s’agit de la tristement célèbre Volkswagen Polo Rally2, partie en fumée au Monte-Carlo.
Ce changement de monture ne semble pas avoir perturbé le champion outre mesure, la Hyundai i20 ayant été magistralement emmenée par le pilote helvétique, qui prouvait une fois de plus tout son talent et sa polyvalence. En tête du classement suisse dès la première spéciale, Hirschi signait six meilleurs temps sur sept le premier jour. Le deuxième, il a su gérer son avance avec brio (décrochant tout de même un nouveau meilleur temps). À noter que le Neuchâtelois n’était plus copiloté par sa compagne Sarah Lattion, mais bien par son copilote de l’année dernière, Michaël Volluz.
Des concurrents de haut niveau
Le rallye du Mont-Blanc permet traditionnellement aux pilotes helvétiques d’évaluer leur niveau de performance, en prenant comme maître-étalon les ténors mondiaux du rallye sur asphalte que sont les pilotes français: «Mon objectif était de me classer parmi les dix meilleurs. Malheureusement, je n’y suis pas arrivé. Certes, j’ai l’excuse de la nouvelle voiture. Il n’empêche, je n’étais pas aussi bon qu’en début de saison», regrette le champion de Suisse 2022. Qui a terminé ce rallye à la douzième place du classement «scratch», à 4’28’’2 des vainqueurs, les Français Yoan Bonato et Benjamin Boulloud.
Derrière le Neuchâtelois, le Verbiérain Mike Coppens et son copilote Christophe Roux se sont bien démarqués, même si leur retour aux affaires s’est avéré plus compliqué que prévu, comme l’explique Coppens: «La dernière fois que je me suis assis dans une voiture de course, c’était lors du Rallye de Bourgogne, où j’étais malheureusement sorti de la route. Et comme j’ai été malade juste avant cette épreuve du Mont-Blanc, je n’ai pas pu participer aux séances d’essai. Par conséquent, je me suis retrouvé au départ de la première spéciale sans avoir roulé depuis deux mois. Aussi, il ne m’a pas été facile d’être tout de suite à 100 % dans le rythme.» Malgré cela, Coppens est tout de même parvenu à bien performer jusqu’au vendredi soir: «Avant notre tête-à-queue, nous n’étions qu’à 14 secondes de Hirschi. Le lendemain, nous nous sommes très bien battus. C’est donc un sentiment de travail accompli qui m’habite, d’autant qu’au vu de ces circonstances, je ne pouvais pas espérer beaucoup plus.» En troisième position, à 49’’7 d’Hirschi, Jonathan Michellod et son copilote Stéphane Fellay ont perdu la deuxième place du classement suisse du Rallye Mont-Blanc Morzine dans la dixième spéciale. «Dans un virage, j’ai été emporté trop loin vers l’extérieur et j’ai touché une pierre. Etant donné qu’il fallait changer la roue après la spéciale, nous sommes arrivés trop tard au point de contrôle et nous avons écopé d’une pénalité de dix secondes.»
Une Alpine fait le show
Au pied du podium, Sergio Pinto et sa copilote Charlène Greppin ont fait sensation en s’emparant de la quatrième place sur leur Alpine A110 R-GT. Pour eux aussi, le Mont-Blanc était un bon maître-étalon: «C’est toujours intéressant de pouvoir comparer ses performances à celles du peloton français, dont le niveau est très élevé. La comparaison de notre progression au kilomètre par rapport aux grands pilotes est intéressant. Evidemment, mon chrono se détachait clairement de celui du trio d’Alpine de tête, mais cela ne m’a pas empêché de réaliser de bonnes performances à mon niveau, avec un écart au kilomètre réduit par rapport aux années précédentes.» Derrière lui, on retrouve Thibault Maret, copiloté par Christophe Clerc, et sa Skoda Fabia R5, Yoan Loeffler, copiloté par Marine Maye, et sa Citroën C3 Rally2 et Sacha Althaus, sur Skoda Fabia Rally2. Ce dernier a participé au rallye avec sa sœur Coline, qui a pris place pour la première fois dans une voiture de cette catégorie. «Coline a progressé très rapidement et a fait un super travail», explique Althaus. Avant de continuer: «Malheureusement, nous avons été victimes d’une crevaison au début de la huitième spéciale, ce qui explique pourquoi nous n’avons pas fait mieux que septième.»
Au classement général du championnat helvétique, Hirschi occupe la deuxième place. Si le pilote de Cernier n’avait pas sauté la troisième manche du Championnat (en Bourgogne), il serait probablement en tête. Pour autant, sa victoire en fin d’année n’est absolument pas assurée puisque la question de sa participation au Rallye du Tessin, fin septembre, n’est pas encore tranchée («J’ai encore deux semaines pour me décider»). Une chose est certaine: même avec un rallye de moins à son actif, Hirschi peut représenter une menace pour le leader du championnat, Jonathan Michellod. Actuellement, le classement va en faveur de ce dernier, qui possède 136 points, contre 119 pour Hirschi. Mais le plus mauvais résultat de Michellod restera encore à biffer. Le «Ticino» étant un rallye de type 2, le vainqueur se verra octroyer un maximum de 35 points. Par conséquent, il est tout à fait possible que le Valaisan obtienne peu ou pas de points au Tessin. «Il est certain que le reste de la saison ne sera pas une sinécure», déclare Michellod.
Dans la catégorie historique (VHC), Marc Valliccioni, sous licence française, est monté sur la plus haute marche du podium. La deuxième place a été attribuée à Pascal Perroud, qui a de nouveau remporté le classement suisse et qui est en tête du classement général avec une confortable avance. La troisième place est allée à Eddy Tapparel sur Porsche 911 SC et la quatrième à Danny Bender (Opel Kadett). Prochain rendez-vous dans le Tessin, les 29 et 30 septembre.
Rififi sur le podium
Difficile de parler du Rallye du Mont-Blanc sans évoquer les deux polémiques qui ont éclaté lors de la seconde manche française du Championnat de Suisse des Rallyes et qui entachent depuis lors la compétition. Elles concernent les trois meilleurs pilotes de la discipline que sont le Neuchâtelois Jonathan Hirschi et les Valaisans Mike Coppens et Jonathan Michellod. La première touche plus particulièrement Michellod. Selon plusieurs sources concordantes ayant toutes souhaité rester anonymes, Michellod, après avoir crevé, se serait servi d’un pneu de secours Pirelli (alors qu’il roule en Michelin) de l’un de ses coéquipiers pour disputer la spéciale suivante, ce qui est interdit. Lui se défend en arguant une erreur commise par un mécanicien, qui se serait trompé de pneu, chargeant le Pirelli dudit coéquipier dans sa voiture bien avant la spéciale. Indépendamment de qui a raison et de qui a tort, il est dommage de voir une telle polémique éclater autour de celui qui a toutes les chances d’être le prochain champion de Suisse des rallyes.
La seconde controverse concerne Mike Coppens et Jonathan Hirschi. Il y aurait de l’eau dans le gaz entre les deux pilotes suite à leur accrochage lors du Rallye du Chablais. Le différend n’ayant pas été résolu après la manche helvétique, les deux équipages en colère y sont revenus lors du shakedown du Rallye du Mont-Blanc, et ce au vu et au su de nombreux autres pilotes. Voilà qui présente là aussi une bien piètre image du sport automobile helvétique. Le rallye est une magnifique discipline. La scène du championnat de Suisse est déjà toute petite (voir la diminution du nombre des équipages inscrits). Aussi est-il regrettable que ses leaders ne puissent se comporter en gentlemen, en se «bagarrant» à la régulière, avec justesse et élégance. D’autant qu’ils ont un devoir d’exemplarité face aux nombreux jeunes (pilotes, mais aussi spectateurs) qui les admirent. Espérons que toutes ces polémiques finissent par se régler dans le calme et la sérénité.