Trop c’est trop. Parmi les nombreuses voix s’opposant au paquet de mesures Via sicura, on retrouve celle d’Ulrich Giezendanner. Le conseiller national UDC, qui est aussi à la tête d’une entreprise de transports, déplore l’inefficacité des mesures, malgré la sévérité des peines.
Revue Automobile: Comment jugez-vous le train de mesures Via sicura, près de cinq ans après leur entrée en vigueur?Les efforts nécessaires à leur application ont-ils été repayés?
Ulrich Giezendanner: Tous ces efforts n’en ont pas valu la peine jusqu’à présent, je juge le rapport coûts-utilité très mauvais. J’attends à l’avenir des améliorations significatives grâce aux amendements proposés. Il est absolument impératif d’augmenter leur utilité.
Comment jugez-vous l’interdiction stricte de consommer de l’alcool pour les jeunes conducteurs et les chauffeurs de poids-lourds? La sécurité routière en tire-t-elle vraiment bénéfice?
Il est impératif de rester attaché à cette interdiction pour les chauffeurs de poids lourds et les conducteurs néophytes. L’alcool au volant est à l’origine d’un trop grand nombre d’accidents évitables. Je suis fermement convaincu que de telles dispositions profitent à la sécurité routière.
Que pensez-vous de la discussion autour du permis de conduire à l’âge de 17 ans? La sécurité routière tirera-t-elle parti de cette mesure?
J’en suis convaincu aussi. Cette disposition, telle qu’elle est projetée, prévoit une année de conduite accompagnée pour le jeune conducteur. Il devrait donc en profiter. En effet, nous savons que beaucoup de jeunes conducteurs sont impliqués dans des accidents graves de la circulation à cause de leur manque d’expérience. Une phase pratique plus longue est peut-être un moyen d’y remédier.
La formation obligatoire durant la phase probatoire devrait passer de deux à un jour. Est-ce que la formation continue en bénéficiera?
Absolument, car la première journée était gonflée artificiellement, les participants n’y apprenaient pas grand-chose. Les efforts administratifs nécessaires à sa tenue étaient beaucoup trop importants par rapport aux résultats. Nous parvenons au même résultat avec une seule journée de formation. Le gain en temps et en argent est réel.
Le Parlement a décidé de reporter de la 70e à la 75e année l’âge du premier contrôle médical obligatoire. Cette décision contribue-t-elle à une augmentation de la sécurité routière?
Cette décision judicieuse jouit du soutien de la majorité des médecins. Les personnes âgées sont aujourd’hui plus actives et en meilleure santé que jadis. Il faut tenir compte de cette évolution en adaptant les lois. En outre, cette nouvelle disposition va dans le sens d’une harmonisation avec l’Union européenne.
«La Suisse est devenue le royaume de l’arnaque en matière d’amendes»
Ulrich Giezendanner
La commission des transports du Conseil des Etats peut obtenir un assouplissement des dispositions prévues pour le délit de chauffard, grâce à une motion. Le juge se verrait ainsi accordé une marge d’interprétation. Soutenez-vous cette position?
Je soutien totalement cette position. En effet, ce sont les juges, et non pas les politiques, qui doivent réprimander de façon appropriée les infractions au code de la route. Aujourd’hui, ils ont les mains liées par un régime de sanctions trop rigoureux et ne peuvent, par conséquent, pas tenir compte des circonstances. Cela doit changer.
Y a-t-il des différences de mentalité entre les automobilistes de Suisse alémanique d’une part et, d’autre part, ceux de Suisse romande et du Tessin?
Les statistiques disent que non, mais j’ai la sensation qu’il y a des différences. Les automobilistes romands et tessinois interprètent peut-être les lois de façon plus libérale que les automobilistes de Suisse alémanique. Je suis toutefois incapable de le prouver, ce n’est qu’une supposition.
L’initiative «Stop aux excès de «Via sicura» s’est soldée par un échec, faute de signatures. Cela vous surprend-t-il?
Non. Les exigences formulées par ses initiateurs étaient trop radicales et exagérées. Il faut incontestablement maintenir des garde-fous en matière de circulation routière. En ce sens, l’échec de l’initiative ne me surprend pas.
Que pensez-vous de la possibilité de doubler à droite sur les autoroutes? Engendrerait-elle une fluidification du trafic ou plus de dangers?
L’Office fédéral des routes (Ofrou) examine la possibilité de devancer une automobile par la droite, mais sans se rabattre. Cette mesure induit une augmentation bienvenue des capacités autoroutières. On applique cette mesure aux Etats-Unis depuis de nombreuses années. En revanche, un vrai dépassement (avec rabattement) sème le trouble et augmente les dangers.
Par rapport à l’étranger, la Suisse est-elle trop sévère ou trop laxiste sur les sanctions prévues pour les infractions au code de la route?
Par rapport à l’étranger, la Suisse est devenue le royaume de l’arnaque: les amendes sont beaucoup trop lourdes. En Allemagne, par exemple, elles sont quatre fois moins chères. Ce qui prime, ce n’est pas tant le message préventif que l’augmentation des revenus pour l’Etat. On fait fausse route, selon moi.
Comment expliquer que l’Islande, la Suède, les Pays-Bas, la Grande-Bretagne et la Norvège fassent mieux que la Suisse sur le plan de la sécurité routière?
La Suisse a une géographie et une topographie très différentes par rapport à ces pays. En outre, la densité du trafic est beaucoup plus grande en Suisse qu’en Islande ou en Norvège.
En 2016, 216 décès ont été recensés à cause d’accidents de la circulation routière. Où peut-on intervenir pour réduire ce chiffre de façon significative?
Malgré l’augmentation du parc de véhicules motorisés, la tendance est fortement à la baisse. On ne peut que s’en réjouir. Une mesure d’amélioration radicale pourrait être de séparer strictement la mobilité douce du trafic motorisé, afin d’éviter toute possibilité de collision. Mais cela ne restera qu’un vœu pieux.