MEANIE: LA SUISSE RECONSTRUIT DES VOITURES!

Elle est petite, a un air méchant et est homologuée sans restrictions. Et ce, pas seulement en Suisse, mais sur tout le territoire de l’UE. Il est question de «Meanie», la création d’un jeune ingénieur suisse, un spécialiste de chez Emil Frey.

Ne vous fiez pas aux apparences. Cette petite boule de muscles présentée le 21 novembre à la presse dans les locaux de l’Emil Frey Classic Center ressemble bel et bien à une Mini mais, hormis sa carrosserie, cette voiture neuve n’a absolument rien à voir avec la création de 1959 du génie Alex Issigonis. Le géniteur de cette nouvelle voiture d’environ seulement 3 m de long s’appelle Raffael Heierli. Il s’agissait à l’origine d’un mémoire de fin d’études. Mais, grâce à l’appui de l’Emil Frey Group et, en particulier, à l’enthousiasme de Walter Frey, l’ingénieur diplômé de l’Ecole supérieure de technique de Rapperswill SG a maintenant pu dévoiler sa petite série de cinq voitures, la «Meanie». La réminiscence de son nom d’origine n’est bien évidemment pas fortuite et le logo, un loup dans une peau de mouton, file la métaphore. En effet, cette Mini – pardon – Meanie possède des entrailles d’une conception totalement inédite: un moteur turbo suralimenté de 2 l de VW Golf GTI qui entraîne les roues arrière et développe une puissance de 220 chevaux pour un poids à vide de seulement 850 kg.

Oui, vous l’avez bien lu, la Meanie est une voiture de sport à moteur central. Sous ses apparences de classique – la carrosserie de Mini est fabriquée en tant que pièce de rechange flambant neuve par British Motors Heritage sur de vieilles machines-outils originales – se dissimule un solide châssis tubulaire à arceau-cage intégré. A cela s’ajoutent des berceaux auxiliaires spécifiques pour le train avant et le groupe motopropulseur. Les suspensions correspondantes, à bras transversaux
à l’avant avec fusées d‘essieu de Mini modifiées et à bras longitudinaux tirés à l’arrière, sont également sorties de sa propre imagination. Pour encore plus de sportivité, les bras oscillants et les tirants ne sont pas articulés sur des silentblocks, mais des rotules Uniball. L’intention est évidente: la Meanie est une pure machine à limer le bitume.

Derrière le petit couvercle de malle qui s’ouvre vers le bas, on ne découvre pas le minuscule coffre habituel, mais un impressionnant échappement spaghetti, minutieusement revêtu de films d’isolation thermique – l’œuvre du service course d’Emil Frey situé juste en face de l’atelier de production de la Meanie. A l’avant, sous le «capot moteur», trône un radiateur du moteur turbo Volkswagen. Dans l’habitacle, les différences par rapport à la britannique originale se poursuivent: l’ergonomie, qualifiée de lacunaire par le constructeur de la Mini Issigonis lui-même, est tout à fait acceptable dans la Meanie contemporaine. En effet, le colonne de direction placée de manière très verticale et décentrée dans la Mini originale décrit un angle plus habituel dans la Meanie. A la différence d’un volant à airbag des ultimes itérations de la Mini du siècle dernier, on est maintenant en présence d’un volant Sport, sans la moindre fioriture.

Avec la débauche de tubes tout autour des portières, sous et au-dessus du tableau de bord, le long des montants avant et centraux et derrière les sièges baquet, la sécurité passive de la Meanie inspire tout de même beaucoup plus confiance que celle qui lui a fait don de sa carrosserie. Le harnais y contribue aussi, si l’on s’y glisse, comme dans un étroit corset. Il vaut mieux être bien sanglé dans son siège. La Meanie ne demande en effet qu’à laisser libre cours à son tempérament. C’est d’ailleurs ce qu’elle a fait lors d’un premier galop d’essai avec le fils du patron et pilote automobile, Lorenz Frey. La Meanie est créditée de moins de quatre secondes pour le 0 à 100 km/h et, grâce aux freins à disques, la décélération jusqu’à l’arrêt complet est «eye-popping», comme disent non sans humour nos amis britanniques. Une instrumentation classique sur le tout petit tableau de bord placé au centre donne au pilote toutes les informations nécessaires. Actuellement, l’équipement est plutôt spartiate, mais il y a encore une grande marge de manœuvre pour d’éventuelles préférences individuelles.

L’initiateur de la Meanie connaît sur le bout des doigts ce qu’il faut impérativement installer dans cette voiture et ce que l’on peut s’offrir en option. Lors de la conférence de presse, son concepteur Raffael Heierli a fait circuler dans les rangs des journalistes rassemblés un ouvrage de 350 pages: le descriptif produit de tous les composants devant être contrôlés pour l’homologation de la Meanie. En effet, la Meanie est une voiture neuve construite spécifiquement en conformité avec la réglementation communautaire pour les véhicules de petite série produits à moins de mille unités par an. Sur la plaque signalétique figure le nom de l’entreprise dans laquelle la Meanie est construite, chez Emil Frey, à Safenwil: Roos Engineering. Au fait, si vous vous entretenez avec l’ingénieur Heierli, vous serez tenté de suggérer au jeune homme de briguer aussi un diplôme de docteur en droit. Ce spécialiste des constructions mécaniques connaît maintenant sur le bout des doigts la majorité des passages de texte des dispositions d’homologation de l’UE avec leurs exceptions et leur application dans la pratique.

Quatre des cinq Meanie sont d’ores et déjà vendues et, comme l’a précisé le gérant de l’Emil Frey Classic Center, Thomas Valko, un exemplaire bleu facturé au prix «d’une Porsche Carrera 4S» est encore disponible. C’est évidemment beaucoup d’argent mais, si l’on tient compte de tout le travail qu’il a fallu accomplir, en particulier pour le processus d’homologation, on relativise tout de suite les choses. La Meanie a même dû subir un test de collision. Comme l’a expliqué Raffael Heierli lors de la visite guidée de l’atelier de production, les prestations de garantie et de services usuelles s’appliquent elles aussi à la Meanie.

Reste donc une ultime question: pourquoi cinq voitures seulement? «Emil Frey est au premier chef un importateur, et non un constructeur», nous a-t-on répondu. Mais le savoir-faire, la connaissance de la jungle des prescriptions d’homologation de l’UE et les certificats de contrôle représentent un acquis sur lequel on pourrait capitaliser. Certes, Raffael Heierli ne sait pas encore exactement ce qu’il va se passer après la Meanie – les voitures vont être livrées toutes ensemble à leur propriétaire en 2018 – mais il est permis de spéculer. N’y a-t-il pas en effet un grand nom de l’histoire de l’automobile suisse qui attend depuis longtemps de renaître à la vie, même s’il ne devait s’agir que d’une petite série…

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