Je sens la couleur orange s’en_ ammer dans ma rétine en m’approchant de la Renault Mégane R.S. de bon matin, encore à moitié endormi. Peut-être même qu’un petit nuage de fumée s’élève, comme lorsqu’un laser est à l’oeuvre. Mais une fois installé dans le baquet Recaro, plus trace d’engourdissement matinal. Le devoir m’appelle. Pas à la rédaction, non, ça viendra plus tard. Ce matin, mon poste de travail est au volant. Celui de la Mégane R.S. en l’occurrence, une voiture dont la vocation n’est pas simplement de déplacer son conducteur de A à B. Le moteur de la bête se manifeste déjà bruyamment au démarrage et le mode de conduite choisi n’y change pas grand-chose. La boîte EDC m’aide au moins à sortir avec prudence de ma place de stationnement, même en l’absence de caméra de recul. Une lacune comblée par un bip un tantinet énervant dès lors que la marche arrière est enclenchée. Déjà, la métamorphose du conducteur de tous les jours en pilote est à l’oeuvre. Mes sens sont aiguisés, même en regardant dans le rétroviseur.
La route perçue autrement
En circulant sur un itinéraire connu au
volant de la Mégane R.S., vous découvrez cette route d’un oeil nouveau. D’abord
parce que Renault n’a pas ménagé ses efforts pour qu’aucun détail du revêtement
ne vous échappe. La moindre rainure transversale ou plaque d’égout mal alignée,
tout est retransmis sans _ ltre même si le véhicule que vous avez conduit
précédemment n’exigeait pas de précaution particulière. Et si cela ne vous
convient pas, vous avez le choix entre deux options: abandonner la voiture et
prendre le bus, ou alors tenter de contourner les «obstacles». Comme on peut
supposer que personne ne se retrouvera par erreur au volant d’une telle
voiture, nous partons du principe que le trajet va se poursuivre et révéler un
autre aspect de la Mégane R.S. Trophy: le moindre mouvement de volant prend
beaucoup d’ampleur déjà en ville, alors j’imagine déjà la précision et le
retour d’informations de cette direction aux vitesses plus élevées pour
lesquelles cette voiture est faite, sur circuit notamment. Car c’est à cette
tâche que la Mégane R.S. Trophy se destine en priorité.
Assemblée chez Alpine
R.S., GTI, GSi et consorts: autant de suf_
xes associés à des voitures de tous les jours dopées au niveau de la puissance.
On pourrait dire que la compacte de Renault en fait partie. Mais, à la
différence des modèles concurrents, la R.S. ne sort pas de la même ligne d’assemblage
que la Mégane du commun des mortels. Non, elle est issue des halles prestigieuses
de l’usine Alpine de Dieppe (Normandie), où est également produite la voiture
de sport à moteur central A110, dont elle partage le groupe motopropulseur. Pas
étonnant, dès lors, que la Renault R.S. Trophy soit beaucoup plus
intransigeante sur le plan sportif que maintes concurrentes. Il n’y a pas eu de
programme d’assouplissement au cours de son développement et cela se remarque. Le
diamètre des disques de freins Brembo ne mesure pas moins de 355 millimètres à
l’avant et 290 mm à l’arrière. Et pour réduire, tant que faire se peut, les
masses non suspendues, les éléments porteurs sont faits d’aluminium, seules les
surfaces de friction étant en acier. Ces freins exigent une attaque déterminée,
mais mordent ensuite avec force et fournissent des valeurs de décélération
supérieures à la moyenne. Les amortisseurs de la Mégane R.S. sont munis d’une
butée hydraulique et la direction sur les quatre roues 4Control rend la voiture
plus agile à faible allure (braquage en contrephase), tout en améliorant la
tenue de cap aux vitesses élevées (braquage en phase). Le découplage des fusées
d’essieu avant favorise la réactivité de la direction, tandis que les bras de
suspension en aluminium forgé contribuent, eux aussi, à réduire les masses non
suspendues.
Savoureux autobloquant mécanique
Le train avant vous tient toujours informé de
l’approche de la limite d’adhérence, sachant que la Renault Mégane R.S. af_ rme
une tendance plutôt sous-vireuse, comme on peut d’ailleurs s’y attendre d’une
pure traction. Les qualités sportives de la R.S. Trophy sont mises en évidence
par le fait que les effets de couple du train avant ne sont pas apprivoisés par
des aides électroniques, mais par un savoureux autobloquant mécanique
fonctionnant selon le principe Torsen. Un verrouillage est bel et bien
nécessaire, car aucun train avant ne serait capable d’absorber une puissance de
300 ch et un couple de 420 Nm en toute impunité. Le différentiel à glissement
limité est mis à rude contribution dans les enchaînements. Il manifeste également
sa présence par quelques tiraillements dans le volant.
Sportive très tonique
Le moteur turbocompressé de 1,8 litre se
montre très réactif. Ce quatre-cylindres émet une belle sonorité, même en mode
Confort, et délivre le couple stupé_ ant de 420 Nm en version EDC, comme déjà
précisé. C’est dire si les accélérations départ arrêté sont époustou_ antes. Et
pour peu que cela s’avère nécessaire, ce qui sera rarement le cas sinon pour
éprouver des sensations fortes, le Launch Control – il fait partie de la
dotation de série – permet de grappiller encore une poignée de millisecondes.
Par ailleurs, les conducteurs de R.S. Trophy ayant choisi sciemment le Tonic
Orange – ce qui n’est pas notre cas – ne devront pas s’étonner si d’autres
automobilistes les regardent de travers pour avoir choisi cette couleur
voyante, réservée d’ordinaire aux véhicules de la voirie. Notamment lorsqu’ils
arrivent comme une fusée par derrière, mettent leur clignotant et effectuent un
dépassement éclair. Une manoeuvre qui se rèvèle d’une simplicité déroutante
avec la Renault R.S. Trophy, et qui pourrait, d’ailleurs, facilement vous faire
passer pour un chauffard. Ou alors, sur circuit, vous pousser à vouloir
humilier des conducteurs au volant de voitures de sport beaucoup plus chères et
prestigieuses.
Taillée pour les Trackdays
Vous l’aurez compris, la Mégane R.S. est l’outil
idéal pour les Trackdays. Car sur route, comment cette compacte orange pétant –
également disponible en jaune Sirius sur demande – pourrait-elle faire la
différence par rapport aux autres modèles de son segment? Cela dit, la sportive
fabriquée à Dieppe permet de se faire plaisir, même aux vitesses légales. Comme
évoqué précédemment, la furie du Losange y met du sien, même si la boîte
automatique à double embrayage EDC fait une bonne partie du travail à votre
place. Reste la boîte manuelle, qui fera peut-être l’objet d’un autre test. Sur
le tarif Renault, il est indiqué qu’elle coûte 1700 francs de moins que l’EDC.
Mais elle génère, aussi, beaucoup de plaisir au volant. Et pas seulement sur
circuit (la Renault Mégane R.S. Trophy-R détient actuellement le record des
voitures à traction avant sur la Nordschleife du Nürburgring, en 7’40,1’’),
mais également dans la vraie vie, celle de tout automobiliste responsable, faut-il
le préciser.
Au mieux de sa forme
Trêve de bavardage: la R.S. Trophy n’est pas
simplement une Mégane plus sportive, c’est LA version sportive, bien entraînée
et au mieux de sa forme. Le châssis Cup est raidi de 30% au niveau des
ressorts, de 20% pour les amortisseurs et de 10% pour les barres antiroulis.
Quant aux 300 chevaux extraits du bloc turbocompressé de 1,8 litre de
cylindrée, ils sont le fait d’une mécanique élaborée. Ce qui ne veut pas dire
délicate, car on peut supposer que les ingénieurs de Renault savent ce qu’ils
font. Le turbocompresseur Twin Scroll, pour ne citer que cet organe mécanique,
est équipé de paliers en céramique.
Un prix qui fait plaisir
De toute façon, même si ce n’est peut-être
pas forcément nécessaire, il faut accorder à la Renault Mégane R.S. une phase d’échauffement
avant d’en extraire tout le potentiel. Et rendons hommage à cette voiture si
clairement dédiée au plaisir de conduire, un aspect qui pourrait être sacri_ é
très facilement sur l’autel des questions environnementales. D’autant plus que
son prix, lui aussi, fait plaisir: si l’exemplaire testé est facturé 51 800 francs,
le tarif de base ne s’élève, pour ainsi dire, qu’à 38 900 francs pour la R.S.
et à 42 400 francs pour la R.S. Trophy, sans les options.