Jamais le Salon de Genève n’avait connu de veille aussi difficile. En plus des 17 marques absentes, un record, le Geneva International Motor Show (GIMS) devra composer avec la menace du coronavirus. La crainte de pandémie a eu la peau du Mobile World Congress, la manifestation dédiée à l’électronique de consommation. Même le Salon des inventions, initialement prévu du 25 au 29 mars, a été repoussé en septembre (à l’heure où ces lignes sont imprimées, le Salon de l’auto de Genève est bien maintenu). Toutefois, en dépit de ces vents contraires, Genève continue de disposer de forts atouts pour se consolider comme le principal Salon européen. Olivier Rihs, directeur sortant de la manifestation, en est convaincu.
Revue Automobile: A quelques jours du début de l’ouverture du Geneva International Motor Show (GIMS), quel sentiment vous habite?
Olivier Rihs: Le GIMS, c’est une expérience humaine extraordinaire. Je suis heureux de la partager avec les gens de Palexpo. Je suis aussi stupéfait de voir l’engouement et l’investissement fait par les marques pour monter leurs stands. On a trop tendance à parler de ceux qui ne sont pas là; moi, je m’attarde sur ceux qui seront présents. Les marques absentes représentent 25% du volume de ventes du marché suisse, cela signifie, a contrario, que les 75% restants, dont pratiquement toutes les marques du top 10, seront à Genève.
Comment gère-t-on la défection de 17 marques?
On propose de nouveaux concepts, on fait venir de nouvelles marques, on élargit l’écosystème à la mobilité en général. On doit aussi se focaliser sur ceux qui viennent, en leur apportant tout le soutien logistique dont ils peuvent avoir besoin.
Les marques ne viennent-elles pas en raison de la baisse de visiteurs, ou les visiteurs ne viennent-ils pas à cause des absences?
A mon sens, il faut toujours avoir du contenu au départ. Lorsque vous créez une plateforme en ligne, vous devez avoir un certain contenu, sinon les gens ne reviennent plus. Nous espérons qu’avec nos nouveaux concepts, nous parviendrons à créer une base pour le futur qui fera venir le public. Il faut toutefois bien se dire que vous ne retrouverez jamais les Salons tels qu’ils existaient il y a 5 ans.
A-t-on touché le fond au niveau des défections ou doit-on s’attendre à de nouvelles?
Difficile à dire ce qui se passera dans le futur; les choses évoluent très vite et en profondeur. Je rappelle que la Fondation du Salon de l’Automobile est une organisation à but non-lucratif qui doit équilibrer ses comptes à moyen terme. Le Conseil de fondation devra analyser si les conditions-cadres et la volonté des marques pour pouvoir le faire existent toujours, et prendre une décision rapide en la matière.
La situation actuelle autour du coronavirus peut-elle menacer l’édition 2020 du Salon?
Nous travaillons actuellement avec différents scénarios possibles. Nous espérons que les signes soient positifs mais, si une pandémie devait se développer et toucher la Suisse, on risque, en conséquence ultime, d’annuler le GIMS. Nous avons une cellule qui travaille là-dessus, communiquons beaucoup et travaillons étroitement avec l’Office de la santé publique et l’office cantonal de la santé. Nous nous en tiendrons à leurs recommandations. Aujourd’hui, d’un point de vue rationnel, il n’y a pas de raison de s’affoler; une grippe normale en Suisse est tout aussi dangereuse que ce virus.
Avez-vous sous-estimé l’un ou l’autre aspect dans la préparation?
J’ai trouvé ce à quoi je m’attendais. Il faut, pour répondre aux défis qui attendent le monde des Salons, investir. Il va falloir amener de nouvelles personnes et de nouveaux talents, pour gérer la numérisation et les différentes demandes. Il faut aussi être beaucoup plus proactif, on ne peut plus se contenter d’attendre que les constructeurs viennent à nous pour participer. Les marques ne viennent plus toutes seules. En ventes pures, les marques savent qu’ils n’auront jamais de retour sur investissement sur la période du Salon; le retour se fera plutôt au niveau de l’image. Ce sont les constructeurs qui décideront de l’avenir du GIMS.
Est-ce que les Salons tournés vers la vente ont plus de chance de survivre?
Cela dépend, c’est aussi une question de tradition. Le Salon de Bruxelles, par exemple, lance vraiment les ventes de véhicules, on parle de 50% des ventes annuelles aux personnes privées qui se font durant cette période. Ce sont des infrastructures beaucoup plus légères, mais qui ne sont pas moins intéressantes. Genève a plutôt ambition d’être vitrine de l’industrie et de la mobilité. Ce sera aux marques de choisir si elles veulent toujours ce genre de plateforme, ou si elles préfèrent se tourner vers des shows orientés vers la vente.
Certaines marques absentes auraient des nouveautés à présenter. Cela vous fâche-t-il?
Les absents ont toujours tort. Cependant, on ne peut pas en vouloir à des groupes qui perdent de l’argent et qui investissent des sommes énormes dans la transformation de l’industrie et de leur outil de production. On ne peut pas leur en vouloir de choisir les canaux qui leur semblent les plus pertinents pour leur promotion.
Qu’en est-il de votre succession?
Le Conseil de fondation du Salon de Genève est à bout touchant du processus de sélection, il y a quelques candidats encore en lice. Cela sera communiqué en temps et en heure.
Nous avions su très à l’avance que vous reprendriez la succession de M. Hefti. Là, à quelques semaines du Salon, on ne connaît toujours pas votre successeur. Pourquoi?
M. Hefti a pris sa décision de partir à la mi-2018. Moi, ma décision de m’en aller a été prise en octobre 2019. Le Conseil de fondation a besoin de temps pour se retourner et effectuer un processus de sélection.
Vous n’avez aucun regret de partir si tôt?
Non. Lorsqu’on m’a demandé de reprendre ce poste, j’ai saisi la chance. Je ne retrouverai certainement jamais le côté passionnant qu’il y a à Genève. De l’autre côté, il y a des aspects privés qui entrent en jeu; il faut mettre tout ça dans la balance. J’ai pris la décision de partir, je la regretterai peut-être plus tard, même si ce n’est pas mon habitude.
Le GIMS a-t-il toujours la capacité de rester le seul Salon européen?
Nous avons parlé avec les autres organisateurs des Salons: on sait que le gâteau n’est plus assez grand aujourd’hui pour permettre à deux Salons annuels de survivre. Les marques devront faire le choix. Nous, de notre côté, avons fait le travail nécessaire pour montrer qu’il y a de nouveaux concepts, de nouvelles idées et poser une base pour l’avenir.