«On ne se ferait pas un roadtrip au Maroc?» Comme beaucoup de chouettes aventures, celle qui nous occupe a débuté lors d’un dîner bien arrosé entre amis. Un peu folle de prime abord, l’idée ne mettra pas plus de quelques minutes à rallier tous les suffrages. Mais encore, sous quel format? «Au diable les véhicules de location, nous pourrions descendre avec nos propres voitures, rouler jusque dans le sud de l’Espagne, traverser Gibraltar en Ferry avant de rallier le désert». Quant à la question de prendre les services d’un guide, elle ne tarde pas à être balayée de la table: «Avec les applications internet, les GPS et toute la documentation, s’orienter dans le désert ne paraît pas bien compliqué», explique le plus «connecté» des convives. Certes, mais en cas de panne? «Eh bien, nous trouverons bien un village à proximité pour nous dépanner!» La messe était dite. Il n’en reste pas moins que se lancer dans pareille expédition sans expérience, sinon celles de quelques courts séjours en Afrique, était quelque peu osé voire carrément inconsidéré. Mais ne dit-on pas que l’insouciance est le propre de la jeunesse? On le dit…
N’étant tout de même pas complètement déraisonnés, nous nous rendons bien vite compte que pareil voyage demande à tout le moins une certaine préparation. Ainsi, en plus de prendre plusieurs renseignements auprès d’organisateurs de roadtrips, et réserver les tickets du ferry, nous nous attelons à la transformation des véhicules qui nous serviront de montures pour le raid.
L’heure du départ
Huit mois mois plus tard, ce sont pas moins de quatre 4×4 (deux personnes par véhicule) qui s’alignent au départ. Et il y en a pour tous les goûts – et tous les prix! La plus petite, qui est sans doute aussi la plus mignonne, n’est autre qu’une Suzuki Vitara de 1998. Achetée d’occasion quelques mois avant le départ au prix de 2600 euros, elle a subi quelques transformations parmi lesquelles l’installation de sièges baquets ainsi que la pause d’une rampe LED. A ses côtés, les deux maîtres du désert, des Land Rover Defender 110 «TD4» (un «Station Wagon» et un «Crew Cab»), profitent, tous deux, de nombreuses modifications, comme des aménagements intérieurs spécifiques, des pneus All-Terrain à flancs renforcés, des coquilles de protection sur les différentiels avant et arrière, en plus d’un réservoir à carburant additionnel. «Last but not least», le Volkswagen Amarok est certainement le véhicule le mieux équipé de la cordée; en plus de posséder la plus grande majorité des accessoires déjà cités, il dispose sur sa galerie de toit d’un grand bidon d’eau, d’une douche et d’une tente.
Une semaine et demie, pas plus
Notre caravane n’étant composée que de jeunes travailleurs, notre voyage durera une semaine et demie, pas plus. Forcément, cela limite le temps de visite des régions traversées. Par conséquent, la partie européenne du voyage est accomplie à allure grand V. Eh oui, l’objectif est de profiter au maximum du Maroc. Ainsi donc nous dormons au nord de l’Espagne le premier soir et à Algésiras, au sud, le deuxième.
La ville bleue
Le lendemain, le réveil sonne tôt. Non sans raison, le ferry prend la mer à 6h30, et l’attente à la douane peut s’avérer compliquée. Mais tout se passera bien. Très courte, la traversée ne nous laisse que deux petites heures de répit. Que nous mettons à profit pour terminer notre nuit; c’est que la journée s’annonce plutôt longue. Au sortir du bateau, nous quittons rapidement le port de la ville de Ceuta afin de rallier Chefchaouen. Plus de 100 km nous sépare de ce premier «checkpoint», où nous avons rendez-vous à midi pour déjeuner. Tajine d’agneau au miel et aux oignons pour les uns, tajine de poulet aux citrons confits et abricots pour les autres: ce premier plongeon dans la gastronomie locale nous rappelle à quel point la nourriture marocaine est excellente. Mais pas le temps de se reposer, le programme est chargé. Tout au plus nous reste-t-il un peu de temps pour découvrir la ville. A mille et une lieues de nos centres urbains maussades et gris, Chefchaouen brille par ses nuances d’indigo. Omniprésentes et chaleureuses, les teintes de bleu, pouvait-on lire dans le «Routard» qui ne nous quittait jamais, ont été retenues pour deux raisons: non seulement elles permettent de retenir la chaleur à l’extérieur des maisons mais, en plus, la chaux qui la compose a la particularité d’éloigner les moustiques.
La neuvième passagère
L’itinéraire de cette première journée nous fait passer par une autre ville marocaine, l’impériale Fès. En plus de visiter celle qui fut à une certaine époque la capitale du Maroc, l’objectif de cette excursion est surtout d’embarquer une neuvième passagère. Européenne vivant à Fès depuis près deux ans, elle est institutrice dans un lycée français.
Autant dire que, à défaut de pouvoir compter sur un vrai guide, sa connaissance de l’arabe et des coutumes locales nous seront d’une aide précieuse pour traverser le désert. Mais, d’ici là, il nous faut sortir de la ville pour rallier l’Atlas, notre endroit de campement pour cette première nuit en terres africaines. Plus facile à dire qu’à faire: au Maroc, la conduite en ville est à proscrire autant que faire se peut, anarchique étant le mot le plus approprié pour la décrire. En revanche, c’est une toute autre histoire pour les routes de l’arrière-pays, qui sont moins empruntées et globalement très bien asphaltées.
Initialement, il était prévu que nous dormions en camping sauvage la première nuit, aux alentours de la ville de Midelt. Mais, c’était sans compter sur le sens de l’hospitalité à nulle autre pareille de la population locale; à l’heure de poser nos tentes, des berbères nous ont proposé de nous installer sur leur pâturage. Tant mieux, la journée a été longue et nous devons encore installer notre campement composé de tentes, de tables, d’un auvent, de fauteuils et même d’une grille à barbecue. Oui, tout a été prévu.
Au lever, la première chose à laquelle nous pensons est le sable qui nous attend; aujourd’hui, quatrième jour de notre expédition, nous allons enfin pénétrer dans le désert pour un premier face-à-face avec les dunes. Mais, avant cela, c’est un trajet de plus de 400 km qui nous attend. A midi, pause est prise à Errachidia, l’occasion de grignoter un pain au Kefta, une viande locale cuite à la braise avec des tomates et oignons, une spécialité marocaine qui se déguste à la bonne franquette. Autrement dit, le plat est vite avalé. Tant mieux, la route jusqu’à Merzouga est encore longue. Comme prévu, les derniers kilomètres du trajet se discutent dans le sable. A l’arrivée, notre gîte, un riad au pied des dunes avec piscine (il est prévu d’alterner camping et hôtel durant notre séjour), se montre pour le moins surprenant. Un constat qui se répétera tout au long de notre séjour africain, le Maroc recelant une multitude d’hôtels tout aussi luxueux et charmants qu’abordables.
Après avoir passé une nuit confortable, nous sommes en pleine forme pour attaquer cette nouvelle et cinquième étape, uniquement constituée de pistes. Si cette journée ne met pas les capacités de franchissement de nos bolides en question, elle teste en revanche leur fiabilité; le désert marocain est en grande partie constitué de pierres, qui peuvent se révéler fatales pour les voitures. Prudence étant le mot d’ordre, cette étape de 300 kilomètres au milieu de l’immensité se déroule sans accrocs. Le soir, nous faisons notre premier campement au milieu des dunes de Zagora. Au programme, des escapades automobiles dans le sable suivies d’un barbecue, d’un feu de camp et d’une nuit à la belle étoile. Le bonheur à l’état pur.
Un Vitara plein de vigueur
Le lendemain, le sixième jour, c’est une étape de 200 km qui nous attend. Plus courte en distance que l’itinéraire de la veille, elle devrait par contre être plus longue en temps. Et pour cause, elle consiste en un parcours composé exclusivement de dunes de sable. Aussi, afin d’améliorer les capacités de franchissement de nos montures, nous dégonflons nos pneus jusqu’à atteindre la pression de 1,2 bar. Une technique qui ne nous empêchera cependant pas de nous «tanquer» à plusieurs reprises dans les dunes. A ce jeu-là, la plus capable s’est révélée être… le Vitara: caractérisée par un poids plume et une transmission intégrale simple mais efficace, la japonaise surfe sur les dunes sans s’y enfoncer.
Un Amarok un peu pataud, des Defender au top
A l’inverse, avec son poids de camion et son empattement de corbillard, l’Amarok nous a imposé de sortir sangles de remorquage et plaques de désensablement à plusieurs reprises. Quant aux deux derniers baroudeurs du convoi, les Defender, ils ont brillé de mille feux dans le désert; doté d’une garde au sol confortable et d’une transmission intégrale de tout premier ordre, ils se sont montrés très agréables à cravacher. C’est que les «Def’» jouent à domicile dans cet univers de sable et de pierres. Cela dit, qu’ils soient plus ou moins capables, les quatre véhicules du convoi n’ont jamais montré le moindre signe d’essoufflement. Non seulement jusqu’alors, mais également durant les deux jours suivants du roadtrip, eux aussi négociés dans le sable et dans les pierres. Pas même un pneu crevé! La chance du débutant sans doute. Plus direct, le retour au pays se négociera par les grands axes: après être sorti des pistes à Foum Zguid, nous nous rendons à Ouarzazate, la porte du désert, avant de rallier la ville rouge, Marrakech. Ensuite, c’est Casablanca, Rabat et puis Tanger. Et après Tanger, c’est le ferry et, par là même, le retour au bercail, des souvenirs plein la tête.