Simple coïncidence? Ou signe d’une trajectoire bénie des dieux de la course, qui accompagnent souvent la carrière des plus grands champions? Le fait est que depuis que Fernando Alonso a été annoncé «partant» pour une 3e campagne au sein de l’équipe qui lui a valu ses deux premiers titres mondiaux, en 2005 et 2006, le niveau de performance des monoplaces jaunes n’a cessé de s’élever. En témoignent les dernières courses de la saison, qui ont vu Daniel Ricciardo et Esteban Ocon se battre régulièrement dans le top 10, et marquer de gros points (4e et 6e à Silverstone, 4e et 5e à Spa, 6e et 8e à Monza, 4e à Mugello) avant de confirmer le week-end dernier en Russie, à Sotchi. Où Esteban Ocon – qui a pointé un instant en 3e position – et Daniel Ricciardo étaient finalement déçus de ne terminer «que» 5e (Ricciardo) et 7e, devancés par la «Mercedes Rose» de Perez (4e) et la Ferrari de Leclerc (6e). Pas de quoi… rougir!
Alonso, un porte-drapeau?
Et qui sait ce qu’a dû penser Alonso, de loin? Entre le Mugello et Sotchi, l’Espagnol a fait son retour officiel au sein du team Renault F1, à Enstone, là où se situe en Angleterre le département «châssis». Les motoristes sont à Viry-Châtillon, en banlieue parisienne. L’occasion de reprendre contact avec son ancienne équipe («où il est toujours considéré comme un dieu vivant», observe un ancien responsable), de mouler son baquet, mais aussi de découvrir le simulateur (ce qui est nouveau pour lui) aux côtés d’Ocon, son futur équipier, et Ricciardo, qu’il remplacera l’an prochain. Si, techniquement parlant, il est évidemment trop tôt pour que l’apport d’Alonso se fasse déjà sentir, il est tout aussi évident que ce retour exerce une influence positive sur le moral des troupes, et leur motivation: avec un Alonso au volant, Renault n’aura plus aucune excuse.
En quelques mois, toutes les étoiles semblent s’être alignées. Un instant menacé par les mesures d’économies forcées du Groupe Renault, le programme F1 a été confirmé par le nouveau président du Groupe, Luca de Meo, arrivé en juillet dernier à la tête de l’entreprise. L’homme ne s’est pas contenté d’expliquer que l’aventure F1 allait continuer, il a également précisé qu’elle se fera sous l’identité d’Alpine, marque sportive par excellence de Renault, et loin d’être sacrifiée, puisqu’on la verra également en Endurance, en GT ainsi qu’en rallyes! Une décision courageuse eu égard du climat frileux et autophobe qui prédomine en Europe actuellement, et plus particulièrement en France. C’est dans ce contexte que l’arrivée d’un champion de la trempe de Fernando Alonso, porte-drapeau incontestable d’un groupe aux ambitions renouvelées, prend toute sa signification.
Alonso, le plus complet?
Pour Cyril Abiteboul, le patron de Renault F1, il est clair que les progrès de l’écurie depuis l’an dernier n’auraient pas été possibles sans la pression mise en interne par la volonté de répondre aux attentes d’un vainqueur de GP comme Ricciardo. «C’est la première fois depuis 2016 que nous avons vraiment changé les caractéristiques de notre voiture», admettait-il récemment. Avant de continuer: «Et nous avons clairement progressé.» Il en sera de même, de manière encore plus poussée, avec Alonso. Deux grandes questions se sont toutefois posées quant à la perspective de ce 3e mariage Alonso-Renault: l’âge du capitaine, et sa motivation. Abiteboul y a vite répondu: «Plus que son âge (ndlr: Alonso fêtera ses 39 bougies l’an prochain), ses deux années loin de la catégorie reine lui ont permis de faire un ‹reset› de son propre système, de repartir avec un nouvel état d’esprit», analyse-t-il. Loin de la Formule 1, Alonso a failli gagner les 500 Miles d’Indianapolis dès sa première tentative (2018), et remporté deux fois les 24 Heures du Mans, signe d’une volonté, d’un talent et, surtout, d’une motivation intacte. Un ensemble de qualités que ne réunissaient pas entièrement les deux autres sérieux candidats pour occuper le baquet de la Renault, Valterri Bottas et Sebastian Vettel.
Alonso, contre les statistiques ?
Qu’il s’agisse de la piste ou des coulisses, Fernando Alonso n’est jamais aussi redoutable que lorsqu’il évolue dans un environnement qui lui convient. Mais il peut aussi s’avérer «toxique» s’il considère que son apport n’est pas suivi par les progrès de son équipe, comme ce fut le cas chez Ferrari. C’est là que Renault a une carte – délicate – à jouer. Et, par extension, Esteban Ocon, qui va devoir composer avec un pilote rompu aux méandres de la politique interne, et qui n’a jamais laissé la bride sur le cou à ses équipiers, comme en témoigne la guerre avec Hamilton chez McLaren en 2007. Sur un plan plus général, Fernando Alonso et Renault n’ont pas les statistiques des retours réussis de leur côté: seuls Niki Lauda (absent de 1980 à 82) et Alain Prost (loin des circuits en 1992) ont arraché un nouveau titre mondial, le 3e pour l’Autrichien (chez McLaren face à… Alain Prost en 1984), et le 4e pour le Français sur l’imbattable Williams-Renault «robotisée» de 1993. Tous les autres champions du monde ont manqué leur retour: Kimi Räikkönen chez Lotus de 2012 à 2014, puis Ferrari de 2015 à 2018 et maintenant Alfa Sauber; Michael Schumacher chez Mercedes de 2010 à 2012; Nigel Mansell chez Williams en 1994 et McLaren en 1995, et enfin Alan Jones chez Ford-Haas en 1985 et 86. Mais, s’il y en a un qui peut faire mentir l’histoire, n’est-ce pas précisément Alonso? Renault – et une bonne partie de la Formule 1 – y compte bien.
RÉSULTATS
Grand Prix de Russie. Sotchi, 10e manche du Championnat du Monde de Formule 1. 53 tours de 5,848 km (= 309,745 km): 1. Valtteri Bottas, Mercedes, 1:34’00’’364 (= 197,696 km/h). 2. Max Verstappen, Red Bull-Honda, +7’’729. 3. Lewis Hamilton, Mercedes, +15’’000. 4. Sergio Peréz, Racing Point-Mercedes, +30’’558. 5. Daniel Ricciardo, Renault, +52’’065 (+ 5’’ de pénalité pour avoir ignoré l’instruction du directeur de course). 6. Charles Leclerc; Ferrari, +1’02’’186. 7. Esteban Ocon, Renault, +1’08’’006. 8. Daniil Kvyat, Alpha Tauri-Honda, +1’08’’740. 9. Pierre Gasly, Alpha Tauri-Honda, +1’29’’766. 10. Alexander Albon, Red Bull-Honda, +1’37’’860 (+ 5’’ de pénalité pour avoir ignoré les instructions du directeur de course). 11. Antonio Giovinazzi, Alfa Romeo-Ferrari, +1 tour. 12. Kevin Magnussen, Haas-Ferrari, +1 tr. 13. Sebastian Vettel, Ferrari, +1 tr. 14. Kimi Räikkönen, Alfa Romeo-Ferrari, +1 tr. 15. Lando Norris, McLaren-Renault, +1 tr. 16. Nicholas Latifi (CDN), Williams-Mercedes, +1 tr. 17. Romain Grosjean, Haas-Ferrari, +1 tr. 18. George Russel, Williams-Mercedes, +1 tr. – Eliminés: Carlos Sainz, McLaren-Renault (1er tour, accident). Lance Stroll, Racing Point-Mercedes (1er tour, accident). – 20 pilotes au départ, 18 classés. – Tour le plus rapide (+1 point): Bottas, 51e tour en 1’37’’030 (= 216,972 km/h). – Pole position:
amilton en 1’31’’304 (= 230,579 km/h). Classement général (après 10 manches). – Pilotes: 1. Hamilton, 205 points (6 victoires). 2. Bottas 161 (2). 3. Verstappen 128 (1). 4. Norris 65. 5. Albon 64. 6. Ricciardo 63. 7. Leclerc 57. 8. Stroll 57. 9. Peréz 56. 10. Gasly 45 (1). 11. Sainz 41. 12. Ocon 36. 13. Vettel 17. 14. Kvyat 14. 15. Nico Hülkenberg, Racing Point-Mercedes, 6. 16. Räikkönen 2. 17. Giovinazzi 2. 18. Magnussen 1. – Constructeurs: 1. Mercedes, 366 Punkte (8 Saisonsiege). 2. Red Bull-Honda 192 (1). 3. McLaren-Renault 106. 4. Racing Point-Mercedes 104*. 5. Renault 99. 6. Ferrari 74. 7. Alpha Tauri-Honda 59 (1). 8. Alfa Romeo-Ferrari 4. 9. Haas-Ferrari 1. – *moins 15 points pour violation du règlement sportif. Prochaine manche: Grand Prix de l’Eifel au Nürburgring, 11 octobre 2020.