Le coronavirus reprend du poil de la bête et Swiss-Ski, la branche de Swiss Olympic qui regroupe le Ski alpin et nordique ainsi que le snowboard, est intransigeant: pour les interviews de sportifs, ce n’est pas plus de quinze minutes en présentiel, même avec un masque. Ou alors l’interview se fait par téléphone. La Fédération suisse de ski ne plaisante pas avec la santé de ses athlètes, d’autant plus que la saison de compétition approche à grands pas. Vu le nombre de questions à poser à Dario Cologna, le plus célèbre des fondeurs suisses, on choisit la deuxième option. Le jour et à l’heure convenue, on attend le coup de fil du grand champion grison en route pour un camp d’entraînement d’une semaine en Allemagne. En vain. Comment on dit poser un lapin téléphonique en romanche? Le service de presse de l’athlète est dans ses petits souliers. Ce jour-là, le tournage d’une vidéo et les embouteillages semblent avoir eu raison de la patience de l’athlète.
Un deuxième rendez-vous est fixé pour le lendemain. Au téléphone, la voix est calme et sympathique. Le Grison a terminé son entraînement avec d’autres membres de l’équipe suisse. Dario Cologna, qui a grandi au cœur des montagnes, dans le Val Müstair, n’est pas ce que l’on pourrait appeler un homme volubile. Mais ses innombrables victoires l’ont projeté depuis longtemps à la une des médias. Alors, l’athlète remplit la mission et répond aimablement à chaque question, en prenant parfois un petit temps de réflexion. Avec quelque 20 000 kilomètres au compteur par année, le sportif dépasse la moyenne suisse. Normal, lui qui habite à Davos se déplace beaucoup en voiture pour se rendre à des événements organisés par ses sponsors ou pour aller à des entraînements. Par contre, pour se rendre aux compétitions, il préfère se déplacer dans le bus VW de l’équipe suisse, comme ça, il doit «moins réfléchir».
Conduite écoresponsable
Conduire, Dario Cologna aime ça. Adopte-t-il le même rythme sur les routes que lors des compétitions? Il rit: «Ah non, pas du tout. Sur les pistes, je vais le plus vite possible, alors que sur la route, je respecte les vitesses. J’ai également adopté une conduite anticipative et économique.» Il faut dire que le trentenaire est ambassadeur du CheckEnergieAuto, soit un contrôle que chaque automobiliste peut effectuer chez un garagiste certifié. L’objectif? Protéger l’environnement, en réduisant les émissions de CO2, ce qui diminue également les coûts pour le conducteur. Amoureux de la nature, le fondeur grison prend sa mission écoresponsable à cœur. On le sent sincère. «Je trouve que ce contrôle est une bonne chose.» Oui, mais, renoncer à la voiture, ce ne serait pas mieux? «Ce ne serait pas possible dans ma situation. En fait, je ne trouve pas paradoxal d’aimer la nature et espérer qu’elle reste intacte tout en roulant en voiture. On peut faire attention à sa façon de conduire. J’ai une conduite anticipative et j’économise le carburant. J’évite également de transporter des bagages inutiles et je fais contrôler la pression de mes pneus. Ce sont des petites choses, mais c’est important pour l’environnement.» Vendu, Dario!
Si l’athlète est en mode économie d’énergie sur la route, dès qu’il chausse ses skis de fond ou de skating, il met le turbo. Et quel turbo! Quadruple champion olympique, le Grison égale le gymnaste Georges Miez et le sauteur Simon Ammann au panthéon des sportifs suisses les plus titrés. Il compte également quatorze victoires en Coupe du monde, quinze deuxièmes places et neuf troisièmes places. En 2012, ses 2216 points au classement général de la Coupe du monde représentent le plus haut total jamais atteint par un fondeur. Dario Cologna avait d’ailleurs été élu «Suisse de l’année» en 2012. L’année suivante, à Val Di Fiemme (Italie), il remporte son premier titre de champion du monde à l’arrivée du skiathlon (2×15 kilomètres). Il gagnera trois autres médailles en quatre participations. Depuis 2003, il a accumulé le chiffre impressionnant de 140 podiums.
Discipline et ambition
La clé du succès? «Je sais ce que je veux: réussir. Pour gagner, il faut beaucoup de discipline et d’ambition.» Et d’entraînement, évidemment. Le Davosien s’entraîne en moyenne quatre heures par jour, six jours par semaine. «Pour réussir, il faut travailler dur. Ce que je fais volontiers, car j’ai du plaisir à pratiquer mon sport. A Davos, où j’habite, les bâtiments ne sont peut-être pas beaux, mais la nature, elle, est belle, et il y a beaucoup de possibilités d’entraînement.» Le fondeur évoque également le Centre national de performance pour le ski de pointe inauguré en 2003. «Il y a une salle de musculation et deux tapis roulants pour le ski à roulettes, un sport que je pratique également sur la route.»
Ski de fond classique ou skating, le Grison refuse de choisir: il aime les deux disciplines et il est ravi de cette variété. Ceux qui pratiquent le skating ou ont vu des compétitions avec leur lot d’athlètes qui s’effondrent sur la ligne d’arrivée l’auront compris: c’est un sport épuisant. Comment le champion olympique fait-il pour se donner au maximum sans risquer de s’écrouler? «Je connais très bien mon corps et je sais rester juste à la frontière de mes limites. C’est tout un art.» A l’entraînement, Dario Cologna s’exerce à aller plus loin encore. «Le corps a beaucoup de réserves et même si les jambes et les muscles ont une grande importance, la tête a un grand rôle à jouer.» Au fait, à quoi songe-t-il lors des compétitions? «Je suis entièrement concentré. Je pense uniquement à arriver au but le plus vite possible et être le premier.» En attendant les premières compétitions qui débuteront dans quelques semaines, fin novembre, le Grison continue l’entraînement, sans viser la top forme pour le moment. «Actuellement, à l’entraînement, je sens que je ne suis pas encore tout à fait prêt. Je dirais que je suis à 1 ou 2% du but, mais il me reste encore un peu de temps. ll ne faut pas être prêt trop tôt parce qu’il n’est pas possible d’être en top forme tout l’hiver.»
Pour la saison qui s’annonce, le Grison espère participer à beaucoup de compétitions. Il vise notamment une médaille aux championnats du monde d’Oberstdorf, en Allemagne. Laquelle? «L’or, c’est toujours le plus beau.» Mais, il n’oublie pas que le coronavirus rôde. «D’habitude, en hiver, on fait toujours attention à la grippe. Avec le virus, on doit faire très attention. Pour un fondeur, avoir des problèmes aux poumons, c’est très grave. Je n’ai pas peur, mais j’ai du respect. J’espère que la saison sera normale, mais tout peut changer très vite.»
«La liberté en voiture, un beau sentiment»
Revue Automobile: Prost, pour vous, c’est qui?
Dario Cologna: Un ancien pilote automobile. Dans le temps, je regardais beaucoup les courses.
Votre première fois en voiture?
C’était avec mon père, sur le grand pré devant la maison de ma grand-mère paternelle qui habite de l’autre côté de la frontière, au Tyrol du Sud, en Italie. Je n’avais pas encore 18 ans.
Votre première voiture?
La vieille Mitsubishi de ma mère. Elle était bien pour mes débuts. Je la partageais avec ma sœur, puis, comme ma sœur étudiait à Zurich et se déplaçait en train, je l’ai prise pour moi.
Aujourd’hui, vous roulez en?
Audi A6. Chaque année, on reçoit une nouvelle voiture de Swiss-Ski. L’année prochaine, ce sera une Audi Q5.
Votre voiture de rêve?
Je n’ai pas véritablement de voiture de rêve. Ou alors un SUV, parce que ce que j’aime dans une voiture, c’est avoir de la place.
Le plus fameux de vos périples en voiture?
Lorsque j’avais 18 ou 19 ans, avec une bande de copains, on est parti en Croatie dans la voiture d’un des trois copains. On a fait notre road trip en break Volvo. On décidait du trajet au jour le jour, sans planifier quoi que ce soit. On a ensuite pris le ferry jusqu’à Ancône, puis on a conduit jusqu’à Rimini. Aujourd’hui, pour moi, ce ne serait plus possible de voyager comme ça.
Un cauchemar en voiture?
Un accident. J’ai eu un seul accident, qui n’a provoqué que des dégâts matériels. C’était l’hiver, j’étais seul au volant de ma voiture et, dans un contour qui était glissant, j’ai fini dans un poteau métallique. Ça arrive vite…
Au volant de votre voiture, vous vous sentez…
En sécurité et libre, parce qu’en voiture, on peut aller partout. C’est un beau sentiment. Il faut dire que dans le val Müstair, où j’ai grandi, il faut une heure pour se rendre dans les vallées d’à côté.
Vivre sans voiture?
Ce serait compliqué. Comme sportif, je suis toujours en route, avec mes cinq ou six paires de ski de deux mètres de long – j’en ai une quarantaine dans un camion de Swiss Ski –, mes bagages et un tas de ski à roulettes.
Le 30 km/h dans toutes les villes suisses, une bonne idée?
A mes yeux, ce n’est pas nécessaire. De toute façon, il y a beaucoup de circulation et on doit rouler lentement. Donc le 50 km/h, c’est ok.
Les voitures sans conducteur: bonheur ou frustration?
Une frustration. J’aime conduire, c’est quelque chose de beau. Pour ce qui est des voitures sans conducteur, il faudra une sacrée confiance… Actuellement, je préfère être au volant. Il y a déjà pas mal d’assistances à la conduite, c’est bien comme ça.
Qui prendriez-vous à coup sûr en auto-stop?
De préférence personne, vu la pandémie de coronavirus.
Et qui surtout pas?
Une personne avec beaucoup de bagages. Ce n’est pas très agréable.