Dans un arrêt de principe, la Haute Cour confirme que celui qui poursuit sa route après avoir causé un accident, au motif qu’il ne l’avait pas remarqué, peut commettre un «délit de fuite par négligence». Cet arrêt (arrêt 6B_1452/2019) aborde le cas d’un automobiliste qui, en dépassant un motard, est entré en collision latérale avec lui. Le motocycliste chute et se blesse. L’automobiliste, lui, poursuit sa route sans porter secours au motocycliste ni appeler la police. Il explique son comportement par le fait qu’il n’avait ni vu, ni entendu le choc, pas plus qu’il n’avait remarqué la chute du motocycliste.
Après un bref rappel des devoirs en cas d’accident, le Tribunal fédéral examine si un délit de fuite peut être retenu contre l’automobiliste, alors que ce dernier n’a pas remarqué l’accident.
Les devoirs en cas d’accident
De façon générale, la loi prévoit que les personnes impliquées dans un accident sont tenues de s’arrêter immédiatement et d’assurer, dans la mesure du possible, la sécurité de la circulation.Lorsque l’accident ne cause que des dégâts matériels, il est possible de renoncer à faire appel à la police, en signant un constat amiable d’accident. En l’absence de blessés, l’automobiliste a d’ailleurs tout intérêt à opter pour cette solution, pour éviter une amende ou un retrait du permis. Attention toutefois: l’appel à la police est souvent nécessaire, même en l’absence de blessés. Tel est le cas dès que l’un des conducteurs impliqués le souhaite. Il en va de même en cas de dommages causés aux biens (clôture, etc.) ou au véhicule d’un tiers qui ne peut pas être contacté. Contrairement à la croyance populaire, il ne suffit pas de laisser sa carte de visite sur le pare-brise du véhicule qu’on a malencontreusement abîmé. Si son propriétaire est absent, il faut s’annoncer à la police.
Par ailleurs, s’il y a des blessés, même légers, toutes les personnes impliquées (fautives ou non) doivent porter secours, appeler la police et rester sur place pour participer à l’établissement des faits, sauf si elles sont elle-mêmes blessées au point d’avoir besoin de secours. Le non-respect de l’une de ces obligations est une infraction pénalement répréhensible. La peine peut aller de la simple contravention, par exemple en cas de dégât matériels, jusqu’à une peine privative de liberté de trois ans au plus pour celui qui prend la fuite alors qu’il y a des victimes.
La question de la négligence
Dans l’affaire précitée, le Tribunal fédéral s’est intéressé à la forme la plus grave de ces violations: le fait de ne pas s’arrêter, de ne pas appeler la police et de ne pas porter secours au blessé lorsqu’on est impliqué dans un accident, soit le délit de fuite avec victime. Les juges ont été appelés à se prononcer sur le caractère involontaire de cette «désertion», dès lors que l’automobiliste concerné prétendait n’avoir ni vu, ni entendu l’accident.
Le Tribunal fédéral rappelle que la loi sur la circulation routière prévoit que toutes les infractions au code de la route sont punissables, même en cas de simple négligence. Une fois ce rappel effectué, les juges de Mon Repos expliquent qu’il y a négligence dans tous les cas où il était objectivement possible de déceler le choc. Peu importe donc que l’automobiliste l’ait ou non su, dès l’instant où il aurait pu le remarquer.
Le Tribunal fédéral va toutefois plus loin et souligne que la loi sur la circulation routière exige que l’automobiliste prête à tout instant son attention à la route et à la circulation. Il en déduit ainsi que l’automobiliste qui ne remarque pas qu’un accident s’est produit a, en principe, nécessairement manqué d’attention, en ne vouant pas toute son attention à la route comme on l’attend de lui.
Le Tribunal fédéral pose ainsi un principe qui ne laisse, à nouveau, que peu de marge de manœuvre: un délit de fuite ou toute autre violation involontaire des devoirs en cas d’accident sera, sauf circonstances exceptionnelles, nécessairement dû à une négligence, donc punissable. λ
Plus d’infos: www.avocats-route.ch